« Je m’appelle Vladimir Poulain, j’ai dix ans et je m’apprête à vivre l’été le plus atroce de toute ma vie ». Dès la première ligne, le ton est donné.
Les Vacances de la Comtesse de Ségur, vous voyez ? Classique.
Les Vacances du Petit Nicolas, vous connaissez ? Grand classique.
Les Jolies Colonies de Vacances de Pierre Perret ? Kolossal Klassik !
Et bien celles de Vladimir Poulain… Ça n’a rien à voir !
Jeune garçon intelligent (croisement improbable du Petit Nicolas pour ses réflexions personnelles et d’Agnan pour le look lunettes avec un petit soupçon de Harry Potter), Vlamidir se retrouve propulsé malgré lui dans une galère estivale : Le Camps de vacances « La joie dans les bois ».
Pas d’Hôtel Beau-Rivage, mais un vieux campement coincé entre l’autoroute, l’abattoir et la station d’épuration. Hmmm, du glamour glaglatant d’horreur…
Pas de Monsieur Mouchabière mais un certain Nicolas Fontanelle, le directeur psychopathe de la colonie complètement barré et tyranique (sans doute le fils caché d’Hannibal Lecter et d’Harley Quinn).
QUOI, UNE COLO ? MAIS JE PORTE DES LUNETTES, JE NE PEUX PAS (aurait pu répondre Vladimou). Une colo, le cauchemar de tout enfant introverti non ? Siiiiiiiiiiiii !!! Et c’est sa gentille maman chérie qui lui a réservé cette petite surprise ? Une punition oui !
Je veux pas entendre une mouche péter pendant le trajet, c’est compris ? Le premier que je chope en train de papoter, je le ligote aux essuie-glaces !
Contrarier Nicolas Fontanelle, ça revient à gratter une allumette près de l’arrière-train d’une vache : c’est l’explosion garantie.
Pour survivre pendant ces 4 semaines d’horreur, d’angoisse (genre Freddy, c’est Tchoupi à la plage à côté de cette expérience über flippante), il peut compter sur une bande de copains d’infortune.
Raoul, dit Graoul, un gars rondouillard (une version porciophage monomaniaque d’Alceste, le bon copain), Johnny-Kylyan Piécette qui pue des pieds et Gildas Parmentier qui parle en morse (pas l’animal, le code secret, c’est d’un pratique).
Le petit gros saigne du nez ; dans ses narines, il y a des mouchoirs en papier qui s’imbibent doucement de rouge. C’est très chouette.
Ses doigts sont moites et tout collants. Son haleine sent le lard. Ça me donne un peu faim, je dois dire.
C’est vrai qu’il n’a pas l’air super fiable : il est long et mou comme une knack crue.
Tout aurait pu très vite tourner à la catastrophe générale (et au fait divers dans les journaux en mal de scoop) si Vladimir n’avait pas rencontré Eugène Von Génial, le génie enfermé dans sa lampe de poche. Ok, ayé, ça dérape… Accrochez-vous car ça va secouer un tantinet. Un copain génie, comme ça sur le papier, c’est la classe, c’est le rêve. Mais, voilà, celui-ci est très loin d’être doué
Pour (essayer de) résumer les très bonnes raisons qui va te convaincre, toi ami lecteur en mal de rigolade en cette post-période de blue monday-everyday, tu vas donc trouver ici :
- De l’humour décapant un gros brin cynique :
Notre mono serait sûrement jolie si son visage n’était pas entièrement caché derrière son nez.
- Des expressions cultes :
C’est pas grave, on s’en fout, on va vous faire ça Acapulco!
Illico pronto
- Des activités d’une haute teneur pédagogique :
J’ai fait la connaissance d’une truie qui se prénomme Jocelyne et qu’on nous a forcés à traire. Tu peux d’ores et déjà prendre rendez-vous avec le Dr Brodier : j’aurai besoin de parler à un psychologue à mon retour.
- Des expériences gastro(nomiques) :
Cette odeur d’entrailles de poissons putrides commence sérieusement à me faire swinguer les intestins.
Je l’observe tandis qu’il se goinfre, et j’ai un peu l’impression de regarder un reportage animalier.
- Des rebondissements incroyables, un suspens insoutenable, de la magie expérimentale :
Parfois, certains vœux ne sont plus disponibles pour des raisons de problèmes de stock. Mais on peut vous trouver quasi les mêmes, à quelques détails près.
- Et surtout, une brochette de personnages croqués au scalpel (ça dégouline d’hémoglobine parfois, attention lecteur, tu peux te tâcher) hilarants et terrifiants à la fois, façon Grand Guignol (pas le petit du Jardin du Luxembourg, hein).
J’ai le ventre qui joue des maracas : le rollmops, ça ne tient pas au corps.
Un antihéros abandonné malgré lui dans la colo des cinglés, une bande de copains inclassables, un chauffeur de bus muet complètement sadique, une cuisinière catcheuse effrayante, une équipe de moniteurs aux bras cassés, un amour improbable, une lampe de poche mutante qui joue les génies de bas étages : tous les ingrédients sont réunis pour vous secouer les zygomatiques dans tous les sens.
Encore une fois Emilie Chazerand (je vous ai déjà dit que j’étais fan ? Non ? MEUHSI !) signe un délicieux roman croustillant d’intelligence et à l’habile intrigue… C’est juste, ça claque, rien à jeter, rythmé et dense, on dévore le pages à vitesse grand V. Et surtout, ami lecteur, amie lecteuse (allez on se lâche), c’est DÉ-SO-PI-LANT : tu vas te poiler velu ! De l’humour, acide et acerbe, de situation et de réproutition, subtil et méchant souvent, malin et gras parfois. C’est frais, c’est drôle, c’est intelligent et c’est la musique (d’Emilie Chazerand) que j’aime.
Je cherchais un morceau de pain et je trouve l’amour.
Les illustrations de Joëlle Dreidemy sont saisissantes de vérité (sérieusement, je pense que tout est redessiné d’après des photos fournies par l’auteure, c’est troublant, ça transpire de vécu traumatique ça mon ami). Les paysages et habitations sont hyper réalistes, les bouilles des personnages plus vraies que nature. Méfiez-vous, d’ailleurs, ils rôdent pas loin (peut-être sont-ils déjà en train de préparer le Retour de la Colo et ça risque de saigner). Sérieusement, les situations croquées sont parfaites !
Un bon Pépix encore une fois où on retrouve l’humour caustique d’Emilie Chazerand, dépassant le format pour imposer efficacement son style inimitable. Bon, j’avoue, venant de son roman La Fourmi Rouge, j’étais un peu contaminée par avance par sa plume piquante de truculence et d’impertinence (tiens ça rime avec flatulences et pourtant ce roman sent bon le talent). Bon, à quand le prochain Madame l’auteure ? À quand le scénario adapté de ce roman-catastrophe, car comme dirait Graoul, tout est bon dans le cochon.
C’est l’hiver, il fait froid, il fait numide, il grelotte, il ventouille ? Allez hop mettez le cap « illico pronto » sur l’été de l’effroi aux côtés de Vladimir et de sa bande de joyeux compagnons de tente. Frissons et crises de rire garantis !
Auteure : Emilie CHAZERAND
Illustration : Joëlle DREIDEMY
Edition : Sarbacane – collection Pépix – 240 pages – 10,90 euros
Année : Aout 2017
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De la même auteure :
– La Fourmi Rouge – Sarbacane (chroniqué ici)
– Quel Morfal, ce Gwendal ! album aux éditions Les deux coqs d’or (chroniqué ici)
– Les papas de Violette, chez Gautier-Languereau
– Le bébé s’appelle repars, chez Gautier-Languereau
– L’ours qui ne pouvait plus rentrer dans son slip – Benjamin Médias (Livre audio) avec Félix Rousseau
– La vérité vraie sur Mireille Marcassin, Edition Benjamin Medias (Livre audio) avec Amandine Piu
– Suzon part en pique-nique, Suzon et la chasse au trésor, Suzon ne veut pas aller à l’école, Suzon et le sapin de Noël avec Amandine PIU chez Gulf Stream
– Moi Président, aux éditions Les deux coqs d’or
– Quand je serai reine, chez Gautier-Languereau
– L’horrible Madame Mémé, avec Amandine PIU chez L’Elan Vert
– Y en a qui disent, avec Maurèen Poignonec chez L’Elan Vert
– Jean-Jean à l’envers, avec Aurélie GUILLERET chez Sarbacane
– Un frère en bocal, avec Aurélie GUILLERET chez Benjamin Media
– La petite sirène à l’huile, chez Sarbacane
– Apocalypsis, une série fantasy chez Matagot/Nouvel Angle.