De délicieux enfants

Forcément, quand un nouveau texte de Flore Vesco parait, la lectrice groupie que je suis est dans tous ses états. Et quand il s’agit de revisiter un nouveau conte, alors la curiosité est à son comble. Dès le prologue, le ton est donné « une histoire d’ogre et de caillasse… la bonne blague ! » (…) « Dans ma chanson, il y aura des larmes, de la bile, des méchancetés et des enfants crus ». Les ingrédients pour bien trouiller. On en a l’eau à la bouche et les poils qui se hérissent, car on voit surgir l’ombre originelle du Petit Poucet et de l’Ogre, ainsi que son cortège de souvenirs d’enfance effrayants liées aux illustrations de Gustave Doré.

« Cela fait des jours que les écuelles sont vides, tout comme les estomacs. Dans leur maison au fond des bois, le père et la mère désespèrent de nourrir leur chère progéniture. Sept bouches voraces. Sept enfants espiègles qui ont déjà bien grandi. Sauf Tipou. Difficile de trouver sa place, quand on en prend si peu… Du haut de ses treize ans, Tipou rêve d’aventure. Cela tombe bien : la forêt noire et profonde cache d’inquiétants mystères. Qui sème ces feuilles et baies sanglantes ? Pour le découvrir il vous suffit, à vos risques et périls, de suivre les traces… »

Or, ce n’est pas juste un détournement que nous propose Flore Vesco, ce n’est pas une cabriole cabotine d’adaptation du conte, c’est un récit vibrant, actuel et viscéralement engagé, écrit dans un style d’une très grande force, sans artifice, où l’humour grinçant titille la noirceur du genre humain. Comme elle l’explique, le conte, cette culture partagée, est une matière malléable qui en passant au roman ouvre la voie à l’interprétation, au symbolique.

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On lit trop dans ce pays

Un titre pareil, ça hameçonne, non ? Mais où est ce paradis ? 
Dans le pays de Rose-Bibly, on y lit beaucoup et surtout de tout : « des avalanches de livres, des cyclones, des tornades (…) avec un cerisier au milieu et une jolie ombre bleue pour s’y allonger. Dans ce pays, on lisait comme on cueille des cerises. Juste en tendant la main. » Quel programme !

Au fil des pages, au son d’une ritournelle, on découvre l’ampleur du champs des possibles. « Des histoires avec des moulins à vent, des baleines blanches, des Zazie et des Prince-petit, qui vous font les rêves et les matins en grand. » Hmm ça me dit quelque chose 😉

L’imaginaire de Pef nous entraîne alors au cœur de références bien connues de la littérature, et qui, si elles seront une découverte pour les plus jeunes, feront tilter la mémoire des plus grands, leur rappelant ces lectures d’enfance qui nous construisent. « Trop de livres qui riment », « trop d’images qui bullent en bandes organisées », « trop de livres à penser »… La plume de Daniel Picouly joue avec les sonorités, parsemant le récit de nombreux clins d’œil au patrimoine littéraire.

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Le Grand Méchant Chelou

Toujours un grand plaisir de découvrir un conte détourné ! Et c’est vraiment très réussi !

Encore une fois la couverture m’a alpaguée et le titre m’a tiré un sourire curieux (si si on peut avoir de la curiosité dans une risette d’abord).

Notre Grand Méchant Chelou (j’en ricane encore) est affamé, il a grave la dalle oui ! « Quand est-ce qu’on mange ???? » hurle-t-il. Tiens, tiens, ça ne vous rappelle pas des mini humains rôdant près de la cuisine dès 19h ???

S’il semble croire que son physique ingrat et carnassier le rend redoutable, ça ne suffit pas à remplir sa panse. Idée lumineuse : plonger dans un recueil de contes pour s’y nourrir, comme ses glorieux ancêtres. Mais il a peut être un peu tardé ce pataud poilu en vieux pull mou bleu.

Cet album écrit en vers pas piqués d’eux-mêmes (attention blague) est désopilant tant pour le texte bourré d’humour que pour les illustrations complètement loufoques. Le petit chaperon rouge façon mémé déjantée malmène notre Chelou durant tout le chemin vers mère-grand, c’est farfelu et absolument bidonnant ! Un vrai coup de cœur ! La mise en situation des personnages cherche toujours à provoquer le sourire ou le rire : jubilatoire !

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Rat et les animaux moches

Alors là, c’est un grand coup de coeur et c’est surtout sur les conseils de l’éminente Lucie Kosmala que je me suis plongée dans ce gros ouvrage BD ALBUM TEXTE ILLUSTRÉ (je ne sais pas trop comment le définir finalement). 

Car comme ça, euh comment dire, je n’étais pas trop attirée par l’univers de la couverture : sombre, intrigant, typo un peu repoussante… Ben forcément, pour parler d’animaux moches, c’est plutôt bien vu.

Et alors là, dès la première page, la magie du conte opère, car c’est exactement cela : un conte un peu fantastique avec des tous les ressorts du conte classique, dans un univers noir et blanc où le jeu sur les ombres et lumière est poussé au paroxysme. Et carrément bien ! 

Au final, une étonnante rencontre entre Rat – chassé de chez les humains – et ces autres rejetés, ces animaux qui font un petit peu peur et qui ne sont pas dans les canons de beauté classiques.

Tendresse et humour pour ces relations d’amitié et de solidarité qui se tissent entre les uns et les autres. Car Rat s’est donné une mission : leur retrouver chacun une maison où ils seront heureux.

Les illustrations épurées à l’encre de chine sont d’une force incroyable. C’est tout bonnement génial et très original !

Et en plus tu en as pour ton argent, ami lecteur, amie lectrice, une histoire de plus de 200 pages qui se lit comme une BD avec toute la magie et la tendresse d’un beau conte (moderne) en format grand album. Oui un objet hors du commun, tout à fait ! Et pour notre plus grand bonheur !

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Le prince Sauvage et la renarde

Ah mais quel sale gamin, ce prince ! Pourquoi est-il aussi méchant ? « PARCE QUE ! » pourrait-il tout simplement répondre. Violence gratuite, torture, carnage, tout pour lui n’est que jeu et recherche d’adrénaline, pour son unique et bon plaisir. Egoïste et insatiable, le Prince ne semble avoir aucune limite.

Prénommé Sauvage par le roi et la reine, ses parents, il porte bien son nom et sème la terreur autour de lui. Si bien que, ce prince à l’état brut, aveuglé et enfermé dans sa barbarie, est repoussé par les hommes et le femmes qui l’entourent, ne voyant en lui qu’un monstre, un animal...

Alors qu’il pourchassait un cerf dans la forêt enneigée, il fût désarçonné par son cheval mort de fatigue : sa jambe se prit dans un piège qu’il avait lui-même posé à l’automne. Coincé entre les mâchoires de fer, sa rage redoubla avec la douleur. Pris à son propre piège, allait-il mourir seul comme une bête ?

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