Journal d’un enfant de lune

(c) AL Nalin

Sans doute l’une des plus belles couvertures que j’ai pu admirer depuis quelques temps. Un portrait comme un tableau dont se dégage une émotion forte, pure, si troublante qu’on entendrait presque la petite voix intérieure de cet être obscur, en proie à son questionnement…

Pourquoi ai-je été si touchée ? Est-ce le mystère de ce jeune garçon pensif, presque fragile ? Ce jeu de lumière en contre-jour le plongeant de fait dans l’ombre ? Est-ce ce titre énigmatique convoquant les souvenirs d’enfance, les peurs ou les joies, comme un appel au secours…

J’ai pris une grande respiration et j’ai tourné la page.

Graphiquement, c’est un voyage fabuleux qui commence. Dès la première page, une illustration pleine page plante le décor, comme une photo de vacances, un souvenir d’été, dans un silence parfait. Pas un bruit, pas un mouvement, pas âme qui vive…

Juste le vol lointain de quelques oiseaux. Le calme avant la tempête… Car, au fil des cases, les éléments se mettent en place et le rythme s’accélère.

Morgane, seize ans, vient d’emménager dans une nouvelle maison, avec ses parents et son petit frère. Mais ce n’est pas ce qu’elle voulait, et très vite sa rage se fait sentir. 

Qu’est-ce qu’elle a, Morgane, Papa ?
L’adolescence, mon fils. L’adolescence.
C’est grave ?
Ça peut oui.

Le ton monte, les portes claquent, et la moindre aspérité se transforme en crépi des plus abrasif entre elle et ses proches. 

 

Forcée d’aider et de déballer ses cartons, Morgane finit par s’enfermer dans sa nouvelle chambre, sous les toits, et retrouve par hasard un journal intime caché derrière un radiateur.

C’est celui de Maxime, un jeune homme de dix-sept ans, qui y raconte son étrange maladie (Xeroderma Pigmentosum), une maladie qui l’empêche de vivre à la lumière du jour. Ses cellules n’arrivent pas à reconstruire l’épiderme détruit par les UVA émis par le soleil, ce qui cause des lésions sur la peau. On appelle ces enfants, les enfants de lune…

Dès les premières pages, Morgane est prise par l’émotion des confessions de Maxime, ses mots résonnent comme s’il était près d’elle, et très vite elle n’a plus qu’une seule idée en tête: retrouver la trace de ce jeune homme troublant pour lui rendre son journal oublié. Ses pas la conduiront bien plus loin qu’elle n’aurait pu l’imaginer…

Une histoire d’adolescents tourmentés, en pleine mutation ? Une histoire d’acceptation des différences ? Une histoire d’amour et de générosité ? Et bien, c’est tout cela à la fois, et bien plus que ça.

C’est fou ce qu’un regard peut faire mal, quand votre corps est différent.

Les tâches de lumière sur les feuilles dès les premières pages, les traces de bronzages sur la peau de Morgane, les éclaboussures de peinture sur les parents en plein travaux d’aménagement… autant de clins d’oeil graphiques qui font subtilement écho aux marques sur la peau de Maxime.

Tendre, sincère et émouvant ! Des illustrations d’une forte intensité avec un travail remarquable sur les couleurs, un superbe traitement de la lumière pour parler de ceux qui ne peuvent vivre sous les rayons du soleil.

Très rythmé, le scénario embarque le lecteur aux côtés de Morgane, dans un parcours initiatique alternant des moments introspectifs mêlant rêve et fantasme, et des instants de vives tensions quand elle se heurte à la dure réalité.

Propre à cette période de vie en plein tâtonnement et de recherche d’identité, on assiste à la métamorphose de Morgane, qui va s’ouvrir aux autres en se révélant à elle-même.

Un jeu de reflets, comme face à un miroir où cette jeune fille qui se cherche est tiraillée entre l’enfance et le monde des adultes, en équilibre sur cette frontière escarpée.

Plongez au coeur du secret de ce journal intime hors du commun et découvrez le parcours de Maxime, cet enfant de lune, à travers le regard et les sentiments de Morgane.

 

 

 

Scénariste : Joris CHAMBLAIN
Illustration : Anne-Lise NALIN
Edition : Keynes – Ensemble – BD – 56 pages – 14,95 euros
Année : Octobre 2017

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Voir l’univers en vidéo :


(c) J. Chamblain

 

LIRE NOTRE INTERVIEW DE JORIS CHAMBLAIN : UN MOMENT D’ECHANGE RARE ET PRECIEUX

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Du même scénariste : 

– Les carnets de Cerise (5 tomes) illustré par Aurélie Neyret chez Delcourt Soleil
Enola et les animaux fantastiques illustré par Lucile Thibaudier aux éditions de la Gouttière (4 tomes)
– Sorcières, Sorcières illustré par Lucile Thibaudier aux éditions Keynnes (4 tomes) 
– Lili Crochette et Monsieur Mouche illustré par Olivier Supiot aux éditions de la Gouttière (3 tomes)
– Nanny Mandy aux éditions Keynes
– Léa Olivier Hors Séries aux editions Keynes
– Yakari illustré par Dérib aux éditions Le Lombard (oct 2016)

 

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