Le théorème du kiwi

Dès l’épigraphe foutraque signé Victor Hugo, j’ai dit Banco ! Accroche-toi à tes zygomatiques, ça va secouer !

Allez hop, présentation. Ernest, jeune ado de 14 ans, plutôt fâché avec Thalès (ce type qui mesure des pyramides, mais pourquoi ?) a un rêve : devenir humoriste en standup. Suivre la voie médicale de sa famille, très peu pour lui. Mais son père n’est pas de cet avis et l’oblige à faire son stage d’observation dans le service psy pour adolescents d’un de ses amis. Perspective grave relou.

Alors qu’il attend sagement à l’arrière de la voiture de son père qui l’a accompagné, un petit grain de sable va faire dérailler le train-train de son apparente tranquillité : deux filles échappées du pavillon psy déboulent, prennent place dans le véhicule et démarrent en trombe. En 2 secondes, Ernest se retrouve embarqué dans une folle équipée en compagnie de Lili, bipolaire habillée en loutre, et d’Élodie, atteinte d’un autisme sévère qui « cherche chaise désespérément ».

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Plan de vol

Ayant dévoré « Le Théorème du Kiwi » qui va sortir la semaine prochaine (et donc je vous parlerai bien évidement) – le ton, le rythme, les dialogues bourrés d’humour, les situations rocambolesques – j’étais curieuse de savoir ce qu’il avait écrit d’autres en jeunesse, vu que je ne le connaissais que via la BD.

Complètement par hasard en flânant chez mes libraires habituelles, je suis tombée sur ce titre dans cette collection très originale, Faction. La 4e de couverture m’a embarquée tout de suite, si vite que j’ai omis la condition du jeune protagoniste de l’histoire, Tim : un pigeon. Mais dès les premières lignes, la Pigeonité s’est rappelé à moi avec force désopilance.

On pitche un coup : Tim est un ado comme les autres, il aime traîner en ville avec son pote Ernest (clin d’œil de ce prénom dans le prochain roman à paraître, héhé), aller au parc, voir grapiller des miettes de KFC. Tranquillou bilou. Jusqu’au soir où son daron lui annonce qu’il n’y a plus de place au nid car sa mère couve un nouvel œuf. Brutal. Obligation de voler de ses propres ailes. Mais le gars a de la ressource, ou surtout de la suite dans les idées, un malin le Tim, surtout depuis qu’il a croisé la route de Tristan, un type grave cool genre jardinier-botaniste qui aime cultiver sous lampes chauffantes. Une rencontre qui va changer la vie de Tim de manière inattendue et totalement jubilatoire.

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L’été de la reine bleue

La France, dans un futur proche. Les grandes villes et leurs périphéries sont devenues irrespirables. Le centre de Paris a été mis sous cloche, une « bulle » avec de l’air artificiel, et seule une élite peut y vivre.

Le récit épistolaire d’une adolescente qui, souffrant de plus en plus de difficultés respiratoires, est envoyée par sa mère dans un Institut à la campagne, non loin de l’océan. Un déchirement pour celle qui aime tant la ville, son agitation, son énergie, son « centre », bien que toxique.

Pour supporter cet exil forcé mais nécessaire à sa survie, elle écrit à son amie Chloé. Dès qu’elle le peut, elle lui envoie le récit de sa journée dans cet endroit si éloigné mais où le bleu du ciel parait être bien réel, où on peut distinguer des étoiles, où on peut à nouveau respirer.

Elle n’est pas seule dans ce centre même si elle se sent isolée. Les contacts n’ont pas l’air si évidents. C’est là qu’elle va faire la rencontre de Jill, une fille mystérieuse et étrangement magnétique aux cheveux bleus et qui semble cacher un secret.

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Ton absence

« On s’en fiche. Dans la quiétude de l’instant, tout fait plus fort que vrai. Et c’est ce qui compte. »

Et quand on aime ?

Lors d’un stage BAFA, Léopold retrouve la bande de potes, la Côterie comme ils disent. 17 ans et la fougue en étendard. Une chance d’être ensemble pour ce stage dans le Cantal, même si la consigne est de se mélanger.

Mais tout commence par une image, captée par Léopold, narrateur troublé. La première image incrustée dans sa mémoire de celui qui a rejoint le groupe au départ du bus : Matthieu. Un visage estompé par les reflets du pare-brise, un vieux t-shirt rose élimé, des Converse bleu clair. Un souvenir douceur, le premier, celui d’un départ pour Léopold, là où tout démarre. Matthieu, son « kilomètre zéro ». Une allure féline, un « imperceptible décalé » dans la silhouette.

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Madou en 5 actes

« J’en ferais pas de tes études de merde, t’es content ! »

Encore un excellent livre recommandé par Marine Carteron. Mais quel kif ! Quel style ! Quel rythme ! Quelle énergie ! Quelle justesse !

Comment grandir, comment se projeter dans sa vie d’adulte quand on se sent incomplet ? Tant de questions qui assaillent la jeune Madou en pleine année du Bac alors qu’il faut impérativement finaliser ses choix d’orientation pour Parcoursup ! Mais elle ne veut pas de ce cadre-là ! Elle a d’autres rêves, sûrement bien plus grands et intenses que la norme dans laquelle il faudrait soi-disant se couler. Mais elle se sait pas vraiment ce qu’elle veut, sauf qu’elle n’en peut plus !

Décider tout de suite ? Jamais ! Alors Madou claque la porte de chez ses parents à Cherbourg dans le Cotentin (qui sombre sous la neige au passage) pour le lieu qui la fait vibrer : le théâtre.

Et de rencontres inattendues entre Cherbourg, Paris et Avignon, Madou part à la recherche d’elle-même en se frottant aux lumière de la scène et au crépis de la vie réelle.

Car Madou est perdue même si elle ne le montre pas, elle se cherche, elle titille la résistance de ses amis à distance, elle découvre le pouvoir grisant de l’écriture qui prend vie, elle taquine les sentiments auxquels elle est confrontée, entre passion dévorante et honte illégitime.

Plongée dans l’univers de la création théâtrale avec l’aide d’un scénariste aussi génial qu’imprévisible, Madou sent qu’elle a des choses à exprimer, cette fameuse Théorie des chiffres impairs, où comment trouver sa part manquante quand on ne sait pas ce qui nous manque. Mais pas que.

La vie d’adulte dans laquelle elle est projetée est trépidante et lui fait vite tourner la tête. Surtout quand elle a le visage de Baptiste. Un avenir est-il possible dans l’écriture théâtrale ? L’intime peut-il être source d’inspiration au risque de s’y brûler le coeur ? En cinq actes endiablés dans une langue d’une virevoltante modernité, Guillaume Nail nous offre un spectacle vivant façon montagnes russes. C’est juste, désopilant, émouvant et rocambolesque. Au texte de l’auteur se mêle l’écriture lyrique de Madou et ses échanges de sms avec ses amis, ce qui donne à la forme du récit encore plus de dynamisme.

Gabor, Koffi, Raf, Babette, Kohsoom, la brochette de personnages secondaires est absolument délicieuse, les répliques comme des punchlines fusent en permanence. On voyage avec Madou et cette troupe tout au long des 5 actes entre faux-semblants de la comédie et tragique réalité qui se rappelle cruellement à vous très rapidement. Entre les espoirs décalés de ses parents et ses fantasmes d’une vie rêvée aux contours indéfinis, Madou s’égare pour mieux se retrouver. En tous cas, c’est ce qu’on lui souhaite !

Un grand coup de cœur.

(et joli clin d’oeil du tic de langage « Comment ça ? » issu du roman « Ton absence ».)


Auteur : Guillaume NAIL
Edition : Milan – roman – 312 pages – 17,90 euros
EAN : 9782408038250
Année : Janvier 2024

Du même auteur :
– Ton absence – Rouergue Jeunesse (chroniqué ici)

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