Chaumière

(c) La Palissade

Un voyage.

Je vous propose un voyage, un voyage dans un pays fabuleux, un matin sur une côte d’Irlande. Un voyage en forme de coup de coeur pour un univers profondément touchant, un récit sensible en forme de poème qui invite à la réflexion, à prendre le temps d’écouter le monde autour de soi.

Je vous propose de partir à la rencontre de deux soeurs aux pouvoirs mystérieux : Shannon et Sinéad, des magiciennes qui commandent l’océan.

Chaque matin, bien avant tout le monde, elles allument un feu au coeur de leur chaumière et réveillent la mer : « la marée monte aux signaux de fumée, tandis que le thé bout à gros bouillons. » Ensuite, quand elles descendent sur la plage, les vagues s’approchent d’elles pour écouter le son du tambour et les vibrations de la harpe.

C’est ainsi tous les jours. Tous, sauf aujourd’hui. Il a trop plu et le bois mouillé ne prend pas dans l’âtre de la cheminée : pas de feu, pas de flamme, pas de vapeur. Rien. L’heure est grave et la nature attend. « Pas de vie sans marée ! Pas de marée sans feu ! Pas de feu sans bois sec ! »

Alors, les deux centenaires prennent la route dans la lande vers le village pour trouver du bois sec, pour que le cycle reprenne même si depuis longtemps plus personne ne les voit et que partout la magie a disparu des maisons.

(c) La Palissade

Heureusement, pour atteindre leur destination, elles peuvent compter sur l’aide d’un tronc d’arbre mort qui sera leur embarcation, mi-radeau mi-serpent de mer, un être fantastique qui embarque dès lors le lecteur dans un monde onirique très poétique.

Et puis, il y aura la rencontre avec l’enfant, un petit garçon « avec de très grands yeux et une toute petite flûte accrochée au cou. » Un enfant seul, un petit prince de bord de plage qui confectionne parfois un petit feu de fagots pour faire griller ses poissons, toujours en solitaire car jamais personne ne partage ce petit feu avec lui.

« Jamais personne pour écouter ma p’tite flûte.
Jamais personne pour voir c’que je vois » soupire Shaun

Mais lui, Shaun, voit les vieilles magiciennes : c’est le pouvoir de l’enfance de voir l’invisible, de créer ce lien spontané vers l’autre, d’être à l’écoute du sensible, de prendre le temps de ressentir ses émotions et de questionner le monde.

(c) La Palissade

Derrière chaque porte de la rue sombre, on entend les gens parler.
Ils parlent et ils parlent, est-ce qu’ils s’écoutent vraiment ?

Mais Shannon et Sinéad ne trouvent pas de bois et s’en retournent dans leur froide chaumière, dépitées et inquiètes pour les prochains jours. La nuit, elles rêvent d’un air de flûte entrainant qui réveille la lande et la fait danser comme une mer sur laquelle navigue la chaumière. Rêve prémonitoire ? Est-ce la magie de la flûte de Shaun, est-ce lui l’esprit de l’océan qu’attendaient les deux musiciennes ? La marée reprendra-t-elle son rythme ? Il faudra aller lire ce magnifique et tendre album pour le savoir.

Un vrai coup de coeur donc, pour ce récit poétique habilement tissé par Aurélia Coulaty qui projette le lecteur dans un univers onirique où le temps s’arrête, où la magie des rêves d’enfant ouvre le champs des possibles, où un peu de chaleur et de musique redonnent rythme à la vie, dans un perpétuel renouvellement. Un poème à la Prévert qui convoque le pouvoir de l’enfance et invite à l’écoute de l’univers.

(c) La Palissade

Les illustrations de Toni Demuro en format double-page sont envoûtantes, de vrais tableaux dans lesquels le lecteur peut s’immerger totalement, prendre le temps de respirer dans ces vastes décors symboliques, de se réchauffer aux couleurs douces et chaudes des paysages, de s’émouvoir progressivement de la relation naissante entre l’enfant et les magiciennes. L’alternance des cadrages gros plan/plan large donne ce mouvement de va et vient propre à la mer, invitant tantôt le lecteur dans l’intimité de la chaumière des deux vieilles femmes ou le tenant à distance pour qu’il puisse admirer le paysage sauvage de la côte et la richesse de la lande. Tout est affaire de tempo, de douceur, de jeux de lumières, d’écoute et de regards croisés. Somptueux !

En signature, Toni Demuro pose sur la dernière page blanche ces mots vibrants : « À ceux qui trouvent par magie l’étincelle qui rallume le feu qui réchauffe les coeurs ».

(c) La Palissade

Un très grand coup de coeur pour cet album sensible qui touche le coeur et fait réfléchir sur ce qui est essentiel finalement. Merci aux éditions La Palissade pour cette découverte ! Sortie cette semaine !

 

Autrice : Aurélia COULATY
Illustrateur : Toni DEMURO
Edition : La Palissade – album – 40 pages  – 14,50 euros
Année : Mai 2019

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Du même illustrateur : 
– L‘oiseau qui avait avalé une étoile (un de mes coups de coeur du SLPJ 2018)

 

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