Marie-Verte

Marie-Verte est née avec la peau verte. Qu’importe pour ses parents et ses nombreux frères & sœurs « blonds comme des biscuits », ils l’aiment, bien évidement. À l’école, ce fut un peu plus difficile, sa différence étonnait mais sa gentillesse lui permit de s’entourer de copains, son talent pour les déguisements de Carnaval étant également un grand atout. Mais quand Sidonie essaye de lui ressembler en se peinturlurant de vert, Marie-Verte est perturbée. Finalement sa différence la questionne profondément et elle se sent bien seule. Y a-t-il quelqu’un quelque part qui lui ressemble pour de vrai ? N’a-t-elle pas un autre destin ? Après quelques recherches, elle décide de partir en quête… en quête d’elle-même. Un voyage initiatique qui la fera grandir.

Dans cet album où les mots se répondent comme une comptine, Emilie Chazerand aborde un thème majeur et que nous vivons tous à un moment de notre existence, quelles que soient nos différences ou nos ressemblances : l’acceptation de soi et la recherche de notre place dans ce monde. Au-delà de la différence de peau, il s’agit avant tout de parler de respect et d’acceptation des différences d’une manière plus générale. Vaste questionnement philosophique évoqué ici avec pudeur et tendresse, et bien sûr toujours avec un soupçon d’humour 😉

Savoir apprivoiser les autres c’est une chose mais savoir s’apprivoiser soi-même, se connaître et s’aimer, c’est tout une quête, un chemin parfois sinueux et rempli d’embûches. Mais finalement, c’est ce que nous faisons tous intérieurement, ce cheminement vers la connaissance de nous-même et d’autrui, c’est ce qui fait de cette vie de rencontres une source renouvelée de complémentarités, une vraie richesse humaine.

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Tortue-Express

Point ne sert de courir, il faut partir à point ! Tortue-Express le sait bien. Elle guette l’heure et à 4h moins le quart, c’est le départ. « Pas plus tôt, pas plus tard ». Foulard noué sur son cou ridé, elle est prête, c’est parti pour la tournée ! Première étape : récupérer James à la crèche. Une fois le bambin sur les épaules, on prend le temps de regarder autour de soi sur le chemin : un oiseau curieux, une fontaine joyeuse, une fresque sur un mur.

Tic-Tac, il est temps de récupérer Juno à la maternelle. Il ne faut pas être en retard pour Majé. Le garçon est contrarié, car c’est toujours lui le dernier. Allez demain, on inversera l’ordre. Le sourire revient vite, surtout grâce à la perspective d’un goûter dans le jardin. Mais point de précipitation, il faut rester vigilant, la ville est en effervescence. Prudence à l’abord du passage piéton. Ouf, tout ce petit monde est arrivé à bon port et peut déguster les petites douceurs sous les arbres. Encore une fois, Tortue-Express a rempli sa mission !

Après Taxi-Baleine, on relonge dans l’univers tendre ce duo d’autrice-illustratrice pour évoquer ces moments précieux partagés entre enfants et grands-parents. Des instants privilégiés qui nous manquent aujourd’hui.

Avec douceur et bienveillance, le récit teinté de rimes comme un comptine aborde les relations intergénérationnelles, ce temps suspendu où l’on profite d’être ensemble, de flâner, de découvrir les petits bonheurs du quotidien comme le chant d’un oiseau ou les jeux de lumières dans les arbres. Sans doute des secrets sont échangés lors de ces promenades ou ces goûters gourmands, c’est le temps des confidences, des câlins au creux du cou, des lectures partagées. Un espace réservé loin des parents où le goût des tartines à la confiture ne sera jamais le même ailleurs.

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L’âge du fond des verres

L’âge, c’est important ? Oui, enfin surtout à la cantine, où, quand on le cherche au fond des verres, on est fier du 33 et on tait le 5. C’est exactement ce que pensait Guilène avant d’entrer en 6e et de se rendre compte que ses parents étaient… vieux, mais vraiment vieux selon elle. La 6e : une étape décisive, le début de l’adolescence et des codes qui vont avec.

Pour Guilène dont les parents ont l’âge d’être ses grands-parents, cela ne posait aucun souci jusqu’au jour où elle se rend compte du décalage avec le mode de vie des parents de ses amis.

Un fossé s’ouvre, plongeant Guilène dans une grande perplexité et un sentiment de honte dur à assumer. Car elle est heureuse avec eux, la vie est chouette même si ça manque de modernité. À sa grande surprise, ils acceptent de recevoir la classe entière pour un dîner de fête, un événement marquant qui va avoir des conséquences dans la perception des élèves de la classe de Guilène. Les moqueries vont bon train et son amitié naissante avec Cléa est mise à mal. Pour aggraver la situation, Mme Ivano, la prof de maths, s’acharne contre elle et Aron, le délégué idéal, la trouble. C’est la panique. Guilène est déchirée entre son amour pour ses parents et sa colère contre les rageux. Tout bouillonne en elle.

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Ne m’oublie pas

En exergue, une citation du roman Les Années d’Annie Ernaux. Récit d’époques qui s’enchaînent, de morceaux de vie, de traces qu’on ne veut pas oublier et pourtant « s’annuleront subitement les milliers de mots qui ont servi à nommer les choses, les visages des gens, les actes et les sentiments ». Il est question de mémoire, de celle qui nous échappera.

Dès la couverture, l’émotion saisit. Des teintes de nostalgie et de douceur, et un titre tragique qui résonne, comme un appel au secours, comme une ultime requête.

Marie-Louise, la grand-mère de Clémence atteinte d’Alzheimer, vient de faire à nouveau une fugue depuis la maison de retraite où elle est prise en charge. Une de trop pour le centre qui annonce à Clémence et sa mère qu’un traitement chimique va lui être administré pour éviter qu’elle cherche à s’échapper afin de retrouver sa maison d’enfance en bord de mer. Insupportable décision pour Clémence qui entretient une relation très proche avec sa Mamycha. Une fois revenue au centre, Clémence constate que sa grand-mère est abrutie par les médicaments. Un véritable électrochoc qui la pousse, par désespoir, à l’embarquer dans une escapade en voiture loin de cet enfer. Changement de tonalité : un interrogatoire dans un commissariat, Clémence est accusée d’avoir enlevé sa grand-mère. Et les flash-back de ce road-trip imprévu se déroulent sous nos yeux page après page, dans un enchainement de situations plus émouvantes les unes que les autres.

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Outrageusement romantique

Nouvel opus dans la collection Court Toujours et toujours aussi réussi. Prêt à plonger ? On plante le décor : un adolescent traine ses 14 ans en vacances en bord de mer. Pour amplifier le spleen : la pluie, des parents et une petite sœur pénibles, « ma mère a la force de persuasion des marées. De l’érosion ». Et l’ennui, le sentiment de décalage, d’être hors de cette vie, l’introspection. « Cet été-là, le soleil semblait avoir disparu du monde. »
Quand soudain, le choc, la rencontre d’un regard, celui de l’énigmatique Louise, inoubliable, absolue. Tout est chamboulé. Romantique ? Oui, et alors ! En secret avec Louise, il apprend la guitare ; il rêve à cet amour naissant qui l’obsède.

Ensemble, ils se complètent, ils s’accordent si bien selon lui, même si les parents ne s’en rendent pas compte. Une attirance mystérieuse, troublante, entre rêve et réalité, entre fantasme et souvenir, entrainés l’un par l’autre par l’envoûtante Chaconne de Bach. Et puis un coup de tonnerre ! Palpitant !

Je suis fan du format « nouvelle » qui embarque dès les premières lignes et promet un rythme soutenu vers la résolution d’une tension souvent « dramatique » (au sens théâtral) en peu de pages. Exercice difficile mais remarquablement réalisé par Manu Causse portant la voix de cet adolescent frappé par un coup de foudre. Pas de prénom, cela pourrait être vous ou moi, un choix qui implique encore plus le/la lecteurice. Et quel titre ! Le ton un peu sarcastique de cet ado mal dans sa peau sonne juste et prend le cœur, puis la tension monte d’un cran. Comme un éblouissement, le texte prend un autre éclairage lorsqu’il est question de Louise, l’espoir est là, le désir s’éveille, la confession du trouble qui prend ce jeune garçon et le dépasse touche par sa sensibilité.

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