Alma

Tome 1 – Le vent se lève

« Elle comprend que ses souvenirs étaient à l’échelle de sa taille d’enfant. Le monde qu’elle découvre n’a pas de fin et l’horizon recule à chaque fois quelle avance. »
 
À chaque roman, album, nouvelle ou conte, la musique des mots de Timothée de Fombelle vous happe et vous transporte vers un voyage dans l’imaginaire, toujours aussi intense. Il est pourtant question ici de réalité, sombre, où la fiction percute l’Histoire.
Le récit part des pensées d’Alma, une jeune fille en Afrique, projetée, malgré elle, dans un périple tragique, mêlant son passé, son présent et son avenir.

Encore une fois, l’alchimie des mots de Timothée opère. Dès l’annonce de cette trilogie, le cœur des lecteurs a battu un peu plus fort, répercutant comme un écho collectif l’appel d’une aventure hors normes qui les attendait, entre les lignes, aux côtés de deux héros au destin mêlé. Mais au sujet lourd et source de débats.

1786. Le vent se lève sur l’avenir d’Alma, le jour où son petit frère Lam disparaît. Quittant immédiatement sa famille et sa vallée d’Afrique qui la protégeait du reste du monde, celle dont le nom signifie Liberté se lance sur ses traces. Elle doit le retrouver, un grand danger le menace, elle le sent. Sa force la guide, bien que tout ce qu’elle va traverser soit entièrement nouveau pour elle : le danger, la violence, l’injustice. Mais ce n’est pas la peur des chasseurs d’hommes qui l’arrête, ni les intempéries d’un océan effrayant, ni les cris des captifs qui résistent. Ses yeux noirs brillent toujours intensément, comme le témoin d’une force intérieure qui la tient debout, coûte que coûte.

Au même moment, un jeune homme déterminé embarque sur un navire de traite en Europe avec une quête mystérieuse. Joseph et sa malice, ses tactiques pour conserver la confiance du terrible capitaine de La Douce Amélie, sa volonté au péril de sa vie vers cette « terre » promise, secrètement enfouie, en lui, dans son histoire. Houleuse traversée au cœur de ce commerce triangulaire dont l’histoire glaçante parait peinte sans filtre.

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Le barrage

J’ai eu envie de tourner les pages de cet album dont la couverture intriguait : attirante par ce traitement presque photographique et le travail sur la lumière, mais également inquiétante avec ces deux silhouettes et ce titre froid.

Les albums de Shaun Tan me sont revenus, pour leur univers étrange et déstabilisant mais également pour la force du style illustratif entre la photo, la gravure et la peinture, quelque chose de vibrant.

« Une fois le barrage achevé, les terres seront inondées. Mais avant qu’elles disparaissent à jamais, Kathryn et son père retournent à la vallée endormie maintenant silencieuse, et glissent dans chacune des maisons une dernière mélodie. Si l’on tend l’oreille, on peut l’entendre, cette mélodie pour tout ce qui fut et ne sera jamais plus.« 

Les grandes illustrations imposent une lecture silencieuse, intérieure, les quelques mots posés semblent chuchotés par le père et sa fille. Le ton semble grave, ils sont témoins d’un temps qui ne sera plus bientôt.

Il est question du passé, de la perte mais également d’un certain espoir, grâce au pouvoir de la musique, véritable souffle de vie pour raviver les souvenirs.

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Cheval Océan

Quel coup à l’estomac…

Je cherche encore mon souffle en refermant la dernière page de cette nouvelle qui me vrille le cœur. En quelques pages, la voix d’Angela m’a emportée avec elle sur cette plage, face à cet océan tumultueux, fougueux témoin du basculement de sa vie.

Un silence qui hurle à faire saigner, un cri étouffé qui résonne encore, une douleur sourde qui enferme les mots alors qu’il faudrait rugir pour que cela n’arrive plus. Dans quel monde vivons nous pour que l’enfance et son insouciance soir fauchées en quelques minutes par les plus abjectes. 

D’une seule voix, Stéphane Servant nous livre la confession de cette jeune fille entre deux mondes, celui de ses rêves d’enfance  et celui des cauchemars de sa réalité. Entre deux rives, elle dérive. La fureur de l’océan, le lieu du rendez vous qu’elle s’était donné de rejoindre en mémoire de sa grand- mère, lui ouvre ses bras, tragiquement. L’espoir d’un nouvel envol…

Un récit d’une féroce envie de vivre malgré tout. 

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Elma, une vie d’ours (Tome 1 et 2)

(c) L. Mazé

Depuis la sortie de Nora, je suis une grande fan du travail fabuleux de la talentueuse Léa Mazé. Les Croques Tome 1 sorti l’année dernière promet une suite passionnante, mais aujourd’hui, à l’occasion de la récente sortie du Tome 2 du dyptique Elma, une vie d’ours, je vous parle enfin de mon coup de coeur pour cette petite Elma et son gros Papa Ours.

Dès la couverture du Tome 1, l’émotion vous saisit et vous êtes entièrement captivé par cet univers chromatique si particulier. Ce n’est pas une simple couverture, c’est un tableau, énigmatique, magnétique. La construction graphique de ces deux personnages blottis l’un contre l’autre vous impose le silence et l’admiration. Un clin d’oeil à Klimt ? Quant à la couverture du Tome 2, elle reproduit, comme en miroir, la masse des deux corps pour en faire une fenêtre ouverte, plaçant le lecteur plus en retrait, en voyeur tapi dans la forêt retenant sa respiration pour ne pas alerter les deux complices.

Tout au long des deux albums, le lecteur va être bercé par ces couleurs complémentaires, ce bleu turquoise quasi mystique et cet orangé si réconfortant. Une couleur froide et une couleur chaude, le parfait équilibre, cet équilibre fragile qui semble unir ces personnages terriblement attachants…

Il y a certes deux tomes, mais il s’agit d’une seule histoire, impossible de ne pas les enchainer donc. L’histoire s’ouvre sur une forêt lumineuse, on entend au loin un dialogue entre un enfant et un adulte, le premier veut grimper aux arbres, le second l’encourage tout en le mettant en garde : l’éducation bienveillante en somme. Et dès la 3e page, le ton est donné « que ferais-je, moi, sans toi ?  » Une histoire d’amour donc, entre un père et sa fille : Elma, joyeuse, un peu sauvage et plutôt insouciante, et un Papa Ours qui l’a recueilli et élevé comme son enfant.

Or, ce père affectueux et dévoué cache un lourd secret qu’il ne peut révéler encore. Mais l’heure tourne, 7 années se sont écoulées depuis la naissance de la petite et il est désormais temps d’entamer un long voyage pour rejoindre l’autre côté de la montage. Une menace semble sourdre au coeur de la forêt, non perceptible par la gamine espiègle sous haut protectorat ursin. L’enfant au caractère bien trempé s’interroge, se révolte de devoir avancer sans comprendre, teste l’autorité parentale, boude, ronchonne mais suit toujours ce père guidé par une urgence inquiétante. 

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Sirius

(c) Rouergue

Depuis longtemps, il me faisait de l’oeil… Chaudement recommandé par de fins lecteurs/chroniqueurs, j’ai plongé ! Et quelle plongée ! Une immersion totale, lente et profonde dans ce road-trip post-apocalyptique aussi fascinant que destabilisant. Un conte moderne où la survie nécessite de braver tous les dangers, de gravir les montagnes les plus inaccessibles, de lutter contre soi-même et au-delà de ses limites.

Une écriture fluide, enveloppante, qui m’a propulsé en quelques lignes dans une monde hostile entre Avril et Kid, un univers à la Miyazaki étrangement… aqueux, trouble, fantasmagorique et méditatif… Un grand moment de littérature dont il faut prendre un certain temps pour ressortir dans le monde réél. Très grand coup de coeur !

« Alors que le monde se meurt, Avril, une jeune fille, tente tant bien que mal d’élever Kid. Entre leurs expéditions pour trouver de la nourriture et les leçons données au petit garçon, le temps s’écoule doucement… jusqu’au jour où le mystérieux passé d’Avril les jette brutalement sur la route. Il leur faut maintenant survivre sur une terre stérile pleine de dangers. »

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