De délicieux enfants

Forcément, quand un nouveau texte de Flore Vesco parait, la lectrice groupie que je suis est dans tous ses états. Et quand il s’agit de revisiter un nouveau conte, alors la curiosité est à son comble. Dès le prologue, le ton est donné « une histoire d’ogre et de caillasse… la bonne blague ! » (…) « Dans ma chanson, il y aura des larmes, de la bile, des méchancetés et des enfants crus ». Les ingrédients pour bien trouiller. On en a l’eau à la bouche et les poils qui se hérissent, car on voit surgir l’ombre originelle du Petit Poucet et de l’Ogre, ainsi que son cortège de souvenirs d’enfance effrayants liées aux illustrations de Gustave Doré.

« Cela fait des jours que les écuelles sont vides, tout comme les estomacs. Dans leur maison au fond des bois, le père et la mère désespèrent de nourrir leur chère progéniture. Sept bouches voraces. Sept enfants espiègles qui ont déjà bien grandi. Sauf Tipou. Difficile de trouver sa place, quand on en prend si peu… Du haut de ses treize ans, Tipou rêve d’aventure. Cela tombe bien : la forêt noire et profonde cache d’inquiétants mystères. Qui sème ces feuilles et baies sanglantes ? Pour le découvrir il vous suffit, à vos risques et périls, de suivre les traces… »

Or, ce n’est pas juste un détournement que nous propose Flore Vesco, ce n’est pas une cabriole cabotine d’adaptation du conte, c’est un récit vibrant, actuel et viscéralement engagé, écrit dans un style d’une très grande force, sans artifice, où l’humour grinçant titille la noirceur du genre humain. Comme elle l’explique, le conte, cette culture partagée, est une matière malléable qui en passant au roman ouvre la voie à l’interprétation, au symbolique.

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La cabane

Un lycéen assis sur son lit. Dans sa chambre. Sa « cabane ». Rien de plus banal, en soi. Et pourtant.
Un lycéen. Dans sa chambre. À l’intérieur. Depuis 187 jours. On se questionne. Lui aussi.
Un rendez-vous. Aujourd’hui. Le 14 mai. Un jour exceptionnel, pour lui, noté d’une croix rouge sur un calendrier.
Un rendez-vous avec l’extérieur. La première sortie depuis 6 mois. Forcément intrigant.

Depuis 6 mois, cet adolescent est incapable de franchir le seuil de la porte, ni même de tourner la poignée. Un diagnostic est posé : le syndrome de la cabane. Un repli sur soi, une phobie sociale, une anxiété si forte qu’elle paralyse au point de suffoquer à l’approche de la porte. Ce que certains d’entre nous ont ressenti après le confinement et qui a un nom en japonais, Hikikomori. « Préférer la sécurité intérieure à l’exposition au monde extérieur. »

Et pourtant, dans 2 heures, il doit surmonter la panique qui le bloque chez lui et traverser le jardin, se retrouver dans la rue, atteindre la boulangerie et rentrer. Ce n’est pas un jeu, c’est une épreuve, et le souffle lui manque, un poids lourd sur la poitrine.

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Tous nos rêves ordinaires

Je comprends que ce roman se retrouve dans la belle sélection du Prix Vendredi…

J’avais beaucoup aimé « Et dans nos cœur un incendie » pour les voix percutantes des personnages à fleur de peau.

Ici, c’est Romane, Chris, Chloé, Lola, Gabriel, des adolescents écorchés vifs pris dans la chaleur d’un été dans une banlieue pavillonnaire.

Ce qui percute ici justement, ce n’est pas tant les protagonistes que le ton, le style du récit, comme une respiration, parfois lente et profonde, parfois chaotique frisant l’apnée.

Un texte qui palpite au rythme des chemins empruntés par ces ados en quête d’émotions vraies.

Au cœur d’une jeunesse ordinaire qui brûle de désir et de liberté, d’horizons nouveaux et de sensations fortes. Un texte en vers libres ciselé comme un long poème résolument moderne.

Une syntaxe créative qui pulse de sensualité, au plus près de leurs émois et de leurs angoisses, plongeant les lecteurices dans les abîmes de leur identité écartelée entre rêves-espoirs et réalité-crépi.

Étonnant. 

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Calamity Jane T1 et T2

Qui n’a jamais entendu parler de la légendaire Calamity Jane ? Personnage historique du Far West qui reste comme une figure mythique du féminisme avant l’heure, une femme libre dans un monde brutal dominé par des lois patriarcales. Elle a inspiré beaucoup de récits à travers le temps et reste toujours d’une brûlante actualité.

J’avoue que le titre m’a donné envie mais c’est surtout la bouille renfrognée de cette gamine qui ne s’en laisse pas compter qui m’a séduite. Une couverture toute simple, sur fond blanc, mais un regard intense qui en dit long sur sa détermination. Martha Jane Canary, connue sous le nom de Calamity Jane, n’aime pas qu’on lui dicte ce qu’elle a à faire, elle fait ce qu’elle veut quand elle le veut, ce qui lui cause souvent des ennuis.

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Je suis sa fille

Sur les (toujours) judicieux conseils de lecture de Marine Carteron, j’ai découvert que j’avais manqué un roman capital (à mon sens) dans l’œuvre de Benoit Minville. Manque comblé depuis.

J’avais vraiment eu un coup de cœur pour Les Belles Vie et forcément j’avais eu envie de retrouver Vasco et Djib dans Mauvaises Graines, mais quelle surprise de plonger dans ce premier roman et de les retrouver à nouveau. Mais autrement. En périphérie d’une histoire trépidante et touchante, celle de Joanny, Joan pour les plus intimes, et de Hugo, un pote à la vie à la mort.

Cette histoire est d’une histoire d’amour.

Entre une fille et son père, qui l’a élevé sur fond de hard rock et de westerns et qui se retrouve fracassé par le Grand Capital.

Entre deux ados que l’amitié lie profondément, prêts à traverser la France pour régler son compte aux responsables de cette crise qui bousille les gens, un peu plus chaque jour.

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