Nous traverserons des orages

« Est-ce que le monde serait moins violent si les hommes pleuraient plus souvent ? »

C’est le constat que je fais depuis tant d’année, comme beaucoup, et qui, face à cette violence perpétuelle, alimente une colère intérieure que j’ai de plus en plus de mal à contenir. Mais la colère n’est pas constructive si elle n’est pas force de propositions, source de solutions et d’actions. La littérature est une source.

Et comme dirait le narrateur de cette fresque historique et familiale qui m’a tant émue : « Ecrire est une façon de reprendre un peu le dessus sur l’absurde violence du monde, tu ne penses pas ? »

Car encore une fois, Anne-Laure Bondoux nous offre un récit d’une grande intensité, ciselé avec justesse et qui touche au plus profond du cœur.

Après « L’aube sera grandiose » (cours lire ce texte incroyable stp si tu ne l’as pas déjà fait) où nous suivions essentiellement des parcours de femmes, l’autrice nous emmène ici au travers des époques suivre le destin des hommes d’une famille, la famille Balaguère, la bien nommée.

« C’est l’histoire d’une famille, d’une maison et d’un pays. Elle commence à la veille d’une guerre planétaire, dans une ferme de hameau qu’on appelle les Chaumes. Elle s’achèvera un siècle plus tard, au même endroit, à l’heure où une autre guerre menace de s’étendre.(…) » Entre ces deux époques, on verra vivre ici « quatre générations d’une famille tourmentée par des secrets et hantée par des morts sans sépulture. » Et « entre ces deux époques, nous traverserons des orages. »

Chapitre après chapitre, on suit ces hommes dotés traditionnellement de prénoms d’arbres – Cytise, Anzême, Charme, Aloès, Olivier et Saule – tenter de comprendre leurs racines respectives, les liens qui les relient génération après génération, leurs forces et leurs faiblesses, leurs secrets et leurs vérités. On suit leur cheminement de vie avec en filigrane l’évolution de la société et des conflits mondiaux qui bouleversent leurs projets. C’est d’une très grande force et en même temps d’une infinie pudeur. Les sentiments mêlés de ces personnages nous renvoient à ce que nous sommes, des petits bouts d’humanité qui cherchent à faire famille, malgré tout, à exister, à résister, à se trouver intimement, malgré tout le tumulte de ces orages intérieurs et extérieurs contre lesquels ils se fracassent.

On ne peut résumer en quelques lignes cette saga absolument passionnante où les destins individuels se mêlent à la grande histoire. Mais je ne peux que vivement vous inciter à plonger au cœur de cette famille, à marcher aux côtés de ces hommes blessés par la violence du monde, à écouter leurs confidences, leur désarroi, leur flamme et leur fougue, leur manière d’avancer malgré cette malédiction familiale qu’ils imaginent collée à eu inexorablement. Et puis, il y a toute cette incroyable palette de personnages féminins (ah Christiane !) et masculins (ah Daniel !) qu’ils croisent avec un mélange de douceur et de fracas, des figures croquées avec une infinie justesse et beaucoup d’amour qui m’ont particulièrement touchées.

Comme le dit le narrateur, et l’autrice à travers lui, « la littérature est une consolation » et ces phrases qui coulent au fil des pages sont ses consolations, et peut-être d’une certaine manière aussi les nôtres.

Alors voilà, ces portraits vont vous harponner époque après époque, vous tirer larmes, sourires et même rires, vous faire vibrer, vous questionner, vous donner envie d’écrire ou de briser des silences, vous donner envie de vivre pleinement chaque instant. C’est une chance de donner à lire une histoire qui peut parler à chacun de nous, c’est la force de la littérature. Et comme le dit l’un des hommes de cette famille : « Quand je lis, je deviens sourd et aveugle au reste du monde. Quand je lis, l’univers se déploie, je sens passer à travers moi des siècles d’histoire, des géographies lointaines, la lame glacée du chagrin et l’incandescence de l’amour. Tout est plus intense. » Et c’est un coup de cœur intense, sans aucun doute.


Autrice : Anne-Laure BONDOUX
Edition : Gallimard Jeunesse – roman – 496 pages – 19,50 euros
ISBN : 9782075129626
Année : Septembre 2023

De la même autrice :
– L’aube sera grandiose
– Les larmes de l’assassin
– La tribu de Vasco
– Tant que nous sommes vivants
– Et je danse aussi, avec Jean-Claude Mourlevat
– Valentine et la belle saison, avec Jean-Claude Mourlevat
– Le temps des miracles
– Le destin de Linus Hoppe
– La vie comme elle vient
– Pépites
– L’autre moitié de moi-même

 

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