Lettre à toi qui m’aimes

« Regarde-moi clairement un instant :
entre nous, il y a un paquet de trucs qui n’arriveront jamais. »

Comment savoir si on se plait ? Et quand l’amour est à sens unique, que faire, que dire ? Faut-il briser le cœur dans l’œuf avant qu’il ne saigne ?

Pénélope, Dudley et Jobs recrutent un nouveau guitariste pour répéter avec leur groupe hors du lycée. Yliès, un ténébreux et énigmatique métalleux aux yeux de velours. Or l’amour s’invite dans cette bande de potes : Yliès aime Penny mais ce n’est pas réciproque. Si Penny joue avec les limites au début, elle sait vite que rien ne se fera. Yliès se pâme, Penny tente d’éteindre les feux mais le poids de ce amour obsessionnel et unilatéral est étouffant.

C’est une voix qui parle tout au long de ce récit hybride, entre roman épistolaire et journal intime, échanges sms ou mails, dialogues et réflexions intérieures. C’est la voix de celle qui n’aime pas, point de vue inédit qui démonte les archétypes du roman d’amour.

Quel rythme, quelle musicalité dans l’écriture où chaque phrase ciselée comme un poésie convoque les émotions, fait vibrer les cordes sensibles et percute avec justesse ! Une non-liaison dangereusement inflammable, une confession intime de celle qui n’aime pas vers celui qui se meurt d’amour, amante inaccessible et amoureux transi friendzoné. Je n’ai pas lu ce texte, j’ai écouté Penny me le murmurer avec sa voix de bourreau inconscient qui a pris tout l’espace sonore dans ma tête. Un récit en vers libres qui pulse, à vivre d’une traite.

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Et qui de mieux que les personnages du roman pouvaient poser des questions à l’autrice sur son ouvrage ? Impossible ? Carrément possible ! Une interview exclusive de Julia Thévenot par Pénélope, Yliès et Dudley en personnes.

PÉNÉLOPE: Sympa comme prénom Pénélope, ça me plait bien même si ce n’est pas toujours hyper facile à porter comme référence.

JULIA : Oui, tu as dû entendre des rimes en « ope » en 5e-4e, pas vrai ?

PÉNÉLOPE : Oh, pas trop. J’étais grande gueule, on me cherchait pas. C’est plutôt Dudley qui…

DUDLEY : C’est plutôt moi qui ai pris cher, haha !

PÉNÉLOPE : Mais « Penny, » c’est plus easy, c’est vrai. Thanks. Quel a été ton déclic pour me faire naître – en tant que personnage – dans ton esprit ? 

JULIA : Il faut que tu saches, Penny, que j’ai voulu que tu sois cool. Car dans une histoire d’amour adolescent, de mon expérience, c’est presque impossible de faire autrement : on trouve l’autre ultra cool. Donc, sitôt née, c’était ta première caractéristique. J’espère que je n’ai pas exagéré, étant donné que j’ai savamment associé en toi tout ce qui me séduisait vers seize ans : une attitude de rockeur·euse, un sens de la répartie acide et affirmé, des mèches de cheveux qui tombent devant des yeux charbonneux et, bien sûr : un groupe. Mes potes musiciens me fascinaient.

PÉNÉLOPE : Ah, classique. Tu sais, on est au courant, d’ailleurs, j’en joue un peu. La petite chanteuse qui roule des hanches. Ça me fait rire.

YLIÈS : *soupir éperdu*

PÉNÉLOPE : Merci de m’avoir donné la parole, en tout cas. Pas simple comme point de vue, celle ou celui qui n’aime pas en retour. Position délicate, entre victime et bourreau, plutôt complexe pour la confession. Pourquoi avoir choisi de raconter mon histoire (ou plutôt ma non-histoire) sous cet angle ?

JULIA : Ben, justement, parce que ce n’est pas simple ! Je trouve que c’est profondément injuste, cette rancœur qu’on garde envers ceux qui ne nous ont pas aimés. Comme s’ils nous devaient quelque chose, comme s’ils nous avaient trahi·e·s. Mais s’interroge-t-on, nous, sur le mal qu’on leur a fait, la vie qu’on leur a pourrie ? Franchement, Penny, tu t’es amusée, à devoir esquiver, supporter, consoler, ton pote amoureux pendant toute une année ?

YLIÈS : Hé, je suis là.

PÉNÉLOPE ET JULIA : Désolées, biquet.

YLIÈS : D’ailleurs, remettons la vraie souffrance au centre, s’il vous plaît. Les premiers émois amoureux, on morfle. Je suis bien placé pour le dire, hein ! C’est un « t’aime » – euh pardon – un « thème » qui te tient à coeur ? 

JULIA : Oui… Oh, mon pauvre, pauvre Yliès. J’ai été vache avec toi, pas vrai ? Je vais te dire à quel point ça me tient à cœur : ton chagrin, c’est le mien. Ton histoire, c’est la mienne. J’ai été amoureuse de mon meilleur ami pendant tout le lycée, et je l’aimais tant, et je souffrais avec tant de beauté ! Et je devais le saouler, aussi, tellement. C’est plus tard que je me suis demandé comment lui avait vécu ça. Je pense que j’étais reloue au dernier degré.

YLIÈS : *soupir douloureux*

PÉNÉLOPE : En tous cas, c’est clair que le point de vue que tu as choisi n’est pas commun. Interpeller le lecteur / la lectrice dans ses habitudes, provoquer l’étonnement, l’amener à s’interroger sur ce qu’il ou elle aurait fait, c’est un truc qui te fait kiffer dans l’écriture ? 

JULIA : Oh oui, j’adore mettre les gens, et moi-même surtout, dans des situations impossibles émotionnellement.

DUDLEY : C’est vache, franchement. Nous on passe notre temps à ramasser les copains à la petite cuillère, après.

JULIA : T’es un personnage secondaire, mon chéri, alors reste à l’arrière-plan, s’il te plaît.

YLIÈS & PENNY : Sorry, Dudley.

DUDLEY : Ah bah super ! Bonne ambi !

YLIÈS : D’ailleurs la musique, ça aussi, c’est un arrière-plan ? Parce que c’est grave important dans notre histoire, j’espère que tu me « l’accordes » 😉 C’est le reflet de l’âme, un truc du genre, non ? Ça compte beaucoup pour toi on dirait, comme un registre supplémentaire pour dire les émotions, pour trouver le ton « juste ». Pourquoi ?

JULIA : Le reflet de l’âme, ah la la, ce poète maudit que tu es ! Je crois qu’ici, la musique est davantage un lien social et un support de représentation. Quand j’étais ado, c’était la pierre angulaire de tous les rapports sociaux. C’était la première question qu’on se posait pour faire connaissance : « T’écoutes quoi, comme musique ? » ! Aussi, ça m’a semblé une ambiance essentielle à restituer, pour plonger ou replonger le lecteur dans cette émotion ado, quand tout se joue sur des goûts communs et des dynamiques de groupe.

DUDLEY : Bon, c’est pas tout, meuf, on a répet’ now. T’as un dernier message à transmettre à Penny ?

JULIA : À Penny et Yliès, oui. Je voulais vous dire : ces sentiments intenses et étranges que vous avez ressentis l’un pour l’autre, amour, gêne, colère, fragilité, tout ça…

YLIÈS (À PENNY) : Tu vas voir que c’est là qu’elle va nous dire qu’on s’en remet, qu’on grandit, blablabla…

JULIA : Je veux vous dire qu’ils sont importants et qu’on ne les oublie jamais.

[T’as kiffé, avoue, c’est pas tous les jours que tu peux taper la discut’ avec l’autrice et ses personnages. Merci Julia pour cette session question/réponses. OK, merci à vous aussi Penny, Yliès et Dudley, bien sûr. On se retrouve au bar après le concert ? Allez, on y croit, c’est pour bientôt.]

Voilà, je crois que, comme moi, vous avez craqué pour ces personnages hyper attachants et hyper torturés, et surtout à la voix hyper juste grâce à la plume magique et virevoltante de Julia Thévenot. Un roman pas comme les autres, dans un style palpitant plein de punch, pour un sujet rarement traité, toutes les conditions réunies pour passer un excellent moment de lecture. Fonce dans ta librairie, si t’es pas déjà parti l’acheter.


Autrice : Julia THÉVENOT
Edition : Sarbacane – 144 pages – 12,50 euros
Année : Avril 2021

De la même autrice :
– Le Trésor – Thierry Magnier – 2021 (chroniqué ici)
– Bordeterre – Sarbacane – 2020 (chroniqué ici)

 

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