Novak et Scarlett

Novak court. La nuit. À sa poursuite, le danger incarné par deux hommes. Panique. Seul aide, son brightphone tant convoité et Scarlett, son IA. Il ne veut pas déconnecter, il veut la sauver, mais le danger, c’est elle.

C’est demain, c’est aujourd’hui, c’est un présent. Récit de l’imaginaire ? Si peu… Si proche. Tous reliés à des écrans, tous augmentés et assistés par le virtuel, tous coupés de la réalité ? Tous au bord du gouffre.

Un texte comme un souffle court, pulsé comme un dernier battement de vie, dernier espoir avant le chaos.

Réminiscence immédiate du film HER et de la voix de Scarlett Johanson, forcément, les temps concordent.

Récit d’anticipation ? Chronique d’une mort annoncée du réel en proie au virtuel. Malaise. Sursaut éphémère de conscience. Replongée direct dans le pixel.

Sortir de l’écran et ouvrir les yeux. Réapprendre l’essentiel. Éloigner la fascination. Voir avec le coeur.

« Une vie passée à caresser une vitre. »

Et toi ?


Auteur : Alain DAMASIO
Edition : Rageot, 40 pages, 4,90 euros
ISBN : 9782700264340

Année : Première parution 2014, nouvelle parution Mars 2021.

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Outrageusement romantique

Nouvel opus dans la collection Court Toujours et toujours aussi réussi. Prêt à plonger ? On plante le décor : un adolescent traine ses 14 ans en vacances en bord de mer. Pour amplifier le spleen : la pluie, des parents et une petite sœur pénibles, « ma mère a la force de persuasion des marées. De l’érosion ». Et l’ennui, le sentiment de décalage, d’être hors de cette vie, l’introspection. « Cet été-là, le soleil semblait avoir disparu du monde. »
Quand soudain, le choc, la rencontre d’un regard, celui de l’énigmatique Louise, inoubliable, absolue. Tout est chamboulé. Romantique ? Oui, et alors ! En secret avec Louise, il apprend la guitare ; il rêve à cet amour naissant qui l’obsède.

Ensemble, ils se complètent, ils s’accordent si bien selon lui, même si les parents ne s’en rendent pas compte. Une attirance mystérieuse, troublante, entre rêve et réalité, entre fantasme et souvenir, entrainés l’un par l’autre par l’envoûtante Chaconne de Bach. Et puis un coup de tonnerre ! Palpitant !

Je suis fan du format « nouvelle » qui embarque dès les premières lignes et promet un rythme soutenu vers la résolution d’une tension souvent « dramatique » (au sens théâtral) en peu de pages. Exercice difficile mais remarquablement réalisé par Manu Causse portant la voix de cet adolescent frappé par un coup de foudre. Pas de prénom, cela pourrait être vous ou moi, un choix qui implique encore plus le/la lecteurice. Et quel titre ! Le ton un peu sarcastique de cet ado mal dans sa peau sonne juste et prend le cœur, puis la tension monte d’un cran. Comme un éblouissement, le texte prend un autre éclairage lorsqu’il est question de Louise, l’espoir est là, le désir s’éveille, la confession du trouble qui prend ce jeune garçon et le dépasse touche par sa sensibilité.

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Le trésor

Je suis fan de nouvelles, de courts textes vifs qui prennent par la main en quelques mots et qui offrent un voyage intense. C’est ce que j’aime dans cette précieuse collection Petite Poche. Un petit format pour une grande émotion, directe.

Une couverture dorée, un titre évocateur de mystère et l’assurance d’une plume habile pour être transporté, et hop ! Direction un monde un peu brut, entre les collines d’une décharge fantasmagorique, auprès d’un enfant un peu « perdu » livré à lui-même dans cette jungle moderne : Bo.

Il fait chaud, les mouettes piaillent, il faut survivre. Chercher l’objet inédit qui plaira au chef sous cette Grande Tente pour récolter de quoi se sustenter. Ce n’est pas simple, souvent des coups dans l’eau, des débris inutiles, des « salopris », qui ne rapportent rien. Trouver la perle rare, le trésor ultime qui fera briller les yeux du chef et réchauffer l’estomac, c’est la quête de tous. Et puis un jour, Bo découvre un drôle d’objet parmi les détritus, un tuyau gondolé qui fait « Tongonkongonk », un « trézor », c’est sûr… Il n’imagine pas à quel point. Je vous laisse le plaisir d’aller découvrir ce trésor et la douce âme de Bo.

Un magnifique texte, construit délicatement et à l’effet implacable. Une puissante stimulation de l’imaginaire ! On est pris par le charme fragile de ce Bo, de son univers, de sa langue particulière construite de mots sonores (« décentaine, feross, chemoi »). La tension jusqu’à la fin est habilement tendue. Les images se multiplient au fur et à mesure de la lecture et j’y étais dans cette décharge inquiétante, sous cette Grande Tente, dans cette grotte mystérieuse.

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J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle

Dès la 4e de couverture, le ton est donné. Il n’y a pas d’échappatoire et l’on reste sans voix devant le constat glacial d’Efi : elle a 14 ans et comprend en quelques pages que son destin n’est plus entre ses mains, sa famille a décidé de la marier.
 
“En rentrant du collège ce jour-là, assise sur la mobylette d’oncle Blabla, même si j’ai mal aux fesses et que le chemin n’en finit pas sous le soleil qui devant nous rougeoie, je suis convaincue que le monde m’appartient. J’ignore encore que je me trompe et que c’est moi qui, depuis ma naissance, lui appartiens.”
 
Au fil des pages, la désillusion s’empare d’Efi. Elle ne comprend pas : ses parents l’ont envoyé faire des études, pour avoir une autre vie. Mais au retour chez elle pour les vacances après 6 mois d’absence, tout bascule et ses rêves s’écroulent. Le poids de la tradition, la fin de l’innocence, ses rêves d’avenir s’effondrent. Après l’incompréhension et la sidération, la peur s’installe, puis la révolte monte. Trahie, par sa propre famille. Devenue une marchandise. C’est impossible, le goût de la liberté est plus fort, il faut réagir. Mais comment ? Le temps presse et l’étau se resserre sur ce qui lui restait d’espoir d’un éventuel retournement de situation.

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Sans armure

« Ta voix qui se tait, 
…c’est ma vie qui se défait. »

Un réplique hurlée qui cingle « Tu ne comprends rien ! », une porte qui claque, et les murs semblent s’écrouler autour de Yannick. Sidérée par la violence de la séparation brutale, elle ne comprend pas en effet.

Un amour brisé, le silence de Brune, insupportable.

Et le récit va emporter alors la lectrice/ le lecteur dans un tourbillon de souvenirs qui retracent la rencontre entre ces deux jeunes femmes, leurs enfances, leurs traumatismes, à travers la voix de Yannick qui continue de parler à Brune. Comme si ce dialogue intérieur était la seule possibilité de garder le lien, si vital. Un récit qui court comme la narratrice vers celle qu’elle aime, pour la retrouver coûte que coûte.

Tout part justement de la voix, de celle de Brune à la radio : un coup de foudre auditif pour Yannick qui tombe amoureuse de ce timbre qui la fait vibrer. Une voix qui fait du bien. « Et quand j’enlève mes écouteurs, j’arrache un peu de ta voix sur ma peau ».

La force de ce texte tient au rythme insufflé par la narratrice qui ne s’arrête jamais de parler à son amour parti. Des phrases courtes comme autant de pulsations. Un flux continu comme un massage cardiaque indispensable, pour le tenir encore en vie, ce fragile et pourtant si intense amour.

Mais il y a la détresse de Brune dans ce monde aux bruits et aux douleurs qui la déchire, elle,  l’hypersensible, l’émotive sans filtre, la différente comme elle se définit. Yannick la découvre derrière son masque. Ayant alors confié sa fragilité, Brune est sans armure. Mais toute la force d’amour et la douceur de Yannick ne suffisent pas. « J’ai tellement cru me mes bras seraient assez forts pour toi… »

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