La gueule du loup

« Promenons-nous dans les bois, pendant que le loup n’y est pas, si le loup y était, il nous mangerait. »

Une comptine qui vous tire un sourire de connivence, à celles et ceux qui savent que ce ne sont que des histoires pour faire peur aux enfants, des légendes pour frissonner. Mais il y a toujours une part de vérité dans ces contes ancestraux, qu’en pensez-vous ? Loup y es-tu ? La menace rôde… Elle n’est jamais loin… Souvent enfouie au plus profond de nous, tapie, silencieuse.

« Le loup va venir. Le loup vient toujours. Le loup ouvre toutes les portes. »

Une histoire à faire peur. Dramatique. Une stupeur, une sidération, un cri bâillonné par le déni.

Mars 2020, c’est imminent, la pandémie progresse et le confinement va être instauré en France. Une mère et ses deux enfants – Jo lycéenne et Nono encore en primaire – rejoignent en urgence la maison familiale inhabitée depuis plusieurs années, en plein milieu d’une forêt, loin de tout. Le père, infirmier, est resté sur Nantes, prêt à l’afflux de malades. Ils ne savent pas si c’est pour 2 semaines ou 2 mois.

Pas le choix. Contraints à vivre dans cette maison sombre aux odeurs moisies et à l’atmosphère suffocante. Une maison qui de l’extérieur dessine un visage inquiétant et au creux de laquelle l’imagination soit-disant débordante de la jeune narratrice lui joue des tours glaçants.

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Quand vient la vague

Mais quel dernier chapitre ! Une famille, un frère, une soeur, une disparition, un mystère… Et puis une quête parallèle.
Nina a disparu depuis plusieurs mois. Clément, son frère, se « réveille » enfin, prend conscience du manque lié à l’absence inexpliquée de sa soeur et part à sa recherche. Une histoire de famille qui questionne les liens du sang. Chapitre après chapitre, le lecteur suit le cheminement du frère et celui de la soeur, en parallèle, décalé dans le temps. 

Chacun à leur tour, avec leur façon de penser et de réagir, ils sont confrontés à de rudes révélations, bousculés dans leurs convictions, dans leur schéma familial, amical et amoureux. Le temps d’une vague qui les submerge métaphoriquement l’un après l’autre, et leur vie est remise en question.

Un récit qui interroge le regard de l’autre sur soi, le mystère qui entoure les proches finalement. Connait-on vraiment les gens avec lesquels on vit ? Ses parents, ses frère et soeur ? 

Comme un road-trip entre Lacanau, Bordeaux et Paris à la recherche de la vérité, Nina et Clément sont déterminés à la trouver car elle leur est due, « on vous doit la transparence » soit-disant…

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Désaccordée

Tout dans cette couverture invite à l’évasion des sens : le titre comme les premières notes d’une partition qui vous entraîne au loin, le visuel comme un tableau hyper-réaliste au coeur d’une forêt féérique laissant percevoir la respiration de cette jeune fille en train de rêver, le nom de l’autrice – Joanne Richoux – comme une promesse d’un voyage au pays des mots les plus envoûtants où « les effluves s’emboutissent »…

Forcément, on tourne la page et on se plonge dans un univers étonnant, à la découverte de la jeune Violette et ses 17 printemps. Mais je vous préviens, ce livre est totalement happant, dès les premières pages vous serez pris par l’intrigue dans une course poursuite.

Entrons dans le vif du sujet : « Violette est partie en virée avec Maëva, Lucas et Alexis. Direction le château d’eau désaffecté de Saint-Crépin-l’Hermite, un endroit à la mauvaise réputation. Quelques heures plus tard, Violette ouvre les yeux. Elle est couchée face contre terre, au milieu d’une forêt sauvage. Ceux qu’elle rencontre portent des noms bizarres : Dièse, Trille, Sonate… Telle Alice tombée de l’autre côté du miroir, la jeune fille aurait-elle atterri dans un univers à part ? Pourquoi tout le monde la confond avec une certaine Princesse Croche, disparue trois ans plus tôt ? Et qui est Arpège, ce garçon casse-cœur qui la dévisage ? Violette le sent, l’envers de ce décor féérique, c’est un danger de mort. Mais comment retrouver le chemin de la maison ? »

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Cheval Océan

Quel coup à l’estomac…

Je cherche encore mon souffle en refermant la dernière page de cette nouvelle qui me vrille le cœur. En quelques pages, la voix d’Angela m’a emportée avec elle sur cette plage, face à cet océan tumultueux, fougueux témoin du basculement de sa vie.

Un silence qui hurle à faire saigner, un cri étouffé qui résonne encore, une douleur sourde qui enferme les mots alors qu’il faudrait rugir pour que cela n’arrive plus. Dans quel monde vivons nous pour que l’enfance et son insouciance soir fauchées en quelques minutes par les plus abjectes. 

D’une seule voix, Stéphane Servant nous livre la confession de cette jeune fille entre deux mondes, celui de ses rêves d’enfance  et celui des cauchemars de sa réalité. Entre deux rives, elle dérive. La fureur de l’océan, le lieu du rendez vous qu’elle s’était donné de rejoindre en mémoire de sa grand- mère, lui ouvre ses bras, tragiquement. L’espoir d’un nouvel envol…

Un récit d’une féroce envie de vivre malgré tout. 

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Elma, une vie d’ours (Tome 1 et 2)

(c) L. Mazé

Depuis la sortie de Nora, je suis une grande fan du travail fabuleux de la talentueuse Léa Mazé. Les Croques Tome 1 sorti l’année dernière promet une suite passionnante, mais aujourd’hui, à l’occasion de la récente sortie du Tome 2 du dyptique Elma, une vie d’ours, je vous parle enfin de mon coup de coeur pour cette petite Elma et son gros Papa Ours.

Dès la couverture du Tome 1, l’émotion vous saisit et vous êtes entièrement captivé par cet univers chromatique si particulier. Ce n’est pas une simple couverture, c’est un tableau, énigmatique, magnétique. La construction graphique de ces deux personnages blottis l’un contre l’autre vous impose le silence et l’admiration. Un clin d’oeil à Klimt ? Quant à la couverture du Tome 2, elle reproduit, comme en miroir, la masse des deux corps pour en faire une fenêtre ouverte, plaçant le lecteur plus en retrait, en voyeur tapi dans la forêt retenant sa respiration pour ne pas alerter les deux complices.

Tout au long des deux albums, le lecteur va être bercé par ces couleurs complémentaires, ce bleu turquoise quasi mystique et cet orangé si réconfortant. Une couleur froide et une couleur chaude, le parfait équilibre, cet équilibre fragile qui semble unir ces personnages terriblement attachants…

Il y a certes deux tomes, mais il s’agit d’une seule histoire, impossible de ne pas les enchainer donc. L’histoire s’ouvre sur une forêt lumineuse, on entend au loin un dialogue entre un enfant et un adulte, le premier veut grimper aux arbres, le second l’encourage tout en le mettant en garde : l’éducation bienveillante en somme. Et dès la 3e page, le ton est donné « que ferais-je, moi, sans toi ?  » Une histoire d’amour donc, entre un père et sa fille : Elma, joyeuse, un peu sauvage et plutôt insouciante, et un Papa Ours qui l’a recueilli et élevé comme son enfant.

Or, ce père affectueux et dévoué cache un lourd secret qu’il ne peut révéler encore. Mais l’heure tourne, 7 années se sont écoulées depuis la naissance de la petite et il est désormais temps d’entamer un long voyage pour rejoindre l’autre côté de la montage. Une menace semble sourdre au coeur de la forêt, non perceptible par la gamine espiègle sous haut protectorat ursin. L’enfant au caractère bien trempé s’interroge, se révolte de devoir avancer sans comprendre, teste l’autorité parentale, boude, ronchonne mais suit toujours ce père guidé par une urgence inquiétante. 

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