L’été des Perséides

J’ai fini depuis quelques temps ce texte si particulier et les personnages me hantent encore.

Décidément, Séverine Vidal réussi à nous faire voyager quel que soit le format qu’elle choisi. Road-trip, confessions, souvenirs de famille, ode à l’enfance, introspection adolescente ou cri de liberté d’une vieillesse qui résiste, toutes ces voix portent en elles des parcours de vie qui interrogent l’intime et nous parlent au cœur.

Dès l’ouverture, les citations choisies m’ont donné envie de plonger : « J’ai vécu pour vous cette vie Et je vous aime à travers temps » Loïc Lantoine et ces mots d’Annie Ernaux confiant que « la distance qui sépare le passé du présent se mesure peut-être à la lumière répandue sur le sol entre les ombres ».

Car dans ce récit, il est question de temps justement, d’un temps qui courre face à un danger imminent, d’un temps qui file vers un orage qui gronde, d’un temps distendu, éclaté, qui relie des vies malgré elles, inexorablement.

C’est l’histoire de Jonas et d’Ana, deux êtres diablement attachants, lancés mystérieusement l’un vers l’autre, dans cet univers inquiétant des Everglades après une tempête magnétique hors du commun. Des phénomènes inexplicables se multiplient, les gens disparaissent étrangement, comme Evans, le collègue de Jonas. « Volatilisé ». Cela reste incompréhensible, si bien que cette tension, cette électricité ambiante nous plonge au fil des pages dans une atmosphère préoccupante. « Restez chez vous, ne sortez sous aucun prétexte ». Un vent de panique monte, la rumeur enfle, la ville semble gagnée par le chaos. Le rythme s’accélère, les dialogues trahissent le trouble général dans lequel sont projetés les personnages malgré eux. Une course contre le temps s’enclenche pour retrouver les disparus. Jonas part à la recherche d’Evans et Ana percute alors le chemin de Jonas. Tout les oppose, lui fils adoptif choyé, elle adolescente solitaire, deux abandonnés qui semblent pourtant bien se connaitre et se rejoignent dans une (en)quête qui les lie au-delà de ce qu’ils imaginent.

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Malgré tout

Deux amoureux marchant sur un pont, abrités par leurs parapluies, dans une bulle… L’histoire d’une rencontre, comme l’annonce la couverture. En y regardant de plus près, le décor est trouble, l’image est un reflet. Il faut retourner le livre pour distinguer la partie nette qui est reflétée. Est-ce le reflet d’une réalité ou celui d’un rêve inaccessible ? Tout le principe de la narration propose de répondre à cette question, en remontant l’histoire à l’envers, à rebours, depuis la fin…

L’album s’ouvre sur le chapitre 20, déconcertant et intrigant, d’une efficacité redoutable pour piquer la curiosité. Dès la première planche : c’est un coup de foudre. Ces regards intenses nous accrochent direct pour un voyage qui sera tumultueux, entre deux rives, deux destins que tout devaient rapprocher et pourtant…
Ana, une sexagénaire dynamique, ex-maire fraichement à la retraite après avoir servi corps et âme sa ville.
Zeno, un séduisant libraire-chercheur scientifique aux tempes argentées, voyageur libre et passionné par les étoiles.
Le compte à rebours est lancé au fil des chapitres pour comprendre l’origine de cet amour et les obstacles que ces deux âmes sœurs ont croisés sur leurs chemins entrecroisés.

L’intrigue est ciselée, les dialogues justes. Dès le début, les voix des deux personnages s’incarnent et l’on suit leur parcours comme dans un film.
Le trait est dynamique, la construction en 6 cases systématiques donne la cadence, les cadrages proposent des angles mettant toujours le lecteur au plus près de ces deux êtres inexorablement attirés l’un par l’autre malgré la distance, au cœur de leurs échanges et de leurs confidences intimes. Tout est choisi avec minutie, force détails, un travail sur les couleurs très réussi.
Distances, vies opposées, choix personnels, malgré tout, l’amour palpite. Une histoire d’attraction, une course l’un vers l’autre, où le temps s’étire mais ne se rattrape pas, quoique…

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