Elma, une vie d’ours (Tome 1 et 2)

(c) L. Mazé

Depuis la sortie de Nora, je suis une grande fan du travail fabuleux de la talentueuse Léa Mazé. Les Croques Tome 1 sorti l’année dernière promet une suite passionnante, mais aujourd’hui, à l’occasion de la récente sortie du Tome 2 du dyptique Elma, une vie d’ours, je vous parle enfin de mon coup de coeur pour cette petite Elma et son gros Papa Ours.

Dès la couverture du Tome 1, l’émotion vous saisit et vous êtes entièrement captivé par cet univers chromatique si particulier. Ce n’est pas une simple couverture, c’est un tableau, énigmatique, magnétique. La construction graphique de ces deux personnages blottis l’un contre l’autre vous impose le silence et l’admiration. Un clin d’oeil à Klimt ? Quant à la couverture du Tome 2, elle reproduit, comme en miroir, la masse des deux corps pour en faire une fenêtre ouverte, plaçant le lecteur plus en retrait, en voyeur tapi dans la forêt retenant sa respiration pour ne pas alerter les deux complices.

Tout au long des deux albums, le lecteur va être bercé par ces couleurs complémentaires, ce bleu turquoise quasi mystique et cet orangé si réconfortant. Une couleur froide et une couleur chaude, le parfait équilibre, cet équilibre fragile qui semble unir ces personnages terriblement attachants…

Il y a certes deux tomes, mais il s’agit d’une seule histoire, impossible de ne pas les enchainer donc. L’histoire s’ouvre sur une forêt lumineuse, on entend au loin un dialogue entre un enfant et un adulte, le premier veut grimper aux arbres, le second l’encourage tout en le mettant en garde : l’éducation bienveillante en somme. Et dès la 3e page, le ton est donné « que ferais-je, moi, sans toi ?  » Une histoire d’amour donc, entre un père et sa fille : Elma, joyeuse, un peu sauvage et plutôt insouciante, et un Papa Ours qui l’a recueilli et élevé comme son enfant.

Or, ce père affectueux et dévoué cache un lourd secret qu’il ne peut révéler encore. Mais l’heure tourne, 7 années se sont écoulées depuis la naissance de la petite et il est désormais temps d’entamer un long voyage pour rejoindre l’autre côté de la montage. Une menace semble sourdre au coeur de la forêt, non perceptible par la gamine espiègle sous haut protectorat ursin. L’enfant au caractère bien trempé s’interroge, se révolte de devoir avancer sans comprendre, teste l’autorité parentale, boude, ronchonne mais suit toujours ce père guidé par une urgence inquiétante. 

(c) LMazé

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Tout d’un coup, le danger est là, une vague malveillante tente d’emporter Elma dans les profondeurs. Elle échappe à la noyade de justesse, grâce au réflexe de ce Papa Ours prêt à se sacrifier pour qu’elle reste en vie (un clin d’oeil à Monsieur Madeleine et Cosette ?).

La tension monte d’un cran dans l’intrigue et le rythme des illustrations s’accélère. La tonalité des couleurs vire au gris, au sombre, l’environnement est envahi par cette pluie diluvienne menaçante qui semble annoncer « la fin du monde ». Justement, comment dire à cette enfant de près de 8 ans que le destin de tout un royaume est lié à son propre destin ? Comment un père aimant peut-il se résigner à quitter cette gamine espiègle qu’il considère comme sa fille ? Et pourtant c’est sa mission. La fin d’une innocence, un déchirement. 

Derrière la montagne se cache un village. Là-bas, tu sauras tout.
Tout quoi ?
Tout toi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Elma et son Papa Ours vont devoir faire face à un parcours semé d’embûches pour rejoindre l’autre côté de la montagne où la fillette devra affronter son passé. Alors que l’ours se retrouve diminué, gravement blessé après un éboulement de terrain, Elma devra se confronter à la vérité sur ses origines et seul l’amour qu’elle porte à son « papa » pourra la sauver d’un funeste destin… Je ne vous en dis pas plus, à vous de courir dévorer ces deux bijoux plein de tendresse !

Encore une fois, le travail de Léa Mazé sur la lumière est magistral. Le rythme cadencé, les cadrages inventifs, les jeux de contrastes entre clair et obscur, ombre et soleil, participent à créer une émotion forte à la lecture des deux ouvrages, illustrant alternativement tristesse et joie, danger et réconfort. Les couleurs traduisent les émotions des personnages, dans les bleus quand la situation est grave et inquiétante, dans les orangés quand le calme et la sérénité reviennent. La grande force de Léa Mazé tient à son souci du détail délicat, à son trait fin et énergique, à son travail sur la place du « blanc », celle qu’elle lui accorde pour donner toujours plus de relief et de force aux situations. Oui, je suis fan !

Côté texte : humour et complicité dans les dialogues d’Ingrid Chabbert, qui traduisent avec beaucoup de pudeur la relation d’amour entre ce père et sa fille, leurs moments de doutes, de conflits et de retrouvailles fusionnelles. Chaque péripétie est ainsi l’occasion de prouver leur attachement l’un à l’autre et de renforcer leur lien. Une touche de poésie accompagne le récit page après page, teintant de magie cet univers imaginaire qui n’est pas si loin du nôtre. 

Un message touchant sur cet amour familial plus fort que tout, au-delà du sang. Parce que c’était lui, parce que c’était elle… Une belle et vibrante histoire de famille illustrant ces liens qui nous unissent et qui tissent au jour le jour cette force qui nous anime, ensemble. Coup de coeur inévitable ! Vivement les prochaines oeuvres de Léa Mazé !

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Envie de feuilleter le Tome 1 : 

Envie de feuilleter le Tome 2 : 


 

Scénariste : Ingrid CHABBERT
Dessinatrice : Léa MAZÉ
Edition : Dargaud – Tome 1 & 2 – 40 pages – 10,95 euros
Année : Septembre 2018 et Avril 2019

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De la même illustratrice : 
– Les Croques T. 1 – Editions de la gouttière (très grand coup de coeur !!)
– Nora (chroniqué ici)
– La porte des pluie avec Jérémy Semet, Editions La Marmite à mots 

De la même autrice aux éditions Steinkis :
– Ecumes (roman graphique) avec Carole MAUREL (chroniqué ici)
– En attendant Bojangles (roman graphique) avec Carole MAUREL 

Autres éditeurs : 
– Ce géant mon ami avec Lili la Baleine – Maison Eliza (chroniqué ici)
– Moi Albert détestateur de livres avec Raul GURIDI – Frimousse (chroniqué ici)
– 5 mouches et une trompette avec Raul GURIDI- Frimousse (chroniqué ici)
– Kadogo (album) – Des Ronds dans l’O (chroniqué ici)
– Fais passer ! (album) avec Maureen POIGNONEC  – Frimousse (chroniqué ici)
– Un mère à Brooklyn (roman) (chroniqué ici)
– Tine et Junior (BD) avec Brice FOLLET
– Si tu ne ranges pas ta chambre avec Severine DUCHÊNE 
– Si tu ne manges pas ta soupe avec Severine DUCHÊNE
– Si tu ne vas pas te coucher avec Severine DUCHÊNE
– La revanche des chaussettes qui puent
– Tout le monde sait faire du vélo
– L’imagier des saisons
– Les jumelles
– Artus et Lubin
– Y a un monstre à côté
– La tisseuse de nuages
– La Série des Dinos avec Anne Loyer
– Le dernier arbre avec Raul GURIDI
– The day I became a bird avec Raul GURIDI
– Le loup c’est moi avec Raul GURIDI
– Le grand méchant GRAOU avec Raul GURIDI
– Edmond avec Raul GURIDI
– Le bateau de Malo, illustré par Fabiana Attanasio – Des ronds dans l’O
– La mémoire aux oiseaux, illustré par Soufie – Des ronds dans l’O
– La tisseuse de nuages, illustré par Virginie Rapiat – Des ronds dans l’O
– Le petit gilet beige, illustré par Marie Lafrance – Des ronds dans l’O
– Le livre de maman, illustré par Cécile Bondon – Des ronds dans l’O
– Mon pépé, illustré par Annette Boisnard – Des ronds dans l’O 
– L’étrange boutique de Miss Potimary avec Severine LEFEBVRE (Jungle Jeunesse)
– Poils aux pattes
– Le parfum des feuilles de thé avec Célia Chauffrey (La Martinière Jeunesse)
– Titoc avec Marjorie Béal (Balivernes)

 

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