X-MAS STORY CHALLENGE – LE DÉFI LICORNE DE NOËL
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1 jour, 1 chapitre, 1 image, 1 mot défi à placer, 1 référence Littérature Jeunesse
RENNE DU PERE NOËL, POURQUOI PAS MOI ?
1er décembre J-24
Ce matin, c’est le 1er décembre. Il fait frais mais pas encore assez froid pour se croire en hiver. À travers la fenêtre de sa cuisine, Lulu, la Licorne à Lunettes, regarde le ciel. Il est bleu, vraiment très bleu. Pas un seul nuage à l’horizon.
– Ce n’est pas encore aujourd’hui qu’il va neiger, se lamente Lulu en allant se rasseoir dans son fauteuil, près de la cheminée. Pfff, comment vais-je faire pour m’entraîner ?
Depuis quelques semaines, Lulu a une idée en tête, une idée un peu farfelue, comme d’habitude. Son ami Jean-Michel*, le caribou volant qui vit au Canada, lui a parlé d’un projet sensationnel : un programme d’entrainement pour devenir renne du Père Noël. En effet, débordée par des livraisons de plus en plus importantes au quatre coins du monde, l’équipe du Père Noël a besoin de renfort.
Depuis sa tablette, Lulu regarde encore une fois la vidéo de démonstration que Jean-Michel lui a envoyée. Dans un décor un peu étrange de salle de sport pailletée, le professeur Fringant, l’un des 9 rennes volants de la brigade du Père Noël, fait la promotion de sa formation.
– En moins de 4 semaines, avec mon programme « Renne d’un jour, Renne toujours », vous pourrez flirter avec le firmament. C’est très facile : il vous suffit d’un peu d’imagination, d’une bonne dose de courage, et surtout de croire en votre étoile. Trouvez votre cristal totem et rejoignez-moi au plus vite !
– Un cristal totem ? Mais ça ressemble à quoi ? se demande Lulu. Et comment le trouver ?
C’est alors que le téléphone de Lulu se met à sonner.
– Allo Lulu ? C’est Jean-Michel ! Tu as vu les news ?
– Salut Jean-Michel justement je voulais te…
– Incroyable, incroyable, l’interrompit le caribou complètement paniqué, le professeur Fringant a disparu !
2 décembre J-23
Lulu ne comprend pas un mot de ce que raconte Jean-Michel. Il a trop bu de bière de Noël ou quoi ?
– Calme-toi, calme-toi, tu me hurles dans les oreilles. Que dis-tu ?
– Je dis qu’une chose terrible est arrivée ! Fringant, le meilleur des rennes du Père Noël a disparu. Il était en vacances au Pôle Nord dans le Club Gliss’Class avec son cousin Bob, le Cerf volant. Il buvait un Pchiiittt quand tout d’un coup, Fuuuiittt ! Envolé ! Volatilisé ! Dingue !
– Mince, mais c’est une catastrophe. Et moi qui avais justement commencé à préparer mes affaires pour rejoindre son centre d’entraînement.
– Lulu, il faut faire quelque chose, et vite !
– Tiens-toi prêt, Jean-Michel. Je saute dans ma voiture et j’arrive. À deux cerveaux, on ne sera pas de trop pour remonter la piste et élucider ce mystère. Allo ? Allo ?
Lulu n’a même pas le temps de finir sa phrase que la communication est coupée. Bigrement bizarre autant qu’étrange. Ce n’est pas le genre du caribou de raccrocher ainsi au nez de Lulu. Décidée à tirer au clair cette histoire, elle sort sa valise à roulettes et y range le strict nécessaire. Enfin presque. Une couverture en polaire, une théière, une boussole, cinq tablettes de chocolat aux éclats d’arc-en-ciel (ses préférées), une paire de bottes à paillettes, son Manuel des Licornes Légendaires, une crème de nuit pour sa corne, sa brosse à dent de voyage et son carnet d’enquêteur que lui a donné son ami Sherlock Yack*.
Ah oui, il risque de faire froid. Alors, une écharpe au cas où et une boîte de pastilles pour la gorge. Lulu est très sensible aux courants d’air et un mauvais rhume de cerveau est vite arrivé. Justement, côté cerveau, il ne faudrait pas tomber en panne, déjà que Jean-Michel est un peu limité de ce côté-là, se dit-elle devant sa glace.
Valise bouclée, elle saute dans sa voiture décapotable. Eolienne branchée ? Ok. Lunettes ajustées ? Ok. GPS programmé ? Ok. Direction le Canada pour rejoindre Jean-Michel, de toute urgence. Le vent est dans le bon sens, ça va être rapide, a priori.
Soudain, ding ! Un message arrive sur son téléphone portable…
3 décembre J-22
Pas le temps de lire le message, Lulu est déjà en route. La météo est favorable, pas de neige, pas de brouillard, quelques nuages dodus mais rien d’inquiétant. La conduite est aisée, Lulu peut même passer en pilotage automatique. Très pratiques ces voitures volantes électriques mais ça ne vaut pas la dextérité d’un renne comme Fringant. Vivement qu’elle le retrouve afin que le programme d’entrainement puisse commencer. Il ne reste que quelques semaines.
Le temps se rafraîchit à l’approche de la destination canadienne. Des petites taches de givre sur le pare-brise lui donnent l’alerte. Lulu reprend la manœuvre pour refermer le toit. Elle jette un œil au GPS qui lui indique une arrivée dans les 2 minutes. À l’altitude où elle se trouve, Lulu distingue très bien la maison de Jean-Michel. Une cabane en bois assez rustique mais entourée d’un jardin peuplé de nains de… neige !
– Ouhla, par ma corne, ce caribou a carrément un sens de la déco plutôt douteux. Tiens, étonnant, pas de fumée depuis la cheminée ?!
– Vous êtes arrivée à destination, claironne la voix nasillarde de la navigation embarquée.
Lulu se gare devant l’entrée. Elle met son écharpe, avale une pastille en prévention et sonne à la porte.
– GLOU – BI – DOU – GLOU – BI – DOU* ! braille la sonnette
– Non mais c’est quoi ce truc, ça n’existe pas une sonnerie de la sorte !! hurle Lulu en sursautant. Il va me rendre chèvre avec toutes ces inventions bizarroïdes, cette espèce de gnou dégénéré.
Personne ne répond.
Alors que Lulu attrape son portable pour appeler Jean-Michel et le sonner de lui ouvrir, elle s’aperçoit que la porte n’est pas fermée. Sa colère retombe d’un coup et un frisson glacial remonte le long de sa crinière multicolore.
– Mince, je sens qu’il s’est passé quelque chose de grave, murmure-t-elle en pénétrant à pattes de loup dans la maison. Si jamais c’est une mauvaise blague pour me faire peur, et que je me prends un saut de glaçons sur la corne en passant la porte, je lui ratiboise le museau façon Lulu, ça va saigner, pense-t-elle presque tout haut.
Elle avance au milieu du salon, tout est bien rangé, entièrement nickel. Pas un livre ne dépasse de la bibliothèque, pas une miette de croquette aux herbes sur le bord de la table, pas même une vieille chaussette qui traine près du fauteuil. Bigrement bizarre autant qu’étrange. C’est bougrement louche.
– Ne pas paniquer, ne pas PANIQUER, NE PAS PANIQUER, répète Lulu de plus en plus fort. Il y a forcément une explication. Autant d’ordre chez Jean-Michel, c’est impossible. C’est carrément flippant. La fée du rangement Gemkancenette vient de lui jeter un sort ou quoi ? tente-t-elle de blaguer pour se rassurer.
Ding !
Le portable de Lulu vient de sonner. Un rappel du message qu’elle n’a pas ouvert tout à l’heure.
Passé le sursaut qu’il lui a fait lâcher l’appareil des pattes, elle ramasse le téléphone en bougonnant. Mais encore une fois, l’énervement fait place à l’angoisse. Ce n’est pas un message écrit qui s’affiche mais une vidéo.
– Lulu, attention à toi ! crie Jean-Michel à l’écran. Ils m’ont retrouvé. Ils te cherchent. C’est le Polatouche ! Il faut que tu contactes…
Juste avant que l’image ne se fige, Lulu a pu apercevoir une silhouette se précipitant sur le caribou pour lui arracher l’appareil. Cette silhouette ne lui est pas inconnue. Il s’agit d’Igor, le fameux et terrible écureuil de Sibérie. Ce Polatouche Givré est l’ennemi juré de Lulu depuis qu’il a tenté de lui dévisser la corne pour s’en faire un bobsleigh.
– Par ma corne, ça ne va pas se passer comme ça !
4 décembre J-21
Fringant, le renne a disparu. Maintenant, Jean-Michel le caribou volant… Hmm, il se passe quelque chose de louche au royaume des animaux extraordinaires… Qu’est-ce que vient faire Igor l’écureuil dans cette histoire ? Lulu est-elle en danger ? Qui faut-il contacter selon Jean-Michel ?
– Ah la la, ma tête, je n’y comprends rien ! se lamente Lulu en se frottant la corne.
Assise dans le fauteuil à roulettes de Jean-Michel, Lulu parcourt des yeux la pièce. Elle réfléchit. Elle hésite. Se lancer à la poursuite d’Igor, c’est courir au devant du danger. En plus, elle ne sait même pas où il se cache, et puis elle ne pourrait pas y aller toute seule, cela ne serait pas raisonnable. Et sa formation « Renne d’un jour » ? C’est important aussi, cela fait des mois qu’elle a économisé pour ça et Noël est dans quelques semaines. C’est Fringant qu’il faut retrouver en premier ! Mais elle ne peut pas abandonner son ami, tout de même.
Aïe aïe aïe, toutes ces tergiversations lui broient le cerveau, on dirait que sa corne va se mettre à fumer tellement ça carbure à l’intérieur.
Soudain, son regard tombe sur une photo accrochée au dessus du lit de Jean-Michel. On dirait une photo de classe. Lulu se rapproche du mur, comme hypnotisée par l’image.
– Bon sang mais c’est d’une évidence élémentaire ! crie Lulu de joie. C’est lui qu’il faut que j’appelle. Il saura sûrement où se trouve ce crétimbécile* d’Igor, cette sale créature maudite à poils mal brossés. Si on trouve Igor, on trouvera Jean-Michel et on pourra enfin partir à la recherche de Fringant.
Lulu décroche la photo du mur et la met dans son sac. Elle rassemble quelques affaire du Caribou : son bonnet, ses moufles et son lecteur MP3 et direction la voiture. Pas de temps à perdre, il faut se mettre sur la piste d’Igor.
La licorne saute dans sa décapotable, fait vrombir l’éolienne et programme à nouveau son GPS. Elle compose un numéro directement à l’écran.
– Allo Batman*, t’es chez toi ? Jean-Michel a disparu. J’arrive, il faut que tu m’aides. Comment ça tu es dans ton bain ? Mais tu ne prends jamais de bain voyons ! Arrête de m’embrouiller, vieux Chinchilla feignant ! On a du pain sur la planche et elle est sacrément savonnée j’peux te dire. Allez hop, prépare ta cape, je suis là dans 15 min.
5 décembre J-20
À quelques temps de là, au fond de la forêt canadienne, le gang du Mal fomente un sale coup. Caché sous une fausse montagne de neige, le repère d’Igor le Polatouche de Sibérie est en alerte maximale.
– Cef, cef, le bip vient de se déclencer à nouveau. La voiture de Lulu vient de sanzer de destination, zozote un minuscule animal devant une multitude d’écrans animés, depuis un énorme fauteuil en cuir.
Dans cette pièce sombre, la lumière d’un feu qui crépite dans la cheminée projette une ombre effrayante sur les murs. Igor le terrible médite. Il n’avait pas prévu le vidéo-message de Jean-Michel.
– Miss Freak, cette bête à corne m’énerve de plus en plus. Il va falloir changer nos plans et quitter la planque au plus vite, grogne Igor en rangeant dans la poche de son gilet sa montre à gousset.
– Comment ça passer à la banque aux pépites ? Mais Cef, nous n’avons pas encore réunis tous les zéléments pour fabriquer le Cristal Totem, geint la bestiole au nez retroussé. Nous zavons une poignée de poils de Caribou, une touffe de ceveux de Pipistrelle – ze suis bien zentille au passage de me sacrifier, ze dis ça ze dis rien hein ?! – Cela ne suffit pas ! Il nous faut une dent de dragon bleu qui crache de l’eau*, trois zécailles de raie Manta et évidemment quelques grammes de corne de licorne.
– RÈGLE TON SONAR, IL EST ENCORE TOUT DÉGLINGUÉ, TU NE COMPRENDS PAS LA MOITIÉ DE CE QUE JE DIS, hurle Igor. JE LE SAIS BIEN, ESPÈCE D’ÉCHANTILLON DE COCHON AILÉ MINIATURE QUE NOUS N’AVONS PAS TOUS LES INGREDIENTS DE LA RECETTE POUR LE CRISTAL TOTEM !
Igor se rapproche du grand panneau d’écrans et retourne d’un coup sec le fauteuil.
– ARHHHHHGHH, vous m’avez fait peur, Cef, couine la Pipistrelle surprise.
– REMETS TON CASQUE SONAR TOUT DE SUITE ! crie Igor en lui enfonçant sur la tête une casquette métallique ressemblant à un petit satellite.
– Aïe ma tête ! Ze vais encore avoir une bosse, Cef.
BOUM BOUM BOUM
Du fond de la pièce, derrière une porte en métal des coups pleuvent comme un marteau-piqueur.
– Tu ne t’en sortiras pas comme ça Igor, vocifère Jean-Michel la voix étouffée, Lulu va venir avec Batman et tu vas voir tes fesses !
6 décembre J-19
Le GPS de Lulu indique encore 5 min de vol avant d’arriver chez Batman. Le temps est en train de changer : le bleu a laissé place au gris et le froid se fait plus pinçant. Lulu ajuste son écharpe et replace son bonnet pour bien se couvrir les oreilles. Elle inspire un grand coup : ça sent la neige ! Les gros nuages sombres qui approchent présagent d’une imminente giboulée. Bon signe, ça !
Lulu referme d’un coup sec le carnet où elle a noté les différents indices qu’elle a recueillis. Quel est le mic-mac que ce margoulin d’Igor est en train de magouiller ?
– Cet écureuil vole un peu trop bas sous les radars. Bigrement bizarre autant qu’étrange, encore une fois, pense-t-elle.
– Attention, atterrissage dans une minute, mode automatique terminé, rappelle la voix du navigateur.
La voiture se Lulu se pose sur le toit d’une impressionnante tour en pierres noires. Sur le sol, un grand B est marqué à la peinture blanche.
– Ah quel frimeur ce Chinchilla, dit Lulu en sortant de son véhicule. Allo Batman ? Je suis là, je descends. Peux-tu me donner le code de ton ascenseur ? Quoi, 007 ? J’aurai dû m’en douter, ricane la Licorne en essuyant la buée de ses lunettes un fois entrée dans la cabine.
Il faut bien 3 minutes pour descendre au 2e sous-sol de la Tour « B ». Lulu en profite pour regarder à nouveau la vidéo d’alerte de Jean-Michel. Son cœur se serre un peu, elle en pince un brin pour son copain aux bois volants.
– Allez, on se reprend, se dit-elle. Tremble Igor ! Le duo de choc Lulu et Batman va te marquer à la culotte. Ça va bougrement chauffer pour ton matricule et ton popotin roux.
La porte de l’ascenseur s’ouvre sur un grand salon en marbre noir : lumière glaciale, calme morbide. Une ambiance de vampire à vous faire dresser la crinière sur la tête. Du fond de la pièce, Lulu semble entendre le bruit d’un galop sourd. Une odeur d’olive rance précède l’ombre qui s’approche maintenant d’elle, grossissant au fur et à mesure que le bruit s’intensifie. Et puis soudain, un grand cri retentit.
– YARGLAAHHHHHH ! LULU ! ALLONS RATATINER CETTE FACE DE PET* D’IGOR !
7 décembre – J18
– Batman, t’es frappadingue, tu m’as fait une de ces peurs. Il est méga flapflippant* ton nouveau costume.
– Salut ma pouliche multicolore. C’est la classe, tu ne trouves pas ? Tout en skaï et néoprène. Et mate un peu le casque. Hop j’appuie sur ce bouton et rehop un mini-réacteur surgit. Et rerehop, un clic ici et je décolle vitesse grand V direction le firmament en moins de 10 secondes. C’est beau la technologie, hein ? fanfaronne le Chinchilla en combinaison cuir, façon homme-canon miniature.
– Mon ChinchiChou, je suis crevée. L’heure est grave : Jean-Michel et le renne Fringant ont disparu, je ne sais pas comment je vais pouvoir faire ma formation accélérée de Renne Volant, je n’ai plus de batterie à mon portable, mes lunettes sont cracra. Et surtout, surtout : j’ai une faim de loup-garou. T’aurais pas un truc à boulotter, sinon je serai capable de te croquer. Tu ressembles à un bonbon en réglisse et j’ADORE le réglisse.
– Ok, ok, je te prépare ma spécialité. Glisse toi dans le jacuzzi. Détend-toi.
Batman file à la cuisine pour préparer le dîner, il y a urgence, une Licorne à Lunettes affamée, c’est dangereux. Très agressif même, si elle n’a pas sa ration de fibres de la journée. Le Chinchilla sait y faire, ce n’est pas la première fois que sa copine à corne débarque le ventre vide et la tête de travers. D’ailleurs, il faudrait qu’il lui dise un jour : un peu facile de compter sur ce bon vieux Batman quand le frigo est vide ! Question retour de service, y a pas match nul, c’est toujours les petits qui trinquent.
La spécialité de Batman, c’est la pizza olive-brocolis-roquette. En moins de 15 min, la pâte est prête, les ingrédients posés et hop au four vapeur. Dans 10 min, c’est emballé-pesée. La grande cornue binoclarde va se régaler, foi de Chinchilla.
– Lulu, tu as vu le message que je t’ai envoyé ? Ça vient de Coco l’hélico-lapin. Il est terrifié, il a l’impression que sa télé l’observe.
Du fond du jacuzzi bloblotant, Lulu rassemble ce qui lui reste de neurones pour répondre.
– Je suis sûre que c’est encore un sale coup d’Igor et Miss Freak, déraille-t-elle dans un demi-sommeil. On verra ça demain. D’abord manger, ensuite dormir. La nuit porte conseil.
8 décembre – J-17
La nuit noire et obscure est tombée sur la sombre forêt canadienne. En clair, on n’y voit plus rien du tout. Pratique pour le repère du Gang du Mal qui passe ainsi en mode furtif… Bigrement louche ? Sacrément malin, oui.
– Mais où z’ai fiçu cette sacrée télécommande ? Nom d’un pet de moustique, z’étais sûre de l’avoir posé sur mon bureau…
Dans le repère d’Igor, ça fomente à fond. Assise devant son mur d’écrans, Miss Freak est en panique. Et une pipistrelle qui s’agite, ça fait peur à voir. Autour d’elle, un nuage de poils poussiéreux grossit à mesure que son stress augmente.
Des images d’animaux extraordinaires défilent, comme autant de portraits d’agents spéciaux à éliminer : un caribou volant, un lapin à hélices, une raie Manta, un dragon bleu, un ours en kitesurf, une coccinelle en patins à roulettes… Sur l’un d’eux – Jean-Michel – une croix verte barre le visage. Sur d’autres, une cible rouge semble collée sur le nez.
– C’est ça que tu cherches, tête de linotte déglinguée ? souffle Igor d’un air narquois. Je l’ai trouvée dans le frigo, c’est vraiment n’importe quoi ! Faut réinitialiser ton programme, ma vieille !
– Oh merci Cef ! Z’êtes trop fort, vous ! se réjouit Miss Freak.
Elle prend la télécommande et la pointe vers le visage de Coco le lapin-hélico. L’image s’agrandit, puis un point rouge sur une carte se met à clignoter.
– Il est là, il est là ! Il est coincé cez lui maintenant. Faut foncer, Cef !
– JE VEUX SA MOUSTACHE !!!
– Promis, Cef ! On le traque, on le braque et on le scalpe. Il nous suffit de trois poils de moustache pour la recette du Cristal Totem.
– JE SAIS, VIELLE SOURIS AILÉE ! hurle Igor. ALLEZ, ON FONCE !
– Z’êtes vraiment zénialement démoniaque Cef ! roucoule la Pipistrelle, les yeux plein d’admiration pour ce voyou d’écureuil.
Les deux compères avalent une poignée de graines vitaminées et enfilent leur tenue de combat. Dehors une motoneige les attend. Ils vont devoir rouler toute la nuit pour rejoindre le tarmac du lapin.
– Fais péter ta cape, on part en mission, Baby* !
– Quoi ? Faut faire des additions ? demande Miss Freak qui n’a pas branché son sonar, encore une fois.
– MAIS NON, SOURDINGUE, ON PART EN MISSION !
Igor claque la visière de son casque et tourne la poignée à fond. Dans un fracas pétaradant, le bolide surgit comme une panthère des neiges puis disparait ensuite entre les arbres…
9 décembre – J-16
– 1, 2, 3 et 4 ! 1, 2, 3 et 4 ! Hop hop hop ! Allez encore un petit effort et ça fera 1000.
Dans le fond de son salon, Batman, levé à l’aube, fait sa gym matinale. Lulu dort encore.
– 999 et 1000 ! Et voilà, une bonne dose de sport le matin ça vous conserve un Chinchilla ! 1000 abdos, c’est du boulot, mais bingo, ma Lulu va en être accro.
Pas peu fier de ses abdominaux façon tablette de chocolat, Batman se dirige vers la cuisine pour préparer un petit déjeuner de compétition : jus de goyave fraîche, pain perdu au sirop d’érable et une bonne poignée de cranberries confites, son péché mignon.
– Hmmm, ça sent bon le beurre caramélisé, dit Lulu les naseaux dilatés, attirée par la douce odeur de cuisson. Les yeux encore mi-clos, en mode somnambule, elle s’est laissée guidée par les relents sucrés jusqu’aux fourneaux de Batman.
– Viens t’asseoir ma pouliche arc-en-ciel. Goûte, tu vas m’en dire des nouvelles.
– Merci mon ChinchiChou, tu es un artiste au poêle ! plaisante-t-elle.
– Ah ah ah, c’est malin, je vois que tu es bien réveillée maintenant. Blague du matin, tsouin tsouin, répond Batman, un brin vexé.
– Allez, boude pas Hamster Jovial ! Tu es un Super-Cuistot. Bon, revenons à notre vilaine bande de kidnappeurs. Il faut retrouver Igor au plus vite, je suis sûre qu’il mijote un mauvais tour d’ici Noël.
Brim Brim Brim
Le téléphone de Lulu se met à vibrer sur le carrelage du bar de Batman, où nos deux amis sont attablés.
– Ch’est un méchage de Croxch ! machouille Lulu, un gros morceau de pain perdu dans la bouche.
– Qu’est-ce que tu baragouines, je ne comprends rien, parle pas la bouche pleine ! s’énerve le Chinchilla.
– Ecoute un peu, reprend la Licorne, une fois la bouchée engloutie. Il se passe un truc incroyable. Crox pense qu’Igor veut braquer le Père Noël. Et que pour ça, il a besoin de détourner le traineau. Cette cyber-coccinelle à grandes dents est vraiment la reine du piratage de réseau. Elle craque-croque tout ce qui lui passe sous le nez. Imagine un peu, elle a réussi à intercepter une conversation d’Igor dans son repaire. Il donnait rendez-vous à quelqu’un dans quelques jours près de la maison du Père Noël, selon Crox.
Batman se frappe la tête.
– Bon sang mais c’est bien sûr. Je comprends tout maintenant. Il cherche à se fabriquer un Cristal Totem pour forcer le renne Fringant à lui apprendre à voler. Une fois qu’il aura ce pouvoir, il pourra détourner la tournée du Père Noël pour garder tous les cadeaux pour lui et ne pas les distribuer. Fini le vrai Noël, les enfants ne recevront rien. Si la tournée n’a pas lieu, les enfants penseront que le Père Noël n’existe pas. Et si ils n’y croient plus, le Père Noël va mourir. Sans l’espoir et l’amour des enfants, il ne peut pas survivre longtemps.
– Mais c’est terrible, panique Lulu, la magie de Noël disparaitrait à tout jamais, alors ?
10 et 11 décembre – J-15 et J-14
Le soleil se lève à peine quand les deux compères à moto débarquent sur le tarmac. Même s’il est un lapin, Coco l’hélico ne vit pas dans un terrier mais dans un vieux garage en tôles rouillées. Forcément, quand on est aiguilleur du ciel, vivre sous la terre ce n’est pas adapté. Alors que tout en haut de sa tour de contrôle, il peut surveiller les décollages et atterrissages de la zone.
Dans la région, tout le monde compte sur lui, surtout en cette période de pré-Noël où les entrainements des Rennes Volants se multiplient. La brigade doit être au top car la distribution va être vraiment compliquée et chargée cette année. Et Fringant qui a disparu ! Coco l’hélico-lapin a déjà prévenu le Père Noël que sans lui, c’était trop dangereux.
– Ce n’est pas sérieux, c’est trop risqué tous ces vols en rase-motte, ça va mal finir, se répète-t-il tout bas, pour la dixième fois de la journée.
La tête dans ses pensées, il n’entend pas Igor et Miss Freak qui se faufilent jusqu’en bas de la tour. D’un coup de pince, l’écureuil machiavélique coupe le courant.
– Ma tourterelle au petit groin si délicat, aurais-tu la gentillesse de me passer le gourdin qui est dans le sac ? demande Igor en jetant un œil aux alentours.
– Cef, z’ai rien fait, pourquoi vous voulez me faire encore une bosse ! chouine la Pipistrelle casquée de son espèce de casserole métallique.
– Non mais j’en peux plus de cette mini-truie ailée aux oreilles bouchées ! marmonne-t-il dans sa barbichette, contraint de ne pas hurler sur son assistante. Bon, je vais le faire moi-même, comme d’habitude. On ne peut plus compter que sur soi, quel monde maudit !
D’un geste, l’écureuil en combi indique à Miss Freak qu’elle doit rester en bas monter la garde. Puis, il attrape son arme et commence à grimper les marches pour rejoindre le haut de la tour. Sur sa tablette, la Pipistrelle peut suivre la progression de son Chef. Au cas où, elle pourra intervenir en un coup d’aile.
Arrivé en haut, Igor plaque son oreille contre la porte. Il entend une conversation.
– À qui donc peut bien parler ce nazebroque* de lapin ? se demande Igor, prêt à enfoncer la porte.
12 décembre – J-13
– Vous êtes encore loin ? Je ne suis pas tranquille, il se passe des choses bizarres depuis quelques jours. Dépêchez-vous, je serai rassuré quand vous serez là, répond Coco au téléphone.
Lulu et Batman sont en chemin mais il flaire un danger.
– AH AH, crie Igor en enfonçant la porte, je te tiens Lapin Crétin.
L’écureuil s’arrête, stupéfait.
– Mais il est où ? Zut, il a déjà filé ? Comment il a fait, c’est Romain le lapin magicien* ou quoi ?
Igor arpente la pièce en reniflant, ça sent le pet de lapin, il en est sûr. Il s’approche d’une grande armoire, l’air suspicieux. Un truc étrange le chiffonne, on dirait que des poils de moustaches sont coincés entre les deux portes. Bigrement bizarre autant qu’étrange, non ? Il arrache trois poils. Pas un bruit. A l’intérieur de l’armoire, Coco se retient de hurler. Mince, des poils de moustaches, ça fait drôlement mal !
Il arme son bras avec le gourdin comme pour s’apprêter à frapper la porte de l’armoire quand un Bip Bip retentit de la poche de son gilet.
– 10h déjà ? C’est l’heure de ma noisette vitaminée. Sans ça, je suis tout flagada.
L’écureuil va pour croquer sa noisette quand un grand BOUM retentit sur le toit, juste au dessus de lui.
En bas, Miss Freak en a la chair de poule. Même si elle a tout vu venir, elle n’a pas eu le temps de prévenir son maudit chef chéri. La voiture éolienne de Lulu vient de se poser sur la tour de contrôle, incroyable ! Batman et la licorne, enroulés dans des cordes, commencent à descendre en rappel le long de la tour, comme des agents très spéciaux. Miss Freak, peu courageuse, court se cacher derrière la moto.
BLAM ! BONG et BONG ! La porte de l’armoire s’ouvre avec violence et assomme Igor qui n’a rien vu venir. L’écureuil s’écroule à terre, évanoui.
Coco le lapin surgit dans la pièce. Il a juste le temps de voir passer Lulu et Batman, par la fenêtre. Il attrape son téléphone, le fourre dans son sac à dos et dévale les escaliers.
– Lulu, vite, il faut partir tout de suite, j’ai réussi à le ralentir mais ça ne va pas durer. Mieux vaut ne pas être dans les parages quand il reprendra ses esprits, même s’il n’en a pas beaucoup… d’esprit, blague sans grande conviction Coco.
– Ok, je téléguide la voiture jusqu’à nous, car je n’ai pas envie de regrimper la tour dans l’autre sens.
En un clic, la voiture de Lulu vient se poser sur le tarmac. Les trois amis montent à bord et démarrent sur des chapeaux de roues, enfin d’éolienne. Toujours cachée derrière la moto, Miss Freak s’apitoie sur son sort.
– Et cékiki ki va encore prendre un coup sur sa cabosse ? C’est Pipi, la Pipistrelle, forcément. Z’en ai marre d’être cabossée moi, pleurniche-t-elle.
13 décembre – J-12
– Ouf, j’ai eu chaud dit Coco. Même pas eu besoin de faire tourner mes oreilles hélices pour m’échapper. Par contre, j’ai laissé quelques poils dans l’histoire. Il est dingue cet écureuil, il m’a arraché une partie de mes moustaches. Au fait, on va où ?
Lulu tapote son GPS pour reprogrammer la destination. Batman, debout à l’arrière, fait voleter sa cape façon super-héros.
– J’ai la classe non ? Eh oh ! Regardez-moi, on dirait que je vole. Je peux très bien faire Renne du Père Noël, moi aussi, pas besoin d’entrainement avec Fringant. Zut, mince et reflûte à bec, on a oublié Fringant !
– Non, on ne l’a pas oublié, dit Lulu. J’ai bien l’intention de le retrouver au plus vite, moi, j’ai besoin de faire cette formation. J’ai promis au Père Noël de l’aider, avoue-t-elle finalement.
– Quoi ? Tu veux aider le Père Noël ? Tiens, tiens, Lulu qui veut aider les autres maintenant. C’est nouveau… raille Batman.
– Pourquoi tu dis ça, Batman ? demande Coco. Ok, c’est vrai que Lulu ne donne pas souvent des nouvelles et qu’elle appelle surtout quand elle a besoin qu’on la dépanne pour sa voiture en rade, pour son ordinateur qui rame…
– Pour remplir son frigo, le coupe Batman.
Lulu baisse les yeux, penaude. C’est vrai que depuis quelques temps, elle est un peu licorno-centrée. Depuis qu’elle a décidé de devenir Renne du Père Noël, elle ne pense plus qu’à ça et, à force, elle en a oublié un peu ses amis. Mais bon, c’est sans doute la chance de sa vie. Être une licorne, c’est bien joli, mais bon, les princesses et les fées, elle en a assez. Ce n’est pas toujours pratique d’être une créature fantastique*. Elle veut voyager, voir le monde, et pour ça, rien de mieux que de pouvoir voler. Son copain Jean-Michel lui a si souvent parlé des paysages vus du ciel, des nouvelles contrées découvertes en un coup d’ailes (ou de cape plutôt). Rien que de penser à son cariboutchou retenu prisonnier, elle en a la larme à l’œil.
– Désolée les amis, c’est vrai, j’ai été un peu égoïste ces temps ci. Promis, ça va changer. On retrouve Crox et on se met en route pour récupérer Jean-Michel et puis ensuite direction Fringant.
– Pourquoi on va voir cette coccinelle hyper-connectée ? demande Batman. C’est quoi le rapport avec Igor et sa chauve-souris sourdingue ?
– Arrivée à votre destination dans 5 minutes, rappelle la voix du navigateur.
– C’est pas tout à fait une chauve-souris, c’est une Pipistrelle, fait remarquer Coco. Nuance ! Pipistrellus pipistrellus si on veut être précis, de la famille des Vespertilionidae.
– Arrête de faire le savant, je vois que tu lis sur l’écran de ton téléphone, tu triches, réplique Batman, un peu vexé de s’être fait mouché par cet hélico-lapin mutant.
Lulu appelle Crox pour la prévenir. Il faut tirer au clair les manigances d’Igor. Espérons que les informations qu’a interceptées la Coccinelle Cablée permettront d’y voir plus clair.
La voiture se pose au pied d’un grand arbre recouvert de mousse.
– Etonnant, cette partie du tronc n’a pas été recouvert par la neige, fait remarquer Batman.
Il a à peine le temps de faire un bon en arrière que la partie en mousse s’abaisse devant lui.
– Ah pas mal comme entrée secrète, dit Coco ébahi.
– Entrez les amis, je viens juste de faire des cookies au camembert, annonce Crox en arrivant à leur rencontre.
– Mhmm pas sûre d’avoir envie d’entrer finalement, se dit Lulu le cœur au bord des mâchoires.
14 décembre – J-11
– Où suis-je ? Ouille ! Qu’est-ce qui se passe ? Aïe ! MA TÊTE ! Mais j’ai une bosse. UNE ÉNORME BOSSE ! Ahhh ce lapin sauvage m’a entourloupé et il n’a pas raté son coup. MISS FREEEAAKKK !
Igor revient à lui. En fait non, il n’en revient pas. Il n’en revient pas de cette énorme bosse sur son front. Debout devant le miroir suspendu à l’intérieur de la porte de l’armoire, il contemple son nouveau visage un peu déformé.
– Oh Cef, z’êtes en train de muter ? On dirait qu’une corne est en train de vous pousser sur le front ! Z’adore, ça a un c’arme fou, le flatte la Pipistrelle, voletant autour de lui comme un angelot poilu.
– Une corne de licorne ??? Mais ce n’est pas du tout ça que je veux, je VEUX le Cristal Totem pour voler comme les rennes du Père Noël ! éructe l’écureuil au nez retroussé de Miss Freak. Ça ne va pas se passer comme ça, foi de Polatouche !
– Un bisou sur la bouche ? rougit Miss Freak, qui encore une fois n’entend vraiment rien.
– Bon maintenant ça suffit vraiment, vraiment ? Je passe à la vitesse supérieure. J’appelle Pet’Furtiff. Ce vieux roublard de putois est le roi des arnaqueurs. Il saura nous aider à coincer Fringant, trouver les dents de raie Manta et les écailles de dragon bleu qui nous manquent pour la recette secrète. Un putois qui sait se faire passer pour un raton-laveur a plus d’un tour dans son sac. Le Prince de l’esbroufe, le Champion de l’enfumage, le Zorro des sous-bois. Il me doit bien ça. Raymonde, prépare toi, on arrive.
Igor sort sa tablette et se met à chercher dans ses vidéos.
– Ah mais où je l’ai rangé celle-là. Ah, voilà, c’est ça : « la Magie de la Mer, venez découvrir la danse envoutante de Raymonde, la raie Manta ». Sur l’écran, une publicité pour un aquarium géant dans lequel un animal tout plat et tout argenté semble onduler dans l’eau.
– Ouahhh qu’est-ce que c’est beau !!! roucoule Miss Freak, appuyée sur l’épaule d’Igor. Ça se manze ?
– Remet ton casque, Beethoven, on fonce !
En quelques secondes, les deux compères sont en bas et enfourchent la motoneige. Le temps de taper un message à Pet’Furtiff pour le prévenir, et hop, la bécane s’arrache du tarmac.
Il est déjà 12h12.
15 et 16 décembre – J-10 & J-9
Mais où est donc Fringant ?
Dans l’atelier du Père Noël, l’ambiance n’est pas au beau fixe. Les rennes et les lutins ont une triste mine. Tout le monde est inquiet. Le Père Noël, enfoncé dans son fauteuil, paraît songeur.
– Mais qu’est-ce qu’on va devenir sans Fringant ? sanglote le renne Comète.
– Ne pas paniquer, surtout ne pas paniquer ! répond le renne Furie. Tout est une question d’organisation !
– Mais sans lui, la brigade ne peut pas voler. Et si pas de brigade, pas de traineau volant. Et si pas de traineau, pas de distribution de cadeaux. Et si pas de cadeaux, pas de Noël, explique calmement le renne Eclair.
– Ok alors ON PANIQUE !! hurle Furie.
– Respire, Furie, respire ! tente de le calmer le renne Tornade. Il reste encore du temps. On va le retrouver.
Entre ses mains le Père Noël contemple une photo dans un cadre doré : c’est sa brigade de rennes, il y a très longtemps, ils étaient encore tous bébés. Leur première tournée ! Tant de souvenirs lui reviennent en mémoire…
Chaque renne a son histoire et celle de Fringant est particulièrement étonnante. Il lui semble que c’est hier qu’il l’a trouvé devant sa porte, égaré à cause d’une terrible tempête de neige. C’était le premier de la nouvelle brigade. Tout amaigri et un peu déplumé, il s’était endormi d’épuisement sur le paillasson. Comme par magie, le Père Noël avait ressenti sa présence et l’avait recueilli. Il était si petit, quasiment gelé. Après un bon bain chaud, il l’avait réchauffé et nourri d’un biberon de lait improvisé dans une bouteille de limonade. La scène s’était passée à peu près comme ça…
– Allez p’tit, faut te réveiller, t’es sauvé !
– Bêeeee ! Bêeeee !
– Mais enfin tu n’es pas une chèvre, petit, tu es un renne ! Regarde toi-même.
Lorsqu’il avait approché le petit renne d’un grand miroir, il s’était passé une chose incroyable : ses petits sabots s’étaient mis à scintiller…
Le jeune renne n’en revenait pas !
– Tu vois, tu es très spécial. Il faut que je te trouve un nom… Hmmm, tu n’es pas bien costaud et tu sembles manquer un peu de confiance en toi. Que dirais-tu de « Fringant » ? C’est enthousiaste et volontaire, non ?
Il avait reposé le petit renne sur ses pattes, juste devant la glace. Après avoir longtemps hésité, le jeune Fringant contemplait maintenant intensément son reflet dans le miroir. Il semblait sourire.
DRELING DRELING DRELING
Le bruit du téléphone sortit d’un coup le Père Noël de ses souvenirs.
– Allo ? Toujours pas ? répondit-il en raccrochant. C’est bien ennuyeux tout ça. Les enfants, venez-ici. Je n’ai pas de bonnes nouvelles. Danseuse, Cupidon et Tonnerre ne l’ont pas trouvé non plus.
Le nez de Rudolph s’illumina.
– J’ai peut-être une idée ! Si on appelait la Fée Coquillette* ?
17 & 18 décembre – J-8 & J-9
L’arbre dans lequel habite Crox la Coccinelle Connectée n’est pas un arbre comme les autres. Il est très large, on dirait un immeuble en fait. L’écorce est épaisse et sombre, comme de la pierre. Les branches ressemblent à des antennes satellites. Une demeure bigrement bizarre autant qu’étrange… En même temps, celle qui habite là n’est pas une créature ordinaire non plus. On dirait Dumbo l’éléphant déguisée en Lady Bug, quelque chose d’extrêmement bizarroïde.
Installés dans le canapé du salon, les amis discutent. La situation est préoccupante.
– Allez Lulu, goute moi ces petits délices coulants, c’est la première marche vers le Nirvana…
– Heu non merci, jamais entre les repas, refuse lâchement la Licorne à Lunettes.
– Moi je meurs de faim, j’en veux bien, demande Coco l’hélico-lapin, qui se jette tout naïvement sur le plat.
– T’es pas fou ? lui souffle Batman en lui retenant le bras, tu en croques un et ta langue va se dissoudre en 3 secondes. Déjà que tu nous parfumes l’environnement avec tes flatulences du derrière, épargne-nous les rototos de vieilles croutes du devant.
– Tiens, il reste du chocolat aux éclats arc-en-ciel, lui glisse Lulu discrètement à l’oreille.
– Alors, vraiment, vous n’avez pas faim ? insiste Crox, un peu dépitée, limite vexée, en ramenant son plateau de biscuits expérimentaux à la cuisine.
– Non, non, répondent en chœur les 3 amis.
En revenant au salon, Crox résume la conversation qu’elle a interceptée.
– Alors voilà, je crois que j’ai percé les Nigmes*, chuchotte Crox, en jetant des regards à droite et à gauche comme si elle se sentait surveillée.
– Quelle Nigme ? La Sage, la Mord’haine ou la Terrifieuse ? demande Coco.
– C’est la Kastratroffe, renchérit Lulu. Jean-Michel et Fringant, comme les mots du Square Albert-Durronquarré, ont disparus.
– Ouhla les amis, on nage en plein Pontisme, reprend Batman. Plouf plouf, revenons à nos élans volants manquants.
Crox branche son ordinateur et lance le message audio.
« scrouitch… il faut faire vite… scrouitch… cadeaux de Noël… scrouitch… voler comme le renne… scrouitch… trouver une astuce… scrouitch… costume magique… scrouitch… rendez-vous autour du chalet… »
– Si je rentre les coordonnées GPS de l’appel, que j’appuie ensuite sur le décodeur de distance, puis que je me connecte au réseau céleste, et enfin si je décrypte les accès sécurisés du serveur du Père Noël et les signaux de l’antenne d’Igor, je devrai arriver à trouver à qui parlait cet écureuil malfaisant.
– On dirait qu’il y a un Bug, ma Lady Bug, justement, dit Batman. Ça ne marche pas, accès refusé.
– Attends, j’ai ma technique, dit Crox en donnant un coup de patte sur la station numérique placée sous son écran.
BOING BOING ! SCROUITCH !
L’écran se débloque et une carte apparaît. Une forêt, un grand arbre, des antennes métalliques…
– Par ma corne, dit Lulu, on dirait ta maison, Crox. Zoom un peu pour voir.
– Ce n’est pas loin, en effet, dit Crox. Je reconnais ce coin, c’est la planque de Pet’Furtiff, ce sacré Putois nauséabond. C’est le roi de l’illusion, un champion pour prendre l’apparence des autres et les arnaquer. La preuve, tout le monde croit que c’est un Raton-Laveur alors que c’est juste une grosse moufette avec un masque sur le museau.
– Bon j’ai un plan, décide Batman. On se cache juste à côté de l’entrée de son terrier, on saute sur Igor et son gang, on les neutralise et on part récupérer Jean-Michel !
– Ok, c’est une idée les amis. Mais si j’en crois mon traceur cosmique 4e génération, notre Putois péteur est encore bien loin de sa tanière, précise la coccinelle, un casque-micro sur la tête.
– Comment tu peux le savoir d’abord ? demande Coco dont le ventre gargouille de plus en plus fort.
– Ça c’est mon petit secret, sourit Crox d’une manière étrange.
– Heu, Crox, nous aussi tu traques tout ce qu’on fait, s’inquiète Batman.
– T’en fais pas ChinchiChou, je ne parlerai pas de ton nouveau costume de danse à paillettes, promis juré, le nargue la coccinelle.
– QUOI ! s’offusque Batman, rouge de honte et de colère. Mais c’est n’importe quoi d’abord !
– Bon, puisqu’on a le temps avant le retour de Pet’Furtiff, vous allez m’aider à faire le sapin, annonce la coccinelle les bras chargés de guirlandes et de décorations en tous genres. Mon arbre a été choisi comme Sapin Noël de la Forêt des Neiges cette année, alors au boulot ! Va falloir que ça brille, et sur le champ ! Bonnets, écharpes, mitaines pour tout le monde et direction les branches les plus hautes. Tous les habitants de la forêt attendent le signal de l’étoile étincelante pour commencer leurs propres décorations. Cette année, je suis bien décidée à gagner le Trophée pour être inviter à la table du Père Noël le soir du réveillon.
Depuis quelques minutes, Lulu n’écoute plus Crox. Elle regarde la photo de Jean-Michel sur son portable.
– Mon pauvre cariboutchou, murmure-t-elle en essayant de garder ses larmes. Et dire qu’on devait faire le sapin ensemble, chez moi.
Tout seul, dans le repaire d’Igor, Jean-Michel pense aussi à Lulu. Tout seul, enfin pas vraiment. Autour de lui c’est la caverne d’Ali Baba* : des étagères de boites plus brillantes les unes que les autres. Mais ce ne sont pas des trésors, uniquement des conserves métalliques à perte de vue. Il a à peine la place de s’asseoir contre la porte. Des boîtes de noisettes confites, des boîtes de crème de noisettes, des boîtes de granola de noisettes vitaminées… Heureusement qu’il avait son couteau suisse avec ouvre-boîte intégré, sinon il serait déjà mort de faim.
– Et si l’ouvre-boîte pouvait être un ouvre-porte ? se dit-il tout d’un coup.
19 & 20 décembre – J-6 & J-5
Le message de Pet’Furtiff n’était pas très clair : « rendez-vous devant l’entrée du grand aquarium, vous ne me reconnaitrez pas, mais je serai là ».
La motoneige d’Igor avait nécessité quelques aménagements pour pouvoir continuer son chemin sur la route goudronnée. Depuis l’entrée de la ville, des grandes affiches annonçaient tous les 500 mètres l’évènement « Visitez la MarinAbyss ! Le nouveau spectacle la Magie de la Mer : découvrez la danse envoutante de Raymonde, la raie Manta ! ».
– Cef, ça se manze une raie Manta ? demande la Pipistrelle depuis son micro-casque, scotchée en place passagère.
– Tout se mange, c’est une question de volonté, répond Igor flegmatique.
L’équipée sauvage continue encore quelques minutes pour se stationner sur le parking de « MarinAbyss », un grand bâtiment bleu et argenté qui détonne parmi les immeubles grisâtres.
– Regardez, Cef, c’est ici ! Ouahhh impressionnant ce bocal ! Ils doivent être drôlement zigantesques ces poissons ! siffle Miss Freak en descendant de la moto.
– Bon, où est ce roublard de Putois masqué ? cherche Igor en avançant vers l’entrée. Je sens son odeur d’œuf pourri, mais je ne le vois pas.
– Je suis là, souffle un gardien à lunettes noires devant la porte.
– OUAHHHH tu m’as fait peur, hurle Igor. T’es pas un peu malade !
– Chuuuuuut, répond le putois. Camouflage ! Encore quelques minutes, le temps que les derniers visiteurs sortent, et on pourra entrer ensemble.
Miss Freak décroche un grand sac à dos de la moto.
– Pourquoi z’ai dû prendre des palmes et un tuba, Cef ? On va à la pèce aux moules ? hurle-t-elle depuis le parking.
– Chuuuuttt on te dit, crie Igor.
– Question discrétion, on repassera, murmure Pet’Furtiff dans sa fausse barbe.
Il est 19h. Les derniers visiteurs repartent avec leur véhicule. D’un coup, le parking vide ressemble à un grand terrain vague, un peu effrayant. Les trois brigands* entrent dans l’aquarium.
– Vous avez pris le produit que je vous avais demandé ? questionne le faux Raton-Laveur.
– Oui et aussi la pipette, répond Miss Freak. Ze peux goûter, ça a l’air super bon ?
– Surtout pas, la met en garde Igor, ce n’est pas pour toi !
– Pfff, c’est pas zuste, c’est zamais pour moi les petites douceurs, râle la pipistrelle en trainant le sac derrière elle comme un boulet de bagnard.
Après avoir traversé trois salles de mollusques et de petits poissons de toutes les couleurs, les voilà devant l’aquarium géant de Raymonde.
– Ah c’est grand quand même ce truc, dit Miss Freak qui se sent comme un moucheron devant un éléphant.
– Allez, met la combi, les palmes et le tuba, et hop hop hop, plouf plouf plouf, ordonne l’écureuil.
– Comment ça plouf, plouf, plouf ?
– Il faut d’abord verser le tranquillisant dans l’eau précise Pet’Furtiff qui escalade déjà la paroi vitrée avec des gants-ventouses à chaque patte.
– Ta mission, Agent Freak, récupérer 3 dents de Raymonde en moins de 10 min, annonce Igor.
– Euh mais Cef, ze ne sais pas nazer… pleurniche Miss Freak qui se décompose à vue d’œil.
Raymonde n’entend pas ce qui se manigance mais elle a bien repéré le petit manège du Putois. Elle remonte à la surface pour l’éclabousser. Agile comme un singe, Pet’Furtiff a tout juste le temps de projeter le contenu de la pipette sur l’une des ailes de la raie. En moins d’une minute, Raymonde ralentit ses ondulations et s’immobilise.
GLOU GLOU BLOU GLOU GLOU BLOU GLOU GLOU BLOU
Raymonde s’est endormie. Elle ronfle si fort que l’aquarium est en train de se transformer en bain bouillonnant.
– Regarde, tu n’as juste qu’à te poser sur le bord de son aile et flotter jusqu’à sa bouche pour décrocher 3 dents. Pet’Furtiff te retient par la corde. Un jeu d’enfant, claironne Igor, bien content d’être au sec, tout en bas de la paroi.
– Bon, c’est bien pas’ke c’est vous, Cef ! soupire la pipistrelle en prenant une grande inspiration.
Avec son accoutrement de nageur de combat, Miss Freak ressemble à un castor. Pet’Furtiff, toujours placé en éclaireur au bord de l’eau, surveille sa progression laborieuse. Parvenue devant l’immense bouche de Raymonde, Miss Freak hésite. Il va falloir aller vite pour ne pas se retrouver coincé à l’intérieur. Elle profite d’une inspiration pour s’engouffrer.
– Mince, elle s’est fait gobé, sursaute Igor.
A l’intérieur de la bouche de Raymonde, ce n’est pas la fête à la quenotte. Pas une seule dent ! Miss Freak farfouille les joues, gratouille les gencives… Rien ! Elle frotte encore plus fort. Toujours rien.
– On dirait que l’effet du produit se dissipe, remarque Pet’Furtiff qui voit les ailes de la raie recommencer à onduler légèrement. Il faut qu’elle sorte ! Il tire d’un coup la corde et la pipistrelle se retrouve projetée hors de la bouche du monstre marin.
Raymonde est bien réveillée maintenant et elle n’est pas contente du tout. Elle plonge d’un coup au fond de l’aquarium et vient frapper un grand coup juste devant le nez d’Igor qui en tombe à la renverse de peur. Elle entame ensuite une danse circulaire au fond de l’aquarium, sous les algues.
– Vite, il faut sortir de l’eau, je vois des éclairs en dessous de la surface, crie le Putois à Miss Freak.
En effet, Raymonde a alerté ses copines les murènes et les anguilles électriques. In extremis, la pipistrelle est expulsée de l’aquarium par un incroyable mouvement de bascule réalisé par le Ninja-Putois. Penauds, les trois affreux quittent la place en courant. Il ne leur faut pas plus de 5 minutes pour enfourner la motoneige et fuir loin de cette effrayante odyssée. Encore tremblante de peur, la Pipistrelle blottie entre les pattes du Putois se rend compte qu’elle a échappé au pire.
BIP BIP BIP
Alors que Lulu et ses amis terminent de décorer le grand arbre, l’écran de surveillance de Crox se mettre à clignoter de tous les côtés. Le gang des méchants est en mouvement, le satellite a repéré le signal de la motoneige. C’est l’heure de l’embuscade. Il faut vite se positionner.
– Coco et Batman à gauche, Lulu et moi à droite, commande Crox. Dès qu’ils approchent de la tanière du Putois, on leur saute dessus.
– Ok, c’est un peu sommaire comme plan, mais sûrement efficace, note Batman étonné.
L’entrée de la tanière de Pet’Furtiff est à quelques mètres du grand arbre métallique de la coccinelle. La neige, qui tombe de plus en plus fort, risque vite de recouvrir l’accès.
BRRRRR BRRRRRRR BRRRRRRR
La motoneige approche. Pet’Furtiff sort une télécommande de sa poche pour activer l’ouverture du passage. Ils ne sont plus qu’à quelques mètres de la bande des embusqués.
– A trois, on saute, vous êtes prêts ? signale Lulu.
BLANG
Igor, Miss Freak et Pet’Furtiff s’étalent dans la neige, inconscients. Le choc a été violent. Tenant chacun un des quatre coins d’un grand filet de lianes tressées, la bande de Lulu s’est déployé d’un coup sur le Gang du Mal, façon chasseur de fauve dans la jungle. Une fois les trois affreux saucissonnés, Lulu, aidée de ses amis, installe le paquet à l’arrière de sa voiture.
– Et maintenant Igor, direction ta tanière pour libérer Jean-Michel ! Mon cariboutchou, on arrive !
21 décembre – J-4
Au fond de la Forêt des Neiges éternelles, entre deux grands pins couverts de neige, une discussion semble tourner au vinaigre…
– Je te dis que c’est par là !
– Mais non, tête d’âne, c’est de l’autre côté !
– Ça fait trois fois qu’on passe par là, on tourne en rond !
– Fie toi à mon instinct !
– J’ai faim… On va arriver trop tard au festin… C’est malin…
– Regarde, voilà, c’est écrit là, sur le panneau à droite : Grande Soirée du Club des Elans Emérites.
Quoi de plus normal que de voir deux cervidés déambuler l’un à côté de l’autre dans une forêt ? Seulement voilà, ces deux cervidés ne sont pas des élans. Depuis près de trois semaines, les deux compagnons font fausse route. La raison : un grand choc sur la tête dans un jacuzzi. Un jacuzzi ? Non mais ce n’est pas possible ! Mais alors, il s’agit de Fringant et Bob ? Oui, tout à fait, Fringant et Bob, son cousin le cerf-volant !
Mais que s’est-il passé ? Voilà toute l’histoire : nos deux compères étaient tranquillement en train de barboter dans un bain bouillonnant en regardant une émission de télévision animée par la Star des cervidés : Marcel l’élan, quand la boule à facettes accrochée au plafond s’est décrochée d’un coup, assommant les deux baigneurs. En plus d’écoper d’une belle bosse chacun, Fringant et Bob se sont réveillés amnésiques et croient être des… élans. Comme l’émission parlait d’un grand rassemblement annuel des Elans et de leur repas de Noël au cœur de la Forêt des Neiges Eternelles, ils sont partis tous les deux, leur baluchon sur le dos. Oui, on peut le dire, ça ne tourne pas bien rond dans leur caboche à cornes poilues.
Pendant ce temps-là, dans le chalet du Père Noël, la révolte gronde. Le renne au nez rouge, Rudolph, a essayé d’appeler la Fée Coquillette, mais cela ne répond pas.
– NON, NON, NON ! Non aux cadences infernales ! On veut des vacances à la mer ! hurlent les lutins, défilant avec des pancartes autour du fauteuil du gros bonhomme rouge.
– PAS DE RENNE, PAS D’ETRENNES ! On ne veut pas fabriquer des jouets pour rien !
– NOUS AUSSI, ON VEUT DES CADEAUX !
Le Père Noël, entouré de sa brigade de rennes, ne sait plus quoi faire, il est désespéré. Et dire que Noël est dans quelques jours… C’est une catastrophe !
– Essaye encore de l’appeler, demande Furie. Elle était peut-être en train de prendre un bain.
Rudolph recompose le numéro.
– Ça sonne. Allo ? La Fée Coquillette, c’est bien vous ? C’est terrible, il faut que vous nous aidiez. Fringant n’est toujours pas revenu, les lutins font grève et nous allons rater la tournée de Noël. Ok, je vous passe le Père Noël.
– Allo ? dit le Père Noël d’une toute petite voix. Je vous écoute Fée Coquillette, mais j’imagine que c’est sans espoir maintenant. Comment ? Vous êtes sûre ? Ce serait formidable. Oui, oui, rappelez-moi dans une heure.
Le Père Noël reprend peu à peu des couleurs. La Fée Coquillette a eu une idée formidable. Avec l’aide du petit Dragon Azuro, elle va survoler la Forêt des Neiges Eternelles pour essayer de repérer Fringant. Avec un peu de magie et beaucoup de persévérance, cela devrait marcher.
Coup de chance, le dragon bleu est en vacances chez son grand cousin Eliot, non loin de la maison de la Fée Coquillette. Il a tout de suite accepté la mission, ce n’est pas tous les jours qu’on peut aider le Père Noël. Le rendez-vous est pris : à la cime du plus grand arbre de la Forêt, dans une heure. Malgré le vent et le peu de visibilité à cause de la neige, le petit dragon arrive à trouver l’arbre. Juste sur la dernière branche, il aperçoit une lumière scintillante, comme la flamme d’une bougie.
– Heureusement que votre baguette clignote, sinon je ne vous aurai pas repéré, dit Azuro à la Fée Coquillette.
– Ce n’est pas tout d’être magique, il faut que cela soit pratique, répond la Fée, un bonnet rouge à pompon sur la tête. Allez, vite, il ne nous reste que peu de temps !
– Montez sur mon dos et accrochez-vous, on va faire un premier repérage en rase-motte.
Plongeant en piqué comme un aigle, le petit dragon se retrouve en quelques secondes au bas des arbres, pour un survol au ras du sol.
– Ma baguette clignote de plus en plus vite, je suis sûre qu’il est dans le coin. Tourne à droite !
– J’ai vu un panneau avec une tête de caribou, c’est peut-être une piste.
– Tu as raison, fonce ! ATTENTION ! La grosse branche devant !
Trop tard, le petit dragon n’a pas vu le gros érable et fonce directement dans le tronc.
BONG
La Fée Coquillette est projetée dans la neige. Azuro, assommé, reste inconscient au pied de l’arbre.
– Ça va, vous n’avez rien de cassé ? demande un être bizarre au long museau humide.
– Ouille, ouille, ouille, je crois que je me suis tordu la cheville, dit la Fée Coquillette en relevant la tête. Mais, qui êtes-vous ?
– Nous sommes des Elans, nous allons à la soirée du Club des Elans Emérites ! répond l’autre silhouette encore plus étrange.
– Où est Azuro ? panique d’un coup la Fée, en cherchant tout autour d’elle le dragon.
– La grosse pomme de pin bleu qui est là-bas ? dit l’énergumène à cornes velues. Je vais le chercher, ça ne se mange pas alors ?
La grande bête à quatre pattes s’approche du petit dragon et lui donne un grand coup de langue pour le réveiller.
– Beurk, c’est dégoutant, ça sent le camembert tout pourri ! dit Azuro en ouvrant les yeux. AHHHHH, qu’est-ce que c’est que ça ???
La Fée Coquillette s’est approchée du petit dragon.
– C’est amusant votre baguette, elle clignote comme une guirlande de Noël, fait remarquer le gros animal aux bois sombres.
– Regarde, dit l’autre bestiole, tes sabots ! Ils scintillent !
Incroyable, la Fée Coquille n’en croit pas ses yeux.
– Fringant, c’est toi, enfin ! On t’a retrouvé !
BING
D’un coup de baguette, la Fée Coquillette rend la mémoire à Fringant et son cousin Bob, le Cerf-Volant. Ils n’en reviennent pas.
– Mais si nous sommes ici, dans la forêt, cela veut dire… que le Père Noël est tout seul ! Que la brigade n’est pas au complet ! Quel jour sommes-nous ? demande Fringant déboussolé.
– Nous sommes vendredi, répond Azuro.
– Vite, il faut rentrer de toute urgence.
Fringant secoue ses bois pour en faire tomber la neige. Il fait quelques pas en arrière et s’élance. Il ne lui faut que quelques mètres pour décoller.
– Attends nous ! crie Azuro.
La Fée Coquillette remonte sur le dos du petit dragon et d’un nouveau coup de baguette, elle permet à Bob de s’envoler lui-aussi.
– Direction le chalet du Père Noël !
22 décembre – J-3
Du fond de la réserve de conserves d’Igor des petits bruits de gratouillis métalliques résonnent dans le silence.
SCROUIC SCROUIC SCROUIC
– Encore un peu et cette satanée porte blindée va lâcher, c’est une question de minutes ! s’encourage Jean-Michel à coups d’ouvre-boîte.
BOUM BOUM BOUM BOUM
– Mince, c’est quoi ce bruit de troupeau d’éléphants ? se demande le Caribou en stoppant sa découpe. Igor est revenu avec son armée d’hippopotames ou quoi ?
Et puis d’un coup le silence revient derrière la porte.
– Jean-Michel, où es-tu ?
– Lulu, c’est toi ? exulte le caribou. Derrière la porte au fond, dans la réserve.
Jean-Michel n’en revient pas, ses amis ont réussi à le retrouver. Il en pleurerait presque de joie.
Après deux essais, la porte cède sous le poids de la bande de Lulu qui s’est jeté d’un seul corps contre la paroi métallique.
– Mon Cariboutchou, tu m’as tellement manqué, hurle Lulu en sautant à l’encolure de Jean-Michel qui se met à rougir.
– Bon les amoureux, trêve d’effusion, l’heure est grave ! les interrompt Batman, un peu jaloux de la situation. Il faut trouver Fringant au plus vite maintenant. Crox, tu penses que tu peux cracker le réseau d’Igor ?
– Un jeu d’enfant, répond la Coccinelle qui est déjà en train de tapoter sur le clavier devant les murs d’écrans.
– Ça marche ? Tu arrives à localiser Fringant ? s’inquiète Coco l’hélico-lapin.
Igor, Miss Freak et Pet’Furtiff, ligotés au fond de la pièce, se tortillent pour essayer de s’approcher de la console centrale. Lulu a juste le temps d’attraper la patte de l’écureuil pour le retenir d’appuyer sur le bouton off du générateur d’électricité.
– Espèce de vilain saboteur à poils ras, tu ne t’en sortiras pas comme ça, lui murmure la Licorne dans l’oreille.
– Lulu, la meilleure solution serait d’envoyer un appel général à toute la région, dit Jean-Michel.
– Très bonne idée. Crox, penses-tu que tu arrives à lancer l’appel à l’aide ?
– C’est déjà fait, répond la Coccinelle qui n’a mis qu’une minute à connecter tous les serveurs de la région. Regardez !
Sur le mur d’écrans, tous les portraits identifiés se mettent à défiler. Les cibles rouges sont remplacées les unes après les autres par un point vert, les contacts de Lulu répondent tous à l’appel. Tout d’un coup, une fenêtre s’ouvre sur l’écran.
– Allo ? Ici la Fée Coquillette, mission accomplie les amis, on a retrouvé Fringant !
HOURRA HOURRA HOURRA
Lulu, Batman, Jean-Michel, Crox et Coco sautent de joie. Noël est sauvé !
ALERTE GENERALE ALERTE GENERALE ALERTE GENERALE
Un message d’urgence s’affiche en grandes lettres rouges sur tous les écrans du mur.
– Ouvre le message video, Crox ! demande Lulu.
– C’est le Père Noël, crie Batman en reconnaissant le gros bonhomme sur l’écran.
– Message à toutes les bonnes volontés de la région, Noël est en danger, nous avons besoin d’une deuxième brigade de rennes pour la distribution de cadeaux.
– C’est une mission pour Lulu et ses fidèles compagnons, déclare la Licorne, ravie de pouvoir enfin voler comme un renne. Fée Coquillette, peux-tu dire au Père Noël qu’il peut compter sur nous ?
– Lulu, on a juste un tout petit mini riquiqui problème ? rétorque Batman. On n’a pas de traineau.
– Par ma corne, tu as bigrement raison mon Chinchichou. Comment allons-nous faire, s’effondre d’un coup Lulu qui voit tous ses espoirs s’envoler.
– J’ai la solution, claironne Jean-Michel. Dans mon garage, j’ai gardé le vieux bobsleigh de compétition de mon grand-père. Si on se débrouille bien, avec quelques petits bidouillages, on devrait rapidement le transformer en traineau. Allez les copains, haut les cœurs, on va y arriver, on est une équipe !
– Il a raison, Lulu, répond Fringant de l’autre côté de l’écran. L’esprit d’équipe c’est essentiel. Rendez-vous au Chalet du Père Noël, je te donnerai ta première leçon de vol.
Lulu n’en revient pas. Fringant, le meilleur des rennes du Père Noël lui a parlé. Les yeux plein d’étoiles, elle reste la bouche entrouverte devant la mosaïque d’écrans qui compose désormais une seule image, celle du renne.
– Hé ma pouliche multicolore, ferme les mâchoires, tu baves, dit Batman boudeur.
– Allez hop, en route ! Direction ma cabane au Canada les amis, ça va swinguer dit Jean-Michel en courant déjà en direction de la sortie.
Dehors, la tempête de neige s’est calmée. Lulu tapote l’adresse sur son navigateur, et la voiture éolienne décolle.
23 décembre – J-2
Tous seuls dans le noir, le Gang du Mal a mal. Vexés, humiliés, ligotés entre eux, les trois crapules à poils malodorants s’échinent à se débarrasser de leurs liens.
– Mais mâchouille plus fort, râle Igor.
– Cef, ze fait ce que ze peux, c’est pas bon les cordes en plastique, explique Miss Freak entre deux coups de crocs.
– Aïe, aïe et re-aïe tu m’as encore mordu, espèce de cochon d’Inde volant, grogne Pet’Furtiff.
– Quand même, il a de beaux zieux ce Batman, vous ne trouvez pas Cef ? rêve la Pipistrelle qui a complètement craqué sur le Chinchilla. Et sa combinaizon, c’est d’un trognon, z’adore !
– Croque plus vite que ça ! Ensuite, on s’arrache d’ici et ma VENGEANCE SERA TERRIBLE ! hurle Igor sur un ton sardonique qui met la chair de poule à ses deux acolytes.
La voiture de Lulu commence sa descente devant le garage de Jean-Michel.
– Et hop, nous y voilà, dit le caribou en sautant par dessus la portière. Je vais ouvrir le hangar.
Lulu et de ses amis n’en reviennent pas. Caché au fond du garage sous la vielle bâche poussiéreuse que Jean-Michel vient de soulever, la petite bande découvre un espèce de traineau en bois.
– Allez au boulot les copains. Batman, va chercher les sangles au fond. Coco et Crox, prenez le seau et la brosse, il va falloir frotter fort. Lulu, je te confie la décoration, choisi les pots de peinture qui te plaisent dans l’étagère à gauche. Pour ma part, je vais fixer ces vieux skis sous le bobsleigh.
– Jean-Michel, tu es formidable, qu’est-ce qu’on ferait sans toi, lui confie Lulu à l’oreille.
– Lulu, il faut que je te dise quelque chose…
– Hmm hmm, l’interrompt Coco, j’ai besoin d’aide Jean-Michel, je n’arrive pas à trouver la brosse.
– Ah, euh, bon, ok, j’arrive, toussote le caribou en allant aider le lapin.
Après une heure de travail acharné, le traineau est enfin prêt. La métamorphose est impressionnante.
– Bravo à tous, on dirait vraiment un traineau de Père Noël, les lutins seraient fiers de vous, les félicite Jean-Michel. Et ces étoiles argentées sur le côté, c’est magnifique Lulu, tu es très douée.
– Les lutins, on les avait oubliés, s’exclame Crox. Ils sont toujours en grève. Il faut appeler le Père Noël pour le prévenir que le traineau est près.
Dans le chalet du Père Noël, justement, les négociations vont bon train.
– Je vous accorde un week-end de vacances au bord du Lac Érié.
– Une semaine ! insiste Maxitin, le chef des lutins.
– Ok, une semaine mais vous recommencez tout de suite à fabriquer les jouets, demande le Père Noël.
– Et un muffin aux noisettes pour chacun le jour de Noël, demande Pirlipin, le lutin responsable des jouets en bois.
– Et un verre de liqueur de myrtilles, réclame Fifrelin, le lutin responsable des guirlandes.
DRELING DRELING DRELING
– Allo ? Qui ça ? Parlez plus fort enfin ! Jean-Michel ? Oui, je t’écoute. Pas possible ? Vous avez réussi à construire un nouveau traineau, mais c’est formidable. Oui, oui, la Fée Coquillette m’a dit qu’ils étaient sur la route avec Fringant. Tout s’arrange, c’est merveilleux.
– Hourra Hourra, crient en chœur la brigade des Rennes Volants !
– Mes amis, tout va bien, nous aurons un nouveau traineau d’ici ce soir. Je vous accorde les biscuits et les liqueurs mais, de grâce, reprenez le travail dès maintenant, nous avons un second traineau à affréter.
– Marché conclu, accepte Maxitin. Allez les gars, au boulot !
– Euh, Père Noël, on a un tout petit mini riquiqui souci, qui va tirer ce nouveau traineau ? demande Eclair dubitative.
– MOI !
Fringant vient se surgir dans le chalet. Tout le monde accoure et l’accueille comme un sauveur.
– Il suffit de quelques leçons et d’un peu d’entraînement. Je suis sûr que Lulu et ses amis vont y arriver. « Renne d’un jour, Renne toujours », comme je dis souvent.
Après une bonne ration de granulés vitaminés et un bon bol d’eau de source pétillante, Fringant a retrouvé toutes ses forces. Epuisée par leur long voyage dans le froid, la Fée Coquillette et Azuro dorment tranquillement au coin de la cheminée.
– Arrivée prévue dans 2 minutes. Pilote automatique coupé, mode manuel enclenché, annonce la voix du navigateur.
– Je ne vais jamais y arriver…
– Mais si Lulu, allez courage. Et puis Fringant va te guider, c’est le meilleur de la brigade, la rassure Batman.
La voiture se pose juste devant l’entrée du Chalet. Depuis la fenêtre, les rennes guettaient l’arrivée de Lulu depuis un quart d’heure. Ils sont très impatients. Fringant sort le premier pour les accueillir.
– Bienvenue à tous ! Mettons-nous vite au travail. Suivez-moi jusqu’au hangar, on va commencer tout de suite la première leçon.
Tout s’accélère. Lulu suit les indications des rennes qui l’aident tous à se positionner devant le traineau. Coco le lapin n’est pas avec eux, il a rejoint sa tour de contrôle pour mieux les aiguiller lors des entrainements. Harnachés au traineau, Lulu, Jean-Michel, Crox, Batman et Azuro sont prêts. Assise dans le traineau, la Fée Coquillette a pris les rennes pour mieux les diriger.
– Vous êtes prêts ? Fermez les yeux. Respirez à fond et croyez intensément à votre Cristal Totem. Ça va marcher ! essaye de les convaincre Fringant, positionné en éclaireur devant la nouvelle brigade.
– Mais Lulu, on n’a pas de Cristal Totem, lui chuchote Batman, dépité.
– Chuutt, peut-être que ça peut marcher sans, lui répond Lulu a peine convaincue elle-même.
Malgré plusieurs tentatives, c’est un échec cuisant. Même si Azuro et Jean-Michel arrivent à se soulever facilement du sol, les autres restent plantés les pattes dans la neige. Lulu, la tête basse, se désespère.
– C’est de ma faute, je suis trop nulle, sanglote la Licorne, les lunettes pleines de buées à cause des larmes.
Fringant la prend à part pour la consoler.
– Tout vient du cœur ! lui explique-t-il calmement. Tu dois le sentir en toi. C’est ton amour pour les autres qui va te porter et te donnera des ailes. Tu ne dois pas essayer d’être un Renne volant, tu dois te sentir Renne volant. Aie confiance en toi. Ton Cristal Totem est au fond de ton cœur, il est vibre au rythme de l’amitié et de l’amour que tu ressens. Ecoute ton cœur !
Lulu ferme les yeux. Elle repense à tous les bons moments passés avec chacun de ses amis. Elle pense à Jean-Michel, son caribou préféré. Une grande chaleur l’envahit progressivement.
– Regardez, la corne de Lulu scintille, s’exclame Jean-Michel, il se passe quelque chose de magique.
– Regardez, ses pattes se soulèvent maintenant, crie Batman. Lulu, ouvre les yeux, tu voles !
En ouvrant les yeux, Lulu se rend compte qu’elle lévite à deux mètres au-dessus du sol. Prise de panique, elle agite ses pattes dans tous les sens et manque de se cogner dans le gros sapin juste à côté d’elle.
– JE VOLE, JE VOLE ! s’écrie la Licorne, émerveillée.
– C’est très bien, la complimente Fringant, qui s’est mis à sa hauteur, en vol stationnaire. Mais ne te fatigue pas trop, nous avons une longue nuit qui nous attend demain. Il faut reprendre des forces.
Après deux survols avec succès du chalet, le nouveau traineau et la brigade de Lulu rentrent au chaud. Pour les remercier, les lutins leur ont préparé bon diner. Epuisés par leur rude journée, remplie d’émotions, Lulu et ses amis s’endorment devant le feu, autour du Père Noël qui relit les dernières listes de cadeaux. Dehors, les lutins s’activent pour charger les deux traîneaux. Une bonne nuit de repos et tout sera prêt pour demain.
24 décembre – J-1
Ce matin, c’est le 24 décembre. Il fait frais et même bien assez froid maintenant pour se croire en hiver. À travers la fenêtre, Lulu, regarde le ciel. Il est bleu, vraiment très bleu. Pas un seul nuage à l’horizon.
Ce matin n’est bigrement pas un matin comme les autres. Alors que la maison est encore endormie, Lulu profite de ce moment de calme avant l’effervescence du grand soir. Dans le salon, ses amis ronflent doucement près de l’âtre où un feu survit encore, fébrilement.
Tout le monde ne dort pas. Dehors, les lutins sont encore à l’œuvre pour finir les derniers paquets et vérifier les listes de cadeaux pour chaque traineau. Ils ont travaillé toute la nuit.
Une bonne odeur de chocolat chaud arrive aux naseaux de la Licorne. Guidée par les effluves cacaotées, Lulu se dirige vers la cuisine. Le Père Noël est là, il l’attend.
– Il paraît que tu es prête pour la tournée.
– J’ai un peu le trac quand même, avoue Lulu, rougissante.
– Viens dehors avec moi, je veux te montrer quelque chose.
Le traineau-bobsleigh de Lulu est rempli à ras bord. Les lutins sont les rois du puzzle, ils ont réussi à caser des milliers de paquets dans une si petite surface, une vraie pyramide multicolore. Le Père Noël s’approche du traineau et s’assoie à l’intérieur. Il prend les rênes en main et regarde Lulu, juste à ses côtés.
– Tes décorations sont vraiment très belles, tu peux être fière de toi, Lulu. Ces étoiles d’argent sont parfaites, une vraie constellation.
Du bout du doigt, le Père Noël touche l’une des étoiles, qui se met à briller. Et puis, une deuxième, et une troisième. En quelques secondes, le traineau tout entier s’illumine et commence à flotter au-dessus du sol.
– Prodigieux, vous êtes un vrai magicien Père Noël ! lance Lulu enchantée.
– Ho Ho Ho, tu me flattes, ce n’est rien, juste un soupçon de malice et quelques pincées d’imagination, voilà tout ! Tu vois, ce traineau a confiance en toi, il est prêt pour s’envoler.
– C’est magique, s’émerveille Lulu, qui n’en croit toujours pas yeux.
– Allons, rentrons prendre ce petit-déjeuner tous ensemble.
Cachée à l’arrière du traineau, la Fée Coquillette étouffe un rire. D’un coup de baguette, elle a fait léviter le traineau. Mais chut, il ne faut pas le dire, c’est un secret entre le Père Noël et elle.
Toute la journée, les Rennes volants et la bande de Lulu ont répété les itinéraires. Quelques exercices d’assouplissement dans l’après-midi pour s’échauffer. Fringant est content, la seconde brigade est au niveau pour assurer la grande distribution. Ouf, il était moins une.
– Père Noël, les traineaux sont prêts, il ne manque rien, annonce fièrement Maxitin, entouré de tous les lutins.
– Bravo mes petits amis, grâce à vous, la magie de Noël va pouvoir continuer, encore une fois ! les remercie le gros bonhomme.
– Une histoire, une histoire, réclament les rennes.
– C’est d’accord, à la fin du dîner, comme d’habitude, ne soyez pas si impatients. Profitons du réveillon tous ensemble et faisons honneur à ce fabuleux festin.
Attablés dans la grande salle à manger préparée spécialement à cet effet par les lutins décorateurs, les nouveaux amis profitent des derniers instants ensemble avant la distribution. Croquettes aux herbes, légumes rôtis, gâteaux de graines aux épices, fruits confits… Batman et Coco engouffrent les plats comme des ogres.
– Doucement, dit Lulu, mâchez bien, il ne faudrait pas avoir de crise de foie pendant la tournée.
– Vu ce qu’ils on avalés, je sens qu’on va carburer encore plus fort, se moquette Jean-Michel. Ces croquettes aux brocolis semblent avoir des effets secondaires pétaradants.
– C’est vrai qu’ils ont l’air de péter la forme, ricane bêtement la coccinelle en s’éloignant des relents souffrés du bout de la table.
Au milieu du salon, près des convives qui dinent allègrement, le grand sapin décoré de centaines de boules de cristal brille de mille feux. À son pied, on peut compter un cadeau pour chacun. Une enveloppe argentée indique le nom de Lulu.
Le dessert terminé, tout le monde se presse autour du Père Noël qui a promis une histoire.
– Vous ai-je déjà raconté l’histoire du garçon qui s’appelait Noël ?
Alors que chacun tend l’oreille pour écouter l’histoire, Jean-Michel entraine Lulu un peu à part, au calme. C’est important. Il a un secret à lui dire.
– Lulu, cela fait longtemps que je voulais t’en parler, commence-t-il.
– Oui… murmure Lulu, les yeux papillonnant.
– Hmm, hmm, voilà… cela fait longtemps que je voulais te le dire : je t’aime. Veux-tu venir habiter chez moi ?
La corne de Lulu se met à étinceler. Doucement, la licorne dépose un baiser sur la joue du caribou. On dirait bien que Lulu en pince aussi pour Jean-Michel.
BIP BIP BIP
Il est l’heure d’y aller. Tous les Rennes sont sortis près des traineaux. Une belle nuit étoilée. Les lutins, bien épuisés, sont allés dormir. Ils l’ont bien mérité. Dernières recommandations de Fringant avant le décollage.
– Ecoute ton cœur, il te guidera.
Lulu, placée en tête de son traineau, tape trois fois son sabot droit par terre. Assise au poste de conduit, la Fée Coquillette déguisée en Mère Noel est prête à guider la nouvelle brigade dans les airs. Lulu ferme les yeux et s’élance. Le traineau s’élève, suivi de près par celui mené par Fringant. La tournée peut commencer.
25 décembre – Jour J
Il est 6h du matin. Lulu n’a pas beaucoup dormi de la nuit, elle repense à toutes les aventures qu’elle a vécues avec ses amis et la grande tournée de Noël.
Être avec ceux qu’on aime et se dire qu’on s’aime, c’est l’essentiel. Lulu s’en rend compte aujourd’hui. La vie ne sera plus jamais comme avant. Elle sait qu’elle peut compter sur de vrais copains à l’amitié solide. C’est rassurant. Et ils peuvent également compter sur elle maintenant, sa confiance retrouvée lui a redonnée une nouvelle source d’énergie, pour aller toujours plus haut, toujours plus loin.
Sur la pointe des sabots, elle s’approche du sapin et prend l’enveloppe argentée qui lui est destinée. Elle l’ouvre délicatement. Quel cadeau ! Un diplôme officiel de Renne du Père Noël !
DRING DRING DRING
Soudain, son téléphone sonne.
– Il est trop tôt pour de bonnes nouvelles, s’inquiète-elle. Allo ? Oui, c’est bien Lulu La Licorne à Lunettes ? Que dites-vous ? On a enlevé Merlin l’Enchanteur ?
Lulu se tourne vers la fenêtre du salon. Dehors, sa voiture à éolienne est couverte de neige. A l’intérieur, le ronronnement des dormeurs lui arrive délicatement aux oreilles. En grattant machinalement sa corne, elle note vite fait quelque chose sur son carnet à spirale. Une adresse ? Un nom ?
Ses yeux pétillent d’impatience, une nouvelle aventure va commencer…
FIN