Une mère à Brooklyn

(c) Ed. du Mercredi

Être un peu rebelle à l’âge de l’adolescence, cela n’est pas surprenant, ce serait même un passage obligé pour certains, une raison d’être pour franchir cette étape de vie. Que l’on soit une adolescente au cœur d’une famille à problèmes comme Alia ou d’une famille à secrets comme Judith, le malaise est le même. Il faut passer le cap, s’affranchir de l’innocence de l’enfance et se cogner à l’âpre réalité du monde des adultes.

Judith vit avec son père Pierre, et Laure, une autre femme. Pas de mère mais une complicité forte entre le père et la fille… Enfin presque. Cet amour inconditionnel empli de joie, c’était avant. Aujourd’hui, ce n’est plus qu’un souvenir fugace, le conflit est devenu leur quotidien.

Judith a 15 ans, et comme beaucoup de ses congénères, elle a la rage. L’adolescence et son cortège de doutes l’ont prise par la main, violement. Une colère incontrôlable ne la lâche plus, sans qu’elle arrive à mettre une raison dessus. Enfin, si, il doit bien y avoir une raison, mais en guise d’explication à cette révolte intérieure, elle n’obtient que le silence de son père. Pas de mère pour se construire, uniquement un père mutique et fuyant alors même que toutes les questions sur sa naissance assaillent de plus en plus Judith.

Ce regard-là manque à sa vie toute entière. Ces yeux qui ne se posent pas sur elle, jamais. C’est comme se construire à cloche-pied. Il manque un pilier. Mais plus que tout, il manque des réponses.

Leur relation n’est plus que cris et larmes. Les portes claquent, les gifles verbales pleuvent quand le moindre dialogue s’ouvre, une guerre ouverte où tout peut exploser. La seule chose qu’ils partagent désormais, c’est leur incompréhension mutuelle. Et la dérive s’installe : au collège où Judith décroche peu à peu, et dans sa relation avec son père où la confiance est rompue.

Judith est bancale, en déséquilibre, sur le point de sombrer. Comment se projeter dans l’avenir, comment se construire quand on ne connait que la moitié de son histoire ? L’avenir et le lycée, Judith s’en moque, c’est le secret sur son passé qui l’obsède. Un soir où la souffrance est encore une fois trop insupportable, Judith fugue. Mais la peur la ramène vite chez elle, comme un instinct de survie, temporaire. Pour son père qui a pensé l’avoir perdue, c’est un véritable électrochoc. Impuissant, désemparé et très maladroit, il envoi Judith chez une amie à New-York pour les vacances, un éloignement qu’il présente comme salvateur.

Passée l’ivresse de cette liberté retrouvée à l’autre bout du monde, de cette autonomie tant recherchée, le retour à la réalité est bien vite amer pour Judith. Qui est cette magnétique inconnue, idole adorée de tous et brillant sous les feux de la rampe ? Qui est cette adulte au regard quasiment indifférent qui ne lui pose aucune limite pour une fois alors que c’est justement une âme sœur, une bouée de sauvetage dont Judith a besoin ? Faut-il chercher la vérité à tout prix, au risque d’être déçue ?

Dans ce premier roman, Ingrid Chabbert aborde avec réalisme le thème de la filiation et des lourds secrets de famille qui peuvent détruire une ébauche de vie, comme celle de Judith. Pas de jugements, c’est surtout la voix de Judith qu’on entend crier sa révolte et son manque d’amour. Le ton est à la hauteur des personnages même si un cocon protecteur semble parfois les envelopper. Larguée seule dans cette ville-jungle, l’adolescente semble entourée d’une certaine bienveillance, les réels dangers ne paraissent pas s’approcher trop près d’elle ni l’empêcher d’accomplir son voyage initiatique. Un voyage qui va emmener Judith au-delà de la vérité sur sa naissance.

 

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