Rencontre avec Timothée de Fombelle autour d’Alma

« On écrit les livres qui nous manquent »

C’est bien ce genre de rencontre qui nous manquaient. Depuis l’annonce de la sortie du premier tome de la nouvelle trilogie de Timothée de Fombelle, le rendez-vous avait été pris, pour échanger sur la naissance de cette héroïne si particulière. Mais le temps en a voulu autrement, éloignant les lecteurs de l’auteur. Un temps suspendu.

Et puis le temps des retrouvailles, tous liés par ce roman fort qui secoue, interpelle et fait vibrer intensément.

Au coeur de cette librairie écrin, sur le divan, TdeF se laisse prendre au jeu des questions essentielles de la libraire Camille. L’atmosphère est douce presque intime tant le silence de l’auditoire se fait au moment où commence la lecture d’extraits par l’auteur. L’écoute est dense, la voix envoûte, et la vie d’Alma s’anime.

– La quête de liberté est au coeur de tous vos romans, comme le rapport à l’Histoire, au passé. Pourquoi écrivez vous ? 
« J’écris les livres qui me manquent, à moi. J’écris les livres que je cherche. Depuis l’âge de 13 ans, je cherche ce livre, cette histoire qui a jaillit en moi quand je vivais en Afrique, au Ghana, à Elmina. C’est là, en jouant dans les ruines de ces forteresses au bord de mer reprise par la nature sauvage que le souvenir s’est ancré. Au moment choc où je découvre ce qu’est la traite. »
« J’écris, je crois, pour rendre la vie un peu plus belle, un peu plus intense, un peu plus tragique, romanesque. J’écris, je pense, pour ne pas être seul dans mon rapport au monde. C’est ce que que permet la Littérature Jeunesse, une littérature adressée. Je vérifie que mon lecteur est toujours là, derrière moi, quand j’écris. »
« J’écris chaque livre comme le dernier, dans l’urgence et la nécessité. »

– Votre écriture est riche, travaillée, poétique, cinématographique. Comment écrivez-vous ? 
« Il y a une part de travail et une part d’urgence. Je ne veux pas prendre inutilement de temps au lecteur. Etre efficace, ciselé, en retravaillant beaucoup, en corrigeant.
« Pour faire exister la scène, il faut quelque chose de surprenant, un peu d’étrangeté pour accrocher le lecteur. Je veux qu’à la première ligne il ait envie de rester avec moi. Le travail sur la perception est nécessaire, le sensitif, le sensible, le sensoriel. C’est cet effet de réel qui saisira l’attention. Je me dis « comment faire pour rendre cette scène inoubliable ? »

– Un récit au présent de l’indicatif, c’est la première fois, pourquoi ?
« Pour ce roman, je voulais changer un peu ma boite à outils, je voulais quelque chose de différent, prendre un petit risque. J’ai mis 6 mois à réenchanter mon « présent », pour me rapprocher d’Alma, que ce soit vivant, que cela fasse le lien avec la tradition d’oralité.

– Vous avez écrit des dytiques, pourquoi la trilogie ici ?
« Encore une fois, pour le goût du risque, je voulais aller là où était la difficulté, par défi personnel. Et puis trois personnages forts, Alma, Joseph, Amélie, trois destins particuliers au coeur de ce commerce triangulaire. La chronologie du récit participe au choix de cette trilogie, pour aller de 1786 à 1792. C’est une contrainte folle !« 


– L’enfance, ce passé commun à tous, est un thème qui vous tient à coeur.
« Ma mère me le disait ainsi « tu as gardé la clé de l’enfance. » L’enfance est le lieu de l’imaginaire par excellence, c’est mon réservoir, mon vivier. Neverland et Alma ont pour cela des racines communes.


– Vos personnages sont souvent en exil, en fuite, ils courent ou sont poursuivis. Alma s’aventure davantage qu’elle ne fuit.
« La quête est un motif majeur en Littérature Jeunesse. Ici j’ai choisi qu’Alma s’embarque dans cette histoire et qu’elle soit maîtresse de sa vie. »

Il y aura encore d’autres extraits lus, des regards brillants, des mots échangés lors des dédicaces, et l’assurance, ce soir, d’avoir partagé un moment précieux.

 

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