Il faut sauver la lune

(c) T. Magnier

Attraper un coup de soleil, on connait. Mais un coup de lune ? Si, si, c’est possible. Valentin Duluoz, ce jeune rêveur timide et solitaire, s’en moque. La lune, lui, il l’aime, tout simplement. Elle le captive, elle l’attire, de façon magnétique, comme un refuge. Si bien que cela pose un réel problème à ses parents, des industriels de la cosmétique-minceur trop débordés pour s’occuper de lui, à sa gouvernante qui le tyrannise, à son professeur, et même au président de la république.

Valentin Duluoz n’était pas un enfant comme les autres. Il ne sortait presque jamais de chez lui, n’avait ni visite ni ami, et passait le plus clair de son temps à regarder… la lune ! (…). Un spectacle dont jamais il ne se lassait. À tel point que les rares adultes qu’il croisait le lorgnaient d’un air agacé, lui, le rêveur solitaire.

– Mais enfin ! pensaient-ils. Pourquoi cet enfant perd-il un temps précieux à guetter ce ridicule machin là-haut ? N’aime-t-il pas notre monde ? Est-ce que nous ne l’intéressons pas ? Sans doute est-il bête, tout simplement ! Bête comme ses pieds. Bête comme chou. Bête comme… la lune, tiens, qui le passionne tellement ! Et c’est ainsi qu’était jugé Valentin, sans que personne ne prenne la peine de le comprendre…

Mais voilà qu’arrive une étape décisive dans la vie de Valentin : il fait sa première rentrée scolaire. Un espoir pour sortir de sa solitude ? La confrontation de sa différence avec ses petits camarades va se révéler douloureuse. Ridiculisé à cause de son bégaiement qui le handicape, Valentin se renferme et se réfugie dans l’observation de la lune, encore une fois. Or, son attirance pour l’astre est si contagieuse que les enfants de l’école s’arrêtent pour admirer le croissant, provoquant une pagaille pour l’équipe enseignante.

Paresse et rêveries n’auront jamais leur place dans nos écoles.

Au point que le Directeur sonne l’alarme auprès du Ministre du Savoir lui-même, Charles-Hubert de Roploplo. Moralité : convocation chez le Président de la république, l’étrange Bob Tagadatsointsoin.

Amicale, oui, la lune. Car si des milliards de gens peuvent la voir, chacun a le sentiment qu’elle ne brille que pour lui.

À la suite de cet événement fondateur, les catastrophes s’enchainent, et, en quelques jours, tout le monde de Valentin bascule dans la pauvreté, la misère et l’exclusion. Le monde artificiel de l’argent s’écroule pour sa famille qui se retrouve dans un bidonville, obligé d’aller travailler à l’usine. C’est un véritable électrochoc pour ses parents qui se « réveillent » enfin et réalisent la source d’amour que représente une famille. Cependant, l’étrange président Bob Tagadatsointsoin semble ourdir un plan machiavélique : la lune est en danger. Valentin et sa nouvelle amie Aurore (la bien nommée) doivent agir et vite.

[Elle] possédait un appétit formidable pour la vie.

Ce duo de choc, façon Pierrot et Colombine modernes, tendres mais intrépides, sont prêts à tout pour défendre leurs idées et l’astre, au péril de leur vie. C’est parti pour une aventure rocambolesque, totalement captivante !

Beaucoup d’humour et de rythme dans la narration de ce roman d’aventure, qui mêle poésie et fantastique. Des chapitres courts, un vocabulaire pointu où chaque mot a son poids : le style de Fred Paronuzzi est d’une terrible efficacité ! On y retrouve toute une palette de personnages attachants, souvent loufoques, un peu déjantés même, et complètement désopilants.

Bob Tagadatsointsoin, Mademoiselle Pululu, Tom-Tom Crakboumhu, Maurice Bokaka, Momo Zanzibar

Du suspens, des rebondissements incroyables et un message fort de sensibilisation à l’absurdité de cette société d’ultra-consommation, du culte de l’image éphémère, du spectacle virtuel nombriliste, de cette « fièvre acheteuse » qui consume l’essentiel. Un joli message à la fois écologique et poétique pour se poser les bonnes questions.

Cet ouvrage a une résonnance particulière : j’ai aimé y retrouver comme un écho de l’univers d’urgence écologique propre au roman « Céleste, ma planète » de Timothée de Fombelle ou de celui du nouveau monde de l’album « Là où vont nos pères » de Shaun Tan et ses usines d’objets étranges.

Depuis toujours, chacun des deux enfants avait désiré en secret un camarade de jeu, un confident, un ami pour les bons et les mauvais jours. Et voilà qu’ils découvraient chez l’autre ce compagnon tant espéré.

Joli clin d’œil également à l’œuvre de Jack Kérouac dans le choix du nom de Valentin « Duluoz », comme un symbole du voyage initiatique de ce rêveur courageux qui prend la route de la vie…

Auteur : Fred PARONUZZI
Illustrateur Couverture : Vincent PIANINA
Edition : Thierry Magnier, Collection En voiture Simone ! 144 pages, 7,20 euros.
Année : Mars 2017


(c) DR

 

LIRE L’INTERVIEW de Fred PARONUZZI qui nous parle de son roman « Il faut sauver la lune », de ses lectures d’enfance et de sa passion pour l’écriture.

Cliquer ici

 


Du même auteur :
10 ans 3/4, éditions Le Dilettante, 2003
Comme s’ils étaient beaux, éditions Le Dilettante, 2005
La Lettre de Flora, Robert Laffont, 2007
Un Cargo pour Berlin, Thierry Magnier, 2011
Mon père est américain, Thierry Magnier, 2012
Là où je vais, Thierry Magnier, 2013
Zia Flora illustré par Vincent Djinda, Sarbacane, 2014 (BD)
Gérard le bousier illustré par Andrée Prigent, Kaléidoscope, 2014
Capitaine Triplefesse, à l’abordage ! (T1), Thierry Magnier, 2015
Capitaine Triplefesse, à la rescousse ! (T2), Thierry Magnier, 2015
Gérard et la machin collant illustré par Andrée Prigent, Kaléidoscope, 2016
Football Cosmique illustré par Robin, Gallimard Jeunesse, 2016

 

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