Mariage pluvieux, mariage heureux ? Tiens, tiens, tiens… Et si l’Eurostar était bien un train d’union entre la France et la Grande-Bretagne ? What do you think, darling ?
Encore une fois, il est douloureux de sortir d’un livre de Clémentine Beauvais… 456… oui 456 ! Pas assez de pages, mon ami… Quand c’est bon, on ne compte pas ? I WANT MORE, MY LOVE !!! My Love, euh, enfin, c’est une expression, hein. N’allez pas voir ici une déclaration turgescente d’admiration maladroitement trempée dans un sirupeux élixir de flatterie à l’endroit de ladite autrice… Si ? Quite, anyway et toutes ces sortes de choses. J’AI AIMÉ, hypra total so moult !
Juillet 2018, il est temps de plonger en juillet 2017, car l’heure est grave, my dear (il va falloir t’habituer, lecteur-trice, car ça va tanguer entre les deux rives linguistiques pendant un bon bout de temps) : un an que le Royaume-Uni a voté en faveur du Brexit. To Brexit or not to Brexit ? That is the question… But what was the question, by the way ?
Brexit means Brexit, on te dit ! Bon, en clair, cette décision politique a un impact sur la société britannique, qui, en sortant du giron de l’Europe, obligera ses concitoyens à devoir obtenir un passeport européen pour voyager et/ou travailler. « Totale crotte de taureau ! » me diras-tu (ou presque), et bien c’est ce que pense la flegmatique mais néanmoins ambitieuse Justine Dodgson et ses britons amis, non encore trentenaires. Action ? Réaction ! Anyway again, THE solution germe dans son esprit malin : créer une start-up secrète, Brexit Romance, afin d’organiser des mariages blancs entre Français et Anglais. Mais attention, arranger ce genre d’alliances n’est pas sans souci, surtout quand cela frôle l’illégalité. Ahhh, les jeux de l’amour et du (presque) hasard, vaste sujet, n’est-ce pas Monsieur Marivaux !
‘Je crois que j’ai quelqu’un qui t’aille’, subjonctiva approximativement Justine, et elle mit un smiley qui clignait de l’oeil.
Mais voilà que sur le chemin de la réussite de ce génial business plan, Justine va croiser celui de la rêveuse Marguerite Fiorel, une jeune soprano colorature de 17 ans, qui se rend à Londres par l’Eurostar pour chanter – one night only ou pas hein 😉 – dans Les Noces de Figaro. Aux côtés de l’ingénue aux cordes vocales d’or, se trouve son cher professeur-protecteur, Pierre Kamenev, un concentré de causticité teinté d’un esprit de gauche insoumise anticapitaliste et de sourcils relevés avec talent : de toute beauté (Pierre, I Love You, hmm hmm je m’égare).
Le vouvoiement était son accessoire préféré. Il le brandissait au nez des gens comme on déploie brusquement un parapluie.
‘C’est chelou comme ton prof te vouvoie’, disaient les autres élèves de Dmitri-Hvorostovsky. ‘Ça fait genre t’es une vieille.’
Marguerite d’avait rien contre que ça fasse genre elle était une vieille.
Tout ceci augurerait d’un splendide contact explosif si ce n’était sans compter également sur l’intervention d’un flamboyant lord anglais plutôt énigmatique, Cosmo Carraway le bien nommé (et le bien né selon lui et sa famille aristocratiquement pas du tout de gauche insoumise, elle), bien décidé à mettre à (son) profit les talents de Justine, version Frosine 3.0.
Cosmo les attendait à la gare. Il portait un pantalon de velours cramoisi, droit comme un I sur ses jambes minces, qui menait d’un côté à une chemise d’un blanc étincelant et de l’autre à des mocassins en cuir.
Et c’est parti pour un roman endiablé, construit comme un scénario de comédie romantique-catastrophe un brin déjantée, entraînant dans sa folle course des personnages aussi dingues que séduisants, et forcément, on est irrémédiablement conquis (ouaip, j’suis pas trop neutre, sur le coup, mais j’assume). Un roman transversal empreint de théâtralité interrogeant la notion d’engagement amoureux, du féminisme vs féminité, de la réussite sociale à tout prix, soulevant le sujet des conditions précaires d’une société qui doute, du racisme épanoui et nauséabond qui se répand de manière glaciale. Des propos sérieux au cœur d’une comédie en 4 actes, ficelée avec intelligence, talent stylistique et perspicacité : une réussite, damned !
Non mais, c’est bien écrit ? Correct ! Tout ce qu’on aime chez Clémentine Beauvais : une intrigue bien construite, remplie de rebondissements et surtout développée par des personnages redoutablement bien dessinés et animés de dialogues punchlinés grave. Watt ze f… comment ça virevolte deeply ! (Watt, volt, humour, désolée). Ça tourbillonne de quiproquos absurdes, j’en ai craché des miettes de scones partout en explosant de rire à chaque page ou presque (j’exagère à peine, c’est pas mon genre, vrai, sérieux). Une écriture libre, vivante et qui ose. Une voix littéraire qui ouvre la voie à un style créatif, frais, jouissif, libérateur. (ouaip, ça m’plait, ça. Elle est forte la bougresse !)
‘Clair ou pas clair ?’ demanda Cannelle, attentive à son auditoire.
‘Clair’, assura Marguerite, pendant que Pierre Kamenev, grattant du regard le plafond du train comme un animal griffe le toit de sa cage, finissait la petite bouteille de Merlot.
La narration joue également la carte de la description judicieuse, afin de faire entrer le lecteur au plus près de l’action, au plus près du personnage, de ses gestes ou de ces émotions. C’est de la littérature, on te dit !
Kamenev replia son Humanité de la manière claquante et efficace qui distingue le lecteur de journal surentraîné de celui qui ne l’achète qu’une fois de temps en temps et tente gauchement, tel un moussaillon promu capitaine, de manœuvrer une énorme voile ployant dans la tempête.
On est projeté dans un univers très sensoriel, très visuel, proche de celui du cinéma ou de la BD, la musique des mots créent une réelle atmosphère, donnant toujours plus d’épaisseur aux personnages, pour plus d’intimité entre ces derniers et le lecteur.
‘Hrmph’, répondit Kamenev, qui serra la main offerte comme on dévisse un couvercle de confiture récalcitrant.
Non mais, c’est drôle ? Of course, indeed ! Hilarant, tu vois ? Désopilant, tu cernes ? British humour inside, tu palpes ? Et bien, là, plus plus plus. Un humour corrosif à multi-degrés, riche de références aux codes de communication de notre génération connectée – témoin de notre ridicule si peu latent – et qui se joue de la langue. Le ton est donné dès le début : l’écriture sera en franglais, c‘est-à-dire pigmentée d’idiomatiques expressions britanniques et françaises, littéralement retranscrites par les personnages eux-mêmes selon leur niveau de maitrise des deux langues respectives. Et ce tour de force est l’un des ressorts drolatiques de l’ouvrage : zygomatiques, be carefull moult, car vous allez morfler les p’tits gars, ça va être chaud pendant plusieurs heures, l’entrainement du GIGN, c’est de la gnognote à côté.
Petit détail qui m’a pluplu tout plein : les dialogues sont indiqués dans le texte par des « ‘ » et des « ‘ » et non des « – » (you know what I mean ? Bon, ok). Graphiquement et narrativement, c’est intéressant (au sens français du mot, hein).
Un livre qui secoue (le lecteur et les personnages) car au coeur d’une confusion de sentiments : les personnages sont en proie, au fil des pages et de leurs aventures et mésaventures, à des doutes, des interrogations sur leurs croyances intimes. J’ai particulièrement aimé les voir évoluer les uns au contact des autres, malgré eux parfois. Certaines carcasses pourraient bien se fissurer et découvrir une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît.
Son thé avait un goût de larmes.
Un cocktail efficace, une fois encore : une comédie romantico-politico-sociale façon vaudeville moderne, ou les répliques désopilantes fusent à chaque ligne. Pas un mot en trop, une justesse efficace qui rend les personnages attachants, tant pour leur intelligence que pour leur folie (et parfois les deux en même temps pour un même personnage, elle est douée, mode groupie toujours ON). Justine, Marguerite, Pierre, Cosmo, Matt, Niamh, Rachel, Katherine, Bertie, Pebbles t’attendent over the Channel…
Non mais, ça sort quand ? Outch, I’m afraid ! Bon, maintenant, le glas va sonner pour toi, internaute avide de frissons littéraires et gourmand d’humour loufoque, car le livre ne sort que le 22 août (POF ! Oui, je suis ignoble de te faire languir ainsi, mais c’est pour ton bien, tu verras).
Non mais, dis nous-en un peu plus !
‘Oh là là, je peux pas trop vous dire !’
‘Même pas un peu ?’ dit Marguerite
‘Zéro zéro virgule zéro. J’en ai déjà dit beaucoup trop.’
Voilou, mais en attendant, pour satisfaire ta faim (et je te comprends), cours de ce pas lire Les Petites Reines (pour comprendre la référence à la page 192 de Brexit romance) et Songe à la douceur, car Brexit romance, ça monte d’un cran, dear !
Et comme toujours, tu trouveras la playlist qui accompagne le roman, c’est ici.
Un très grand merci aux Editions Sarbacane pour cette délicieuse découverte, à Tibo Bérard pour son talent à dénicher et faire grandir ces autrices et ces auteurs qui nous font voyager, passionnément.
Autrice : Clémentine BEAUVAIS (son site est incontournable !)
Edition : Sarbacane – collection Exprim’ – 456 pages – 17 euros
Année : Août 2018
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De la même autrice :
– Songe à la douceur (2016 – Sarbacane)
– Va jouer avec le petit garçon (2016 – Sarbacane)
– Les Petites Reines (2015 – Sarbacane)
– Carambol’Ange (2015 – Sarbacane)
– Comme des images (2014 – Sarbacane)
– La pouilleuse (2012 – Sarbacane)
– La louve (album – 2014 – Alice Editions)
– Ameline, joueuse de flûte (album – 2018 – Alice Editions)
– Les royales baby-sitters (2015 – Hachette Jeunesse)
– Bibi Scott (2017 – Rageot)
– La plume de Marie (2011 – Talents Hauts)
– Les petites filles top-modèles (2010 – Talents Hauts)
2 commentaires
Ton billet est savoureux… et dire que je n’ai toujours pas lu Clémentine Beauvais…!!!
Merci. Je te souhaite de le déguster au plus vite.