En fuite

Toujours séduite par l’émotion de l’aquarelle et la finesse du trait qui l’accompagne. Forcément, cette couverture, véritable peinture, attire l’œil de celui qui veut voyager au travers des pages.

Cet album se présente comme une fantastique course-poursuite dans une ville d’aquarelle, justement. Lelis, cet auteur illustrateur brésilien nous embarque dans un récit rocambolesque qui rend hommage aux grands textes de la littérature.

Deux fonctionnaires municipaux d’une petite ville sillonnent les rues pour attraper des chiens errants. De page en page, ils vont être confrontés à une succession d’événements provoqués à la fois par cette folle poursuite après un chien et la déambulation d’un vieux monsieur, avant de trouver refuge dans une librairie.

Toutes les routes mènent à une librairie, n’est ce pas ? 😉

On y voit un clin d’oeil à Chaplin mais également un hommage aux classiques de la littérature comme Pinocchio, La Métamorphose, Don Quichotte et de la bande dessinée.

Un beau voyage dans ces grands textes et récits dessinés qui nous replonge aussi entre les pages des livres de notre enfance.

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Le malotru

« Au bout d’une longue rue, en haut d’un gigantesque tas de détritus, vivait un malotru. Un grossier personnage, barbu et bourru, qui habitait une maison biscornue. »

Êtes-vous prêt à faire sa connaissance ? Gare à vos fesses ! Car depuis tout petit déjà, le malotru était un malappris, un gamin malpoli qui n’en faisait qu’à sa tête pour plus grand désespoir de ses parents. De la politesse, de la délicatesse, du savoir-vivre ? Que nenni, du bruit, des saletés, de la méchanceté !

Malotru, malappris, galopin ! Des mots fleuris peu souvent employés mais qui évoquent tout un univers haut en couleur. C’est le cas dans cette histoire où le personnage principal, ce grand géant bougon égoïste et peu respectueux des autres comme de l’environnement, est craint des habitants du village. Si craint, qu’il est isolé en haut sur sa colline emplie de détritus de toutes sortes.

Ce qu’il aime le plus ? Manger immensément en déversant alentours ses déchets, polluant ainsi la vie des autres habitants.

Ce qu’il déteste le plus ? Les enfants, les « mioches » comme il les appelle à qui il promet une paire de taloches.  

Un mauvais exemple pour la Jeunesse ? Sans doute, ce à quoi il répond « Parle à mes fesses ! »

Mais un jour, le vent propulse ce terrifiant sans-gêne dans son tas d’immondices dans lequel il se trouve englué. Catastrophe ? Mais qui voudrait aider cet indélicat grognon qui ne sait même pas dire s’il-te-plait ?

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Rosanui

« Rosanui vit sous les étoiles…
Quand le jour s’éteint et que tout s’apaise, alors son monde apparaît. »

Un couple sur un banc regarde le soleil se coucher dans la vallée, les ombres bleutées de la nuit commencent à envelopper le paysage. Au loin, les collines semblent dessiner la silhouette d’une jeune fille allongée, endormie.

L’obscurité a englouti le paysage mais les étoiles scintillent, le monde de la nuit s’éveille. La colline s’anime sous la forme d’une jeune fille qui se lève et part explorer la vie nocturne.

Allégorie de la nuit, Rosanui s’émerveille des beautés qu’elle croise : les lucioles qui palpitent, les yeux jaunes des animaux perçant au travers des feuillages, les chats errant sur les toits, les papillons virevoltant dans la lueur des lampadaires, les jeux d’ombres et de lumières de la lune complice ou des bougies d’enfants se racontant des histoires effrayantes dans le noir.

Le calme règne dans cette nature obscure, tout est affaire de contemplation, pour le narrateur comme pour le lecteur.

L’univers graphique de cet album est d’une grande beauté, les couleurs intenses de la nuit (bleu, noir, jaune) sont rendues avec une très grande qualité, ce qui fait de cet ouvrage un récit poétique plein de douceur. Une lecture plaisir pour un voyage jusqu’au bout de la nuit en belle compagnie.

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L’enfant, la taupe, le renard et le cheval

Charlie Mackesy est peintre, sculpteur et illustrateur, et c’est ce trait à l’encre de chine, cette esquisse, ce mouvement, cet élan de vie qui saisi dès la couverture et qui donne envie de rencontrer cette petite troupe.

D’un premier dessin posté sur Instagram va naitre la rencontre, le cheminement et le dialogue entre ces quatre personnages liés par une amitié en construction. Dessin après dessin, l’engouement est réel et l’idée d’un ouvrage voit le jour. La raison de ce succès : le style épuré de l’illustration au trait noir et aux touches d’aquarelle mais surtout les phrases courtes qui accompagnent l’image et qui distillent bienveillance, réconfort et douceur. Ces petits mots s’apparentent souvent à des devises qui se définissent selon la petite taupe comme « une phrase qui peut nous aider ».

Comme le rappelle l’auteur dans son introduction, il ne s’agit pas d’une histoire mais d’une série de saynètes où les personnages parcourent le monde, s’interrogent, se répondent et apprennent à s’aimer malgré leurs différences. Le lecteur, qu’il ait 8 ou 88 ans, est invité à lire le recueil comme il le souhaite, du début à la fin ou bien en picorant une page après l’autre au hasard.

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Les larmes de l’assassin

La rencontre avec cet ouvrage tient à l’intervention de Anne-Laure Bondoux lors de la soirée virtuelle de lancement du guide En quête d’un grand peut-être de Tom et Nathan Lévêque.
Tous les formats qui peuvent donner aux plus jeunes l’envie d’entrer en lecture sont les bienvenus. Et la BD ou le roman graphique en font partie.

Thierry Murat repart du texte pour y apporter son ressenti, sa lumière. Sans rien connaître de l’histoire de Paolo et d’Angel, je me suis laissée porter par l’univers graphique de cette contrée aride, presque hostile, au sud extrême du Chili.

Entre ombre et éblouissement, le décor planté par Thierry Murat saisi dès les premières planches. On suit la route de ce petit Paolo arraché à l’enfance par la brutalité d’un homme énigmatique, qui n’a pas d’autre choix que de survivre à ses côtés. Les jours ocre et terre de sienne chassent les nuits bleu ardoise.

Et toujours cette voix, ce narrateur intérieur qui revient sur cette relation étrange en train de se tisser entre les deux personnages. Deux solitudes qui s’accrochent l’une à l’autre, malgré la peur et le danger, malgré la noirceur du coeur de l’un et les rêves de liberté de l’autre. Deux vies que tout devrait opposer, liées pourtant comme les deux bouts d’une même histoire, la fin de l’un, le début de l’autre.

Un roman graphique qui touche au coeur, interroge, secoue et laisse l’impression d’avoir fait un bout de chemin auprès des personnages, bercé par les souvenirs de cet enfant déraciné.

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