Traverser les montagnes, et venir naître ici

La sortie d’un livre de Marie Pavlenko est toujours synonyme d’une rencontre mémorable, la création de souvenirs forts au creux des pages en suivant les parcours de personnages confrontés à des ruptures de vie intenses. Des lectures qui marquent, et laissent des traces, longtemps. C’est en tous cas ainsi que je le ressens et que j’attends chaque nouvelle rencontre avec impatience.

Même après plusieurs jours, j’ai encore l’impression d’entendre Astrid et Soraya, les deux protagonistes de ce « roman » bouleversant, discuter entre elles dans cette langue anglaise commune par la force des choses. J’ai encore l’impression d’entendre au loin les gazouillis de cet enfant, trait d’union imprévu entre ces deux femmes blessées dans leur coeur et dans leur chair. J’ai encore l’impression d’entendre les pas dans la neige de celles qui s’épuisent pour atteindre ce pays-refuge qu’est la France, après avoir traversé tant de pays, de misère et de désespoir.

Deux femmes, deux trajectoires qui se percutent par hasard et qui nous retournent le coeur par ce lien, instinct de survie, qui les étonne elles-mêmes.

Astrid a tout perdu, mari et enfants. La minute brutale où tout bascule et où on se retrouve sidérée, abasourdie par la violence du choc et noyée sous la souffrance. Elle part se réfugier loin de la ville, seule, dans un hameau au coeur des montagnes. Faire le vide, ne plus parler, ne plus convoquer les souvenirs, arrêter le temps.

Soraya a quasiment tout perdu aussi. À presque 17 ans, elle a traversé de nombreux pays avec sa tante pour échapper à la mort en Syrie. Sur la route depuis des mois, elle n’a aucune nouvelles de sa famille et de ses amis et survit comme elle peut, après avoir subi l’ignominie des passeurs et la violence des hommes.

Comme le dit l’autrice : « Deux âmes blessées qui nouent un lien étrange, un lien par-delà la langue et la culture, une histoire de sororité, d’humanité, qui transcende les frontières. »

Je n’en dis pas plus et je vous invite à aller faire la connaissance de ces deux femmes incroyables qui m’ont profondément touché. Une histoire poignante qui dit fort l’urgence de notre monde à aspirer à plus de paix et de bienveillance, plus d’amour et d’ouverture aux autres face à l’horreur de la guerre qui déchirent les peuples.

On y croise des personnages pas si « secondaires » que cela, véritables bouées de secours aidant à la reconstruction de soi. Des êtres engagés qui tendent la main et se démènent pour plus de solidarité, redonnant espoir dans le genre humain.

Un récit qui parle également de la nature, la force des éléments indomptables qui peut être létale mais également de ce refuge qu’il est vital de préserver.

Un texte qui porte la voix de ces deux femmes, chapitre après chapitre, chacune selon son point de vue et son vécu face à cette rencontre intense qui les secoue, nous ouvrant leurs réflexions intimes avec beaucoup de pudeur. Touchée en plein coeur !


Autrice : Marie PAVLENKO
Edition : Les escales – roman – 352 pages – 21 euros
ISBN : 9782365698078
Année : Août 2024

De la même autrice en Jeunesse :

  • Rita
  • Un été avec Albert
  • Et le désert disparaitra
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En littérature générale

  • Bientôt minuit
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En Poésie

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