Le trésor

Je suis fan de nouvelles, de courts textes vifs qui prennent par la main en quelques mots et qui offrent un voyage intense. C’est ce que j’aime dans cette précieuse collection Petite Poche. Un petit format pour une grande émotion, directe.

Une couverture dorée, un titre évocateur de mystère et l’assurance d’une plume habile pour être transporté, et hop ! Direction un monde un peu brut, entre les collines d’une décharge fantasmagorique, auprès d’un enfant un peu « perdu » livré à lui-même dans cette jungle moderne : Bo.

Il fait chaud, les mouettes piaillent, il faut survivre. Chercher l’objet inédit qui plaira au chef sous cette Grande Tente pour récolter de quoi se sustenter. Ce n’est pas simple, souvent des coups dans l’eau, des débris inutiles, des « salopris », qui ne rapportent rien. Trouver la perle rare, le trésor ultime qui fera briller les yeux du chef et réchauffer l’estomac, c’est la quête de tous. Et puis un jour, Bo découvre un drôle d’objet parmi les détritus, un tuyau gondolé qui fait « Tongonkongonk », un « trézor », c’est sûr… Il n’imagine pas à quel point. Je vous laisse le plaisir d’aller découvrir ce trésor et la douce âme de Bo.

Un magnifique texte, construit délicatement et à l’effet implacable. Une puissante stimulation de l’imaginaire ! On est pris par le charme fragile de ce Bo, de son univers, de sa langue particulière construite de mots sonores (« décentaine, feross, chemoi »). La tension jusqu’à la fin est habilement tendue. Les images se multiplient au fur et à mesure de la lecture et j’y étais dans cette décharge inquiétante, sous cette Grande Tente, dans cette grotte mystérieuse.

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Le Jardin, Paris

Dès la parution en teasing des premières planches, j’avais suivi de près la sortie de ce roman graphique dont le style graphique m’avait envouté. Et c’est un grand coup de cœur.

Dès la couverture, vous êtes plongé.e dans les années 20, à Paris. Cette lampe Art déco et la lumière derrière le rideau de velours rouge annoncent la couleur et le sujet. Un cabaret nommée « Le Jardin » où toutes les femmes portent un nom de fleur et ont chacune une place particulière.

Cette silhouette en coulisses, un brin timide mais déterminée, est celle de Rose, un jeune garçon de 19 ans qui va se lancer sur les planches. Car, comme toutes les filles qu’il fréquente depuis sa naissance au cabaret dirigé par sa mère, Rose veut danser et se produire sur scène devant un public, c’est plus fort que lui et il est doué.

Si la renommée du « Jardin » n’est plus à faire, le talent de Rose est vite remarqué et devient l’attraction principale. Bien entourée par les Fleurs, Rose baigne dans une ambiance familiale, chaleureuse et protectrice. La solidarité est naturelle.

Quand Rose danse, il n’est pas « lui » ou « elle », c’est au-delà de cela, Rose emporte dans ses mouvements l’âme du public qui est touché par tant d’émotions, et particulièrement Aimé. Le « petit bourgeon » est en train d’éclore et c’est émouvant.

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J’ai 14 ans et ce n’est pas une bonne nouvelle

Dès la 4e de couverture, le ton est donné. Il n’y a pas d’échappatoire et l’on reste sans voix devant le constat glacial d’Efi : elle a 14 ans et comprend en quelques pages que son destin n’est plus entre ses mains, sa famille a décidé de la marier.
 
“En rentrant du collège ce jour-là, assise sur la mobylette d’oncle Blabla, même si j’ai mal aux fesses et que le chemin n’en finit pas sous le soleil qui devant nous rougeoie, je suis convaincue que le monde m’appartient. J’ignore encore que je me trompe et que c’est moi qui, depuis ma naissance, lui appartiens.”
 
Au fil des pages, la désillusion s’empare d’Efi. Elle ne comprend pas : ses parents l’ont envoyé faire des études, pour avoir une autre vie. Mais au retour chez elle pour les vacances après 6 mois d’absence, tout bascule et ses rêves s’écroulent. Le poids de la tradition, la fin de l’innocence, ses rêves d’avenir s’effondrent. Après l’incompréhension et la sidération, la peur s’installe, puis la révolte monte. Trahie, par sa propre famille. Devenue une marchandise. C’est impossible, le goût de la liberté est plus fort, il faut réagir. Mais comment ? Le temps presse et l’étau se resserre sur ce qui lui restait d’espoir d’un éventuel retournement de situation.

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Middlewest T.1 Anger

Un grand coup de cœur pour ce comics façon road-trip teinté de fantastique ! Le scénario est bien ficelé, les dialogues justes et bien rythmés, le style graphique assez bluffant et les couleurs éclatantes, le travail d’impression est vraiment au rendez-vous.

Abel est un personnage vraiment attachant, en pleine adolescence bouillonnante et face à un mystère personnel qui le dépasse. En révolte contre son injuste père. Sa rencontre, façon Petit Prince, avec ce renard énigmatique qui devient son compagnon de route, arrive de manière si naturelle qu’on ne s’étonne pas de les voir discuter. On est dans un univers un brin manga pour les références aux mondes oniriques de Miyazaki, un peu dans le Monde de Milo pour le voyage de ce jeune garçon hors norme. Et puis on plonge dans un décor de fête foraine un peu psychédélique, entre rêve et réalité, entre cauchemar et monde post apocalyptique. La relation qui se noue entre le garçon et le renard est touchante, teintée d’humour car ça vanne sévère malgré le contexte effrayant et la menace qui rôde. Existe-t-il vraiment ? Est-ce sa conscience qui lui parle ? Chien de garde ou malin Goupil, il joue sur tous les tableaux, et quel caractère. On craque ! Et la brochette de personnages secondaires, Craw, Jeb, Bobby, Magda et Molette sont brossés avec talent et donne envie d’en savoir plus. Vite le tome 2 !

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Plein gris

« Ce qui se passe en mer, reste en mer ».

Préparez-vous à embarquer pour une traversée qui vous laissera des traces.
Impossible de lâcher la lecture, vous vous agripperez aux pages pour tenir le choc sous la houle implacable de l’intrigue. Vous serez submergé.e comme les protagonistes par les émotions et les dangers qu’ils vont rencontrer. Huis clos haletant et humide, ce roman vous prend aux tripes et ne vous laisse que peu de répit pour reprendre votre respiration. On en ressort le corps essoufflé et lessivé, après un combat contre les éléments et les sentiments partagés, un goût amer de sel dans la bouche.

5 adolescents, un groupe un peu à part des autres lycéens, reliés par le charisme énigmatique d’un seul : Clarence. Bientôt le Bac mais avant la dernière ligne droite, la petite bande a réussi à négocier auprès des parents une virée en mer à bord du Céladon, pour rallier l’Irlande depuis leur Bretagne. Si Emma, Clarence, Sam naviguent depuis l’enfance, ce n’est pas le cas de Victor, le dernier à avoir rejoint le clan. La croisière vire brutalement en cauchemar lorsque Clarence, le leader solaire et narcissique que tous admire, est retrouvé mort noyé près de la coque de leur voilier. Tous les secrets de la bande remontent à la surface, les bons comme les plus nauséeux, les rancœurs, les lâchetés, tout ce qui fait et défait un groupe d’êtres en pleine construction. Le niveau d’inquiétude monte d’un cran lorsqu’ils se retrouvent pris dans une tempête dantesque où l’unique objectif est dorénavant la survie, coûte que coûte, remettant en question la force du collectif et exacerbant les tensions. Comment ont-ils pu en arriver là ? Leur amitié insubmersible pourra-t-elle éviter le naufrage ?

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