Je suis leur silence

J’avais été séduite par la série « Les Beaux Etés » et conquise par « Malgré Tout », alors c’est avec impatience que j’ai suivi les étapes jusqu’à la sortie du nouvel album de Jordi Lafebre.

Ce que j’aime ? Hmmm, tout, je pense. Son talent pour détailler les expressions des personnages, les montrant au quotidien dans toute leur humanité, brossant leurs petits défauts comme leurs atours. Les cadrages, les jeux de lumière, les petits détails plein de tendresse, les pleine pages comme les constructions de cases ciselées. Et surtout un scénario très bien ficelé qui embarque le lecteur / la lectrice dans un voyage intense aux côtés des protagonistes.

Et ici, avec « Je suis leur silence » (quel titre !), c’est tout d’abord un coup de cœur pour l’héroïne principale : Eva Rojas, une psychanalyste qui se retrouve au milieu d’un imbroglio familial au coeur du Domaine viticole Monturos. Comme le dit le sous-titre, il s’agit d’un polar à Barcelone. Le ton est donné.

On marche alors aux côtés de la craquante Eva qui, obligée de suivre une analyse avec le Dr Llull (personnage éminemment important), dresse jour après jour, quasiment heure par heure l’incroyable la semaine qu’elle vient de vivre. Cet homme est chargé d’évaluer sa santé mentale, du fait de son comportement jugé « excentrique » ces derniers temps. Sur le mode d’une enquête policière, Eva explique comment elle a découvert un cadavre au sein de ce domaine viticole célèbre et trouvé l’assassin. Elle est très douée pour résoudre des énigmes, et a priori des crimes. Petit bémol, elle entend des voix, mais qui sont-elles ?

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Nous traverserons des orages

« Est-ce que le monde serait moins violent si les hommes pleuraient plus souvent ? »

C’est le constat que je fais depuis tant d’année, comme beaucoup, et qui, face à cette violence perpétuelle, alimente une colère intérieure que j’ai de plus en plus de mal à contenir. Mais la colère n’est pas constructive si elle n’est pas force de propositions, source de solutions et d’actions. La littérature est une source.

Et comme dirait le narrateur de cette fresque historique et familiale qui m’a tant émue : « Ecrire est une façon de reprendre un peu le dessus sur l’absurde violence du monde, tu ne penses pas ? »

Car encore une fois, Anne-Laure Bondoux nous offre un récit d’une grande intensité, ciselé avec justesse et qui touche au plus profond du cœur.

Après « L’aube sera grandiose » (cours lire ce texte incroyable stp si tu ne l’as pas déjà fait) où nous suivions essentiellement des parcours de femmes, l’autrice nous emmène ici au travers des époques suivre le destin des hommes d’une famille, la famille Balaguère, la bien nommée.

« C’est l’histoire d’une famille, d’une maison et d’un pays. Elle commence à la veille d’une guerre planétaire, dans une ferme de hameau qu’on appelle les Chaumes. Elle s’achèvera un siècle plus tard, au même endroit, à l’heure où une autre guerre menace de s’étendre.(…) » Entre ces deux époques, on verra vivre ici « quatre générations d’une famille tourmentée par des secrets et hantée par des morts sans sépulture. » Et « entre ces deux époques, nous traverserons des orages. »

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Comme une famille

Le monde peut nous changer mais on peut toujours changer le monde… Bienvenue dans la famille Diangello : des premiers pas de l’homme sur la Lune en 1969 à l’incendie de la centrale de Tchernobyl en 1986, de la finale de la coupe du monde de football en 1998 aux attentats du Bataclan en 2015, de l’élection de Barack Obama à la crise du Covid, de la mort de leur mère au mariage de leur frère.

Rachel Corenblit traite souvent le thème de la famille dans ses écrits. Ce qui l’intéresse avant tout, comme elle nous l’a expliqué lors de la rencontre avec Babelio, c’est « la complexité des relations humaines qui se nouent au sein des familles ». Et c’est le cœur du sujet de son nouveau roman choral qui met en scène, sur 50 ans et 3 générations, la saga de la famille Diangello. 10 moments clés racontés par les membres de cette famille sur fond d’événements historiques qui ont façonné la société d’aujourd’hui et leur adolescence.

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Derrière le rideau

Le rideau se lève sur une enfance. Une enfance qui pousse en 1937, en pleine montée de l’inhumanisme qui conduira au pire de cette 2de Guerre Mondiale.

Yaël a 8 ans, un âge qu’on aimerait être préservé des horreurs des adultes. Elle vit dans un village provençal avec sa petite sœur Emilie et sa famille. Une famille dont elle ne comprend pas encore les secrets ou du moins les non-dits.

Il est question d’un rideau qui cache une certaine vérité, de la signification d’être goy ou juif.

Il est question d’identité en construction qui va être confrontée à la violence et l’aveuglement idéologique.

Il est question d’une prise de conscience de la douloureuse réalité de cette période trouble et sidérante.

Il est aussi question d’étapes dans la vie d’une jeune fille, de fragilité et de forces, de peurs et d’espoir, d’injustices sanglantes.

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Plus jamais petite

Quel titre saisissant ! Le constat définitif de la fin d’une enfance en trois mots. Quel texte percutant ! Quelle justesse que cette voix vibrante qui dit l’innommable !

La sortie d’un texte de Séverine Vidal est comme un rendez-vous avec un proche, on se réjouit de la rencontre, on écoute la confidence, on partage un moment d’intimité et on ressort enrichi intérieurement.

Comme souvent avec la collection Court Toujours, je choisi d’écouter le texte pour une lecture plus immersive. Un récit initiatique qui prend aux tripes? Un moment charnière de vie adolescente ? C’est exactement ça, encore une fois.

Il s’agit d’une voix qui s’élève, celle de Lucie.

Lucie attend, seule, dehors sur un banc, devant la porte de la maison d’arrêt où est enfermé son père. Elle a décidé, cette fois, d’y aller. Déterminée, elle espère que la confrontation lui permettra de se libérer de ses souvenirs douloureux, de son enfance gâchée, de ce père monstrueux qui n’en est pas un. Mais est-elle prête à affronter celui qui lui a fait tant de mal ? Et moi, impuissante lectrice, suis-je prête à me confronter à la douleur de Lucie abusée ?

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