Plein gris

« Ce qui se passe en mer, reste en mer ».

Préparez-vous à embarquer pour une traversée qui vous laissera des traces.
Impossible de lâcher la lecture, vous vous agripperez aux pages pour tenir le choc sous la houle implacable de l’intrigue. Vous serez submergé.e comme les protagonistes par les émotions et les dangers qu’ils vont rencontrer. Huis clos haletant et humide, ce roman vous prend aux tripes et ne vous laisse que peu de répit pour reprendre votre respiration. On en ressort le corps essoufflé et lessivé, après un combat contre les éléments et les sentiments partagés, un goût amer de sel dans la bouche.

5 adolescents, un groupe un peu à part des autres lycéens, reliés par le charisme énigmatique d’un seul : Clarence. Bientôt le Bac mais avant la dernière ligne droite, la petite bande a réussi à négocier auprès des parents une virée en mer à bord du Céladon, pour rallier l’Irlande depuis leur Bretagne. Si Emma, Clarence, Sam naviguent depuis l’enfance, ce n’est pas le cas de Victor, le dernier à avoir rejoint le clan. La croisière vire brutalement en cauchemar lorsque Clarence, le leader solaire et narcissique que tous admire, est retrouvé mort noyé près de la coque de leur voilier. Tous les secrets de la bande remontent à la surface, les bons comme les plus nauséeux, les rancœurs, les lâchetés, tout ce qui fait et défait un groupe d’êtres en pleine construction. Le niveau d’inquiétude monte d’un cran lorsqu’ils se retrouvent pris dans une tempête dantesque où l’unique objectif est dorénavant la survie, coûte que coûte, remettant en question la force du collectif et exacerbant les tensions. Comment ont-ils pu en arriver là ? Leur amitié insubmersible pourra-t-elle éviter le naufrage ?

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Le plongeon

Depuis La Maison de la Plage, j’attendais avec impatience la nouvelle collaboration entre Séverine Vidal et Victor L. Pinel. La couverture révélée en amont avait été d’une force, tant pour le titre que pour l’illustration, que la rencontre avec les personnages du Plongeon devenait urgente.

À 80 ans, Yvonne Lhermitte – dont le nom évoque douloureusement sa situation – vit seule dans sa grande maison vide. La solitude qui pèse depuis le décès de son mari, ce corps qui se fait plus douloureux, les enfants et les petits-enfants qui se font de plus en plus rares, et ce sentiment que la mémoire est en train de la lâcher, elle aussi. Terriblement angoissant. Terriblement inexorable ? Alors, à contre cœur, elle abandonne 40 ans de sa vie pour aller là-bas. Là où on regroupe les « anciens », ceux qui ne peuvent plus continuer seuls, ceux dont la famille ne peut plus s’occuper, ceux qui ont décroché de la réalité : en EHPAD.

Ce changement de vie est rude pour cette femme indépendante, encore bien consciente que cette nouvelle vie la rapproche inévitablement de la mort. Ce n’est pas un tournant, c’est la dernière ligne droite, et c’est d’autant plus bouleversant.

Séverine Vidal est une alchimiste qui sait faire surgir l’émotion pure quel que soit le format qu’elle touche des doigts : roman, nouvelle, album, BD… La triste actualité de la vie en EHPAD aujourd’hui fait écho à ce que vit Yvonne, et nous rappelle combien la vie passe vite.

Entre rires et larmes, ce roman graphique se lit le cœur serré. L’émotion vous prend dès les premières pages : le regard d’Yvonne sur sa chienne Bellouche dont elle se sépare, le dernier claquement de la porte d’entrée qu’elle n’ouvrira plus, ses doigts sur cette glycine qu’elle ne respirera plus. Il va falloir s’accrocher car ces évocations pleines de pudeur serrent déjà la gorge et humidifient le regard. La douleur d’Yvonne face à cette séparation définitive est vive. Si elle la cache à ses proches, elle confie au lecteur ses pensées intimes, comme une lettre d’adieu, expliquant combien elle a été heureuse dans cette maison : un mariage, des enfants, une vie familiale remplie avec le temps qui file sans qu’on s’en rende compte. Et puis, la perte de cet être cher et le sentiment « d’avancer en manquant de tomber à chaque pas ». Elle n’aura plus rien ici, alors elle part.

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LES QUI QUOI et le concours de déguisements qui risque de tourner à la catastrophe

AAAAHHHHHH enfin le Nouveau QuiQuoi est entre mes mains (et devant mes yeux, c’est plus pratique pour lire).

Je vous ai déjà dit que j’étais une fan-groupie de l’univers de Olivier Tallec ?

Oui ? Ah oui. Et ben c’est vrai. Et quel plaisir quand c’est en duo avec Laurent Rivelaygue, dont la verve désopilante fait travailler mes zygomatiques à chaque fois.

Cette fois-ci, l’heure est grave. Le concours de déguisements est imminent et Pétole n’a pas son costume de princesse. Orageux désespoir, n’est-ce-pas ? Ceux de Mixo, Boulard, Pamela et Raoul sont plutot hum hum ratés. Heureusement la bande de copains peut encore une fois compter sur le talent graphique de Olive (héhé) pour trouver une solution. Direction le Château fort ! Qui dit château dit forcément Princesse, et aussi Chevalier, mais également Roi tyrannique qui retient sa fille prisonnière. Une mission pour la bande de potos !

Ahhh le talent de cet illustrateur est formidable, les saynètes sont exquises de détails irrésistibles. On adore ! Et toujours un titre long plein d’humour qui tire déjà un sourire et une touche de culture en fin d’album grâce à Mixo, le lapin le plus érudit du monde.

Coup de cœur à lire et à relire sans modération ! On aimerait que ces personnages prennent vie… Une version animée ? On peut rêver…

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Les Beaux Etés (T1 à 5)

J’avais tellement aimé « Malgré tout » que j’avais envie de mieux connaître le travail de Jordi Lafebre.

Alors direction vacances estivales avec la truculente famille Faldérault, pour une plongée dans la vie, la vraie, de ceux qui attendent avec impatience cette pause bien méritée après une année de travail.

1973, 1969, 1980… On remonte le temps en grimpant avec Pierre, Mado, Julie-Jolie, Nicolas, Louis et Pépète dans leur 4L rouge Estérel destination le Sud depuis la Belgique.

Références musicales, littéraires, politiques jalonnent les aventures de cette famille hyper attachante, sur un rythme de flash backs réguliers où tous leurs souvenirs de vacances sont évoqués, souvent rocambolesques. C’est drôle, un brin décalé comme on aime. De l’amour, de l’amitié, des frères et soeurs soudés mais qui se charient, des parents toujours aussi amoureux et taquins et une brochette de personnages secondaires brossés avec humour mais bienveillance.

Les expressions des personnages sont croquées avec force minutie, les cadrages donnent du rythme à la narration et le travail sur la lumière est magnifique. J’ai aimé me retrouver comme une petite souris au coeur de cette famille qui s’aime si fort et qui garde toujours le sourire.

A déguster sans modération !

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Rosanui

« Rosanui vit sous les étoiles…
Quand le jour s’éteint et que tout s’apaise, alors son monde apparaît. »

Un couple sur un banc regarde le soleil se coucher dans la vallée, les ombres bleutées de la nuit commencent à envelopper le paysage. Au loin, les collines semblent dessiner la silhouette d’une jeune fille allongée, endormie.

L’obscurité a englouti le paysage mais les étoiles scintillent, le monde de la nuit s’éveille. La colline s’anime sous la forme d’une jeune fille qui se lève et part explorer la vie nocturne.

Allégorie de la nuit, Rosanui s’émerveille des beautés qu’elle croise : les lucioles qui palpitent, les yeux jaunes des animaux perçant au travers des feuillages, les chats errant sur les toits, les papillons virevoltant dans la lueur des lampadaires, les jeux d’ombres et de lumières de la lune complice ou des bougies d’enfants se racontant des histoires effrayantes dans le noir.

Le calme règne dans cette nature obscure, tout est affaire de contemplation, pour le narrateur comme pour le lecteur.

L’univers graphique de cet album est d’une grande beauté, les couleurs intenses de la nuit (bleu, noir, jaune) sont rendues avec une très grande qualité, ce qui fait de cet ouvrage un récit poétique plein de douceur. Une lecture plaisir pour un voyage jusqu’au bout de la nuit en belle compagnie.

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