Le cercueil à roulettes

Il aura fallut quelques mois pour que je me lance sur la route avec Gabriel. Il fallait le moment adéquat, car le chemin était ardu et intense.

Gabriel, 15 ans, est orphelin de père et récemment de mère. Une douleur qui le déchire. Un matin de juillet, il prend la route, trainant derrière lui un bolide peu commun, une étrange caisse à roulettes, plus grande que lui, le nom de Stella inscrit dessus.

Et c’est ce voyage initiatique, ce cheminement de deuil que le lecteur va faire avec Gabriel, narrateur de cette aventure nécessaire. En chemin vers cette destination dont il ignore encore le lieu précis, il va rencontrer des personnes clés qui le guideront, étape après étape, de fermes en villages, de villages en forêts, de départementales aux courants de la Loire.

Irène, Anisse, Anouar, Maya, Marie, Joël, Maud, Baptiste, autant d’êtres exceptionnels qui vont marquer Gabriel dans son parcours, l’aidant dans l’acceptation de la situation et l’accomplissement de la mission qu’il s’est donnée. 

Ne pas en dire trop, la musique des mots d’Alexandre Chardin vous prendra par la main, aux côtés de Gabriel, comme un témoin de cette quête insensée mais si vitale pour lui. Cette traversée va laver sa douleur, dans la souffrance des efforts qu’il prodigue pour faire avancer cette caisse à roulettes. Il marche seul et pourtant il sent toujours une présence, sa mère son « étoile »,  son père, ou l’enfant qu’il a été et ses souvenirs lui confirment qu’il va dans la bonne direction.

Ce roman est un road trip étonnant, riche en émotions tant les réflexions de Gabriel le tiraillent entre renoncer à ce voyage fou et aller au bout pour trouver la sérénité.  Les descriptions de la nature, ses parts d’ombres comme ses éclats merveilleux, participent au ressenti sensible de ce que vit Gabriel, intensément : des fleurs au cœur d’une clairière, des papillons virevoltants vers le ciel, un cerf en arrêt dans la forêt, un chat sauvage qui se laisse apprivoiser.

D’une certaine manière, j’y ai retrouvé en écho un peu du parcours de Matthieu, Léna et Gavi dans Ciao Bianca de Vincent Villeminot. Il y a des deuils dont on ne sort que par l’itinérance nécessaire, il faut que cela « fasse son chemin ».
 
Lors du dernier Salon de Montreuil, j’avais eu l’occasion de discuter avec l’auteur lors d’une dédicace et il m’avait confié avoir eu beaucoup d’émotions à l’écriture de ce roman, avoir pleuré en posant certains mots. Cette histoire n’est pas neutre, elle vous prend aux tripes, elle dit plus que le cheminement de Gabriel, comme un tribu à ceux qui ne sont plus là mais qui veillent sur nous, peut-être.

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Auteur : Alexandre CHARDIN
Edition : Casterman, 384 pages, 15 euros, ISBN 9782203124769
Année : Janvier 2020

 

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