Silencieuse

Alice a 11 ans et deux grands frères. Un soir de janvier, sa mère leur apprend qu’ils vont déménager. Les garçons protestent mais Alice ne dit rien.

C’est ainsi, depuis 5 ans, Alice est Silencieuse. Littéralement. Elle ne parle plus ou plutôt elle a arrêté de parler, depuis un bouleversement douloureux dans sa vie familiale. Et ce surnom est resté.

Quand Paul lui demande ce qu’elle pense du déménagement, Alice écrit sur un papier « rien ». Et pourtant, cette maison est pleine de souvenirs, des bons et des mauvais comme le dit Alice avec ses mots, à elle et en elle. Quitter cette maison, celle des moments avec son père qui ne s’occupe plus d’eux depuis le divorce, c’est compliqué.

Exprimer ce qu’on ressent, mettre des mots sur les maux, c’est également très compliqué.

Mois après mois égrainés selon les chapitres, un changement va s’opérer, lentement, jusqu’au déménagement. Enfermée dans son silence, Alice nous raconte ce qu’elle ressent intérieurement étape après étape.

 
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Décomposée

Piquée au vif
par l’arrivée de Clémentine Beauvais dans la collection L’iconopop,
ma curiosité fût plus que récompensée.

Harponnée par l’idée que la célèbre « Charogne »
décrite par Baudelaire dans ce poème fondateur puisse prendre la parole,
j’ai été envoûtée par cette voix profonde si incarnée.

Au détour de ce sentier, Charles et sa muse Jeanne croisent une carcasse en décomposition. Mais ce sont les mots de cette être pourrissant, dont les bêtes grignotent les miettes et que la nature avale inexorablement qui nous arrivent. Cette voix qui « dit » Grâce. Littéralement. La voix de cette femme déterminée, Grâce, qui, du fond du peu de chair qui lui reste, confie sa vie à cette âme sœur inespérée, Jeanne.

Jeanne écoute la voix de Grâce, dévouée à la cause des femmes, qu’elle a l’impression de comprendre, étape de vie après étape de vie. Depuis la brutalité de l’enfance où elle est un rempart pour ses petites sœurs, l’arrivée en ville dans une maison close où « ces amies sont comme des sœurs », ses talents pour manier l’aiguille en tant que couturière de tissus le jour et réparatrice de chairs la nuit, ou encore bouleversante faiseuse d’anges et grande griffue vengeresse des oubliées. Une vie de sacrifice. Une voix criante de liberté.

Il n’y a pas de plus intense voyage que celui que permet le pouvoir de l’imaginaire dans l’écriture. Quel point de vue brillant, quelle virtuosité dans l’enchâssement des récits : confidence personnelle, souvenirs, dialogues entre les personnages, mêlant roman, polar et théâtre. Le tout cadencé par le rythme des vers libres, dont les sonorités entrent subtilement en résonnance et dont la musicalité est renforcée par les jeux graphiques de la mise en mots. Jubilatoire ! Un texte habillement ciselé qui se lit, s’écoute et s‘admire comme une œuvre multisensorielle.

 
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Marie-Verte

Marie-Verte est née avec la peau verte. Qu’importe pour ses parents et ses nombreux frères & sœurs « blonds comme des biscuits », ils l’aiment, bien évidement. À l’école, ce fut un peu plus difficile, sa différence étonnait mais sa gentillesse lui permit de s’entourer de copains, son talent pour les déguisements de Carnaval étant également un grand atout. Mais quand Sidonie essaye de lui ressembler en se peinturlurant de vert, Marie-Verte est perturbée. Finalement sa différence la questionne profondément et elle se sent bien seule. Y a-t-il quelqu’un quelque part qui lui ressemble pour de vrai ? N’a-t-elle pas un autre destin ? Après quelques recherches, elle décide de partir en quête… en quête d’elle-même. Un voyage initiatique qui la fera grandir.

Dans cet album où les mots se répondent comme une comptine, Emilie Chazerand aborde un thème majeur et que nous vivons tous à un moment de notre existence, quelles que soient nos différences ou nos ressemblances : l’acceptation de soi et la recherche de notre place dans ce monde. Au-delà de la différence de peau, il s’agit avant tout de parler de respect et d’acceptation des différences d’une manière plus générale. Vaste questionnement philosophique évoqué ici avec pudeur et tendresse, et bien sûr toujours avec un soupçon d’humour 😉

Savoir apprivoiser les autres c’est une chose mais savoir s’apprivoiser soi-même, se connaître et s’aimer, c’est tout une quête, un chemin parfois sinueux et rempli d’embûches. Mais finalement, c’est ce que nous faisons tous intérieurement, ce cheminement vers la connaissance de nous-même et d’autrui, c’est ce qui fait de cette vie de rencontres une source renouvelée de complémentarités, une vraie richesse humaine.

 
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Le chapeau charmant

Avez-vous pris le temps d’observer les nuages récemment, en marchant le nez en l’air ou allongé dans l’herbe ? Un plaisir d’enfance facilement ré-appropriable si vous vous laissez le temps de ce voyage imaginaire. C’est ce que fait cette petite fille pour chasser l’ennui, en cette fin d’été dans ce parc où la chaleur est assommante.

Quand soudain, zouim, elle glisse sur un chapeau. Etrange ce chapeau abandonné. Qui l’a oublié ? S’ouvre alors pour elle le champs des possibles pour cet objet anodin. Elle lui invente plusieurs vies : un grand-père l’aurait perdu pendant sa sieste ? Un gondolier de Venise en voyage à Paris l’aurait égaré en traversant le parc ? Une musicienne qui s’en servait pour récolter quelques sous l’aurait oublié pour rejoindre un admirateur ?


Le lendemain, le chapeau mystérieux est toujours à sa place, l’occasion pour elle de s’imaginer danseuse de claquette ou funambule le chapeau à la main. Elle le respire, et là par magie lui reviennent les mots de son oncle poète. Mais l’orage gronde bientôt. Que va devenir le chapeau sous la pluie ? Pour le savoir, il faudra lire ce roman court si touchant, qui dit combien notre part d’imaginaire fait notre richesse intérieure et que les surprises peuvent surgir au détour d’une branche de prunus.

 
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Tortue-Express

Point ne sert de courir, il faut partir à point ! Tortue-Express le sait bien. Elle guette l’heure et à 4h moins le quart, c’est le départ. « Pas plus tôt, pas plus tard ». Foulard noué sur son cou ridé, elle est prête, c’est parti pour la tournée ! Première étape : récupérer James à la crèche. Une fois le bambin sur les épaules, on prend le temps de regarder autour de soi sur le chemin : un oiseau curieux, une fontaine joyeuse, une fresque sur un mur.

Tic-Tac, il est temps de récupérer Juno à la maternelle. Il ne faut pas être en retard pour Majé. Le garçon est contrarié, car c’est toujours lui le dernier. Allez demain, on inversera l’ordre. Le sourire revient vite, surtout grâce à la perspective d’un goûter dans le jardin. Mais point de précipitation, il faut rester vigilant, la ville est en effervescence. Prudence à l’abord du passage piéton. Ouf, tout ce petit monde est arrivé à bon port et peut déguster les petites douceurs sous les arbres. Encore une fois, Tortue-Express a rempli sa mission !

Après Taxi-Baleine, on relonge dans l’univers tendre ce duo d’autrice-illustratrice pour évoquer ces moments précieux partagés entre enfants et grands-parents. Des instants privilégiés qui nous manquent aujourd’hui.

Avec douceur et bienveillance, le récit teinté de rimes comme un comptine aborde les relations intergénérationnelles, ce temps suspendu où l’on profite d’être ensemble, de flâner, de découvrir les petits bonheurs du quotidien comme le chant d’un oiseau ou les jeux de lumières dans les arbres. Sans doute des secrets sont échangés lors de ces promenades ou ces goûters gourmands, c’est le temps des confidences, des câlins au creux du cou, des lectures partagées. Un espace réservé loin des parents où le goût des tartines à la confiture ne sera jamais le même ailleurs.

 
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