Je suis leur silence

J’avais été séduite par la série « Les Beaux Etés » et conquise par « Malgré Tout », alors c’est avec impatience que j’ai suivi les étapes jusqu’à la sortie du nouvel album de Jordi Lafebre.

Ce que j’aime ? Hmmm, tout, je pense. Son talent pour détailler les expressions des personnages, les montrant au quotidien dans toute leur humanité, brossant leurs petits défauts comme leurs atours. Les cadrages, les jeux de lumière, les petits détails plein de tendresse, les pleine pages comme les constructions de cases ciselées. Et surtout un scénario très bien ficelé qui embarque le lecteur / la lectrice dans un voyage intense aux côtés des protagonistes.

Et ici, avec « Je suis leur silence » (quel titre !), c’est tout d’abord un coup de cœur pour l’héroïne principale : Eva Rojas, une psychanalyste qui se retrouve au milieu d’un imbroglio familial au coeur du Domaine viticole Monturos. Comme le dit le sous-titre, il s’agit d’un polar à Barcelone. Le ton est donné.

On marche alors aux côtés de la craquante Eva qui, obligée de suivre une analyse avec le Dr Llull (personnage éminemment important), dresse jour après jour, quasiment heure par heure l’incroyable la semaine qu’elle vient de vivre. Cet homme est chargé d’évaluer sa santé mentale, du fait de son comportement jugé « excentrique » ces derniers temps. Sur le mode d’une enquête policière, Eva explique comment elle a découvert un cadavre au sein de ce domaine viticole célèbre et trouvé l’assassin. Elle est très douée pour résoudre des énigmes, et a priori des crimes. Petit bémol, elle entend des voix, mais qui sont-elles ?

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Le vilain petit machin

J’avais adoré « Le Grand Grrrrr », pour le ton humoristique et poétique et pour cet univers graphique en mode crayons de couleurs hyper expressif.

Alors joie de retrouver le trait de Marjolaine Leray pour une réécriture savoureuse du célèbre conte d’Andersen (mais si vous l’avez deviné, une histoire de canard… Voilà !).

Au fil des pages, on suivre cet petit œuf qui, après avoir éclos et donc disposé de pattes et d’un bec, se retrouve grandir dans une famille de canards qui ne parait pas lui ressembler.

« Notre regard s’arrête aux surfaces des choses,
Et il en faut bien peu pour les teinter de rose,
Ou de noir, ou de vert,
Ou de gris, ou de bleu.
Foin d’énumération longuette,
Je ne vais pas ici décliner la palette !
Bref.
Se fier aux regard des autres peut nous rendre très malheureux. »

Le texte sous la forme de vers enchâssés, librement et ponctué d’humour, est habillé par les illustrations souvent pleine page, aux teintes noires et blanches, teintés de touches de jaune et rouge vifs, renforçant le contraste entre notre petit héro et les autres.

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Pallas T.2 – Sur les flancs de l’Ida

« La guerre. J’ai beau tenter de penser à autre chose, elle occupe mon esprit.
Troie
Troie est au centre d’une guerre qui nous dépasse, une guerre dont le Palladion est l’enjeu. (…)
Un jeu où les mortels seront les seuls à payer le prix du sang. »

Si les premières pages nous placent 20 ans avant la chute de Troie, c’est une perspective, car c’est bien plus loin en arrière que commence et se déroule ce 2e tome.

Rappelez-vous… Athéna a échoué. Sa tentative pour récupérer le Palladion et retrouver enfin Pallas s’est terminée dans un bain de sang. Troie, quant à elle, a été saccagée par Héraclès et son armée. Mais la déesse, loin d’être découragée, a tiré de précieuses leçons de cet échec.

Athéna place ses pièces patiemment, sur un échiquier qu’elle est seule à connaître. Aidé par le Titan Prométhée, elle conçoit un nouveau plan. Un plan d’une envergure glaçante qui entrera à jamais dans l’histoire des hommes et des Dieux.

Au fil des chapitres, on retrouve les voix de ces femmes, déesses ou mortelles, avançant progressivement année après année, inexorablement, vers une tension implacable : le sort de Troie.

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Nous traverserons des orages

« Est-ce que le monde serait moins violent si les hommes pleuraient plus souvent ? »

C’est le constat que je fais depuis tant d’année, comme beaucoup, et qui, face à cette violence perpétuelle, alimente une colère intérieure que j’ai de plus en plus de mal à contenir. Mais la colère n’est pas constructive si elle n’est pas force de propositions, source de solutions et d’actions. La littérature est une source.

Et comme dirait le narrateur de cette fresque historique et familiale qui m’a tant émue : « Ecrire est une façon de reprendre un peu le dessus sur l’absurde violence du monde, tu ne penses pas ? »

Car encore une fois, Anne-Laure Bondoux nous offre un récit d’une grande intensité, ciselé avec justesse et qui touche au plus profond du cœur.

Après « L’aube sera grandiose » (cours lire ce texte incroyable stp si tu ne l’as pas déjà fait) où nous suivions essentiellement des parcours de femmes, l’autrice nous emmène ici au travers des époques suivre le destin des hommes d’une famille, la famille Balaguère, la bien nommée.

« C’est l’histoire d’une famille, d’une maison et d’un pays. Elle commence à la veille d’une guerre planétaire, dans une ferme de hameau qu’on appelle les Chaumes. Elle s’achèvera un siècle plus tard, au même endroit, à l’heure où une autre guerre menace de s’étendre.(…) » Entre ces deux époques, on verra vivre ici « quatre générations d’une famille tourmentée par des secrets et hantée par des morts sans sépulture. » Et « entre ces deux époques, nous traverserons des orages. »

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La fin de Velvet

« Au milieu de la nuit, à l’heure où les monstres se réveillent, Lima ouvre grand les yeux. Sa grande sœur Velvet est ici, dans leur chambre. Elle se tient courbée et muette. Elle regarde Lima avec les yeux de tous leurs instants sauvages passés ensemble. Ses yeux disent beaucoup et longtemps.  Qu’est-ce que tu fais ici ? s’étonne Lima. Hier après-midi, Velvet dormait encore à l’hôpital.»

Il a suffi de ces quelques lignes, simples et pourtant chargées d’une affection inestimable entre ces deux sœurs, pour faire trébucher mon cœur et déclencher une chamade alarmante. Dans ces quelques lignes, le danger et l’urgence sont déjà là, tapis dans l’ombre. Velvet demande à sa petite sœur encore plissée de sommeil de la suivre dehors dans la nuit, c’est important, il ne faut pas être en retard. Lima est un peu perdue mais « elle accompagnerait sa grande sœur jusqu’au bout du danger. C’est la force de leur amour. »

Vous l’aurez compris, cette relation sororale unique est un lien puissant qui tient Lima debout cette nuit-là. Ce n’est pas une nuit comme les autres, c’est l’histoire d’une fin qui arrive inexorablement et qu’on ne peut éviter. Même tout l’amour de Lima et les souvenirs les plus heureux ne peuvent retenir très longtemps Velvet de sa destination.

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