No et moi

Encore une fois, il n’est jamais trop tard pour vivre ce type d’émotions.

Un truc étrange depuis quelques temps, l’enfance frappe à la porte de tout ce que je lis.

Pas si étrange, pas si étanche…

Sous la forme de chemin chaotique et inespéré comme la rencontre big-bang de cette fragile No et de cette incroyable Pépite, Lou, ce petit bout d’humain au grand coeur, porté par une maturité qui l’encombre parfois et lui donne cette force improbable, cet amour pur qui peut abattre les murs du silence et ouvrir le champs des possibles, parce que si on veut on peut, parce que lorsqu’on se promet d’être ensemble, on doit se battre pour cette promesse, une promesse pour la vie, pour le meilleur et pour le pire.

Après Les Loyautés (qui résonne encore par la force du propos, la finesse des sentiments retranscris, le cri d’alarme d’une adolescence qui tâtonne au point de se risquer de se brûler les ailes à tout prix), ce roman No et moi paru il y a déjà 12 ans n’a pas pris une ride. La justesse de la voix de cette jeune narratrice est troublante face au silence de sa mère, son abandon, l’urgence du coup de foudre avec No qui sombre.

Beaucoup de violence, beaucoup de tristesse, quelques éclairs de soleil qui rallume l’espoir et cette fureur de survivre qui vous emporte et vous chahute le coeur au fil des pages.

Une fillette hors norme, intellectuellement précoce, comme ils disent sans vraiment comprendre ce que cela signifie, une observatrice méticuleuse qui depuis son silence questionne la Vie, s’interroge sur ce et ceux qui l’entourent, cogite et ressent tout avec une folle et nouvelle intensité.

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Elma, une vie d’ours (Tome 1 et 2)

(c) L. Mazé

Depuis la sortie de Nora, je suis une grande fan du travail fabuleux de la talentueuse Léa Mazé. Les Croques Tome 1 sorti l’année dernière promet une suite passionnante, mais aujourd’hui, à l’occasion de la récente sortie du Tome 2 du dyptique Elma, une vie d’ours, je vous parle enfin de mon coup de coeur pour cette petite Elma et son gros Papa Ours.

Dès la couverture du Tome 1, l’émotion vous saisit et vous êtes entièrement captivé par cet univers chromatique si particulier. Ce n’est pas une simple couverture, c’est un tableau, énigmatique, magnétique. La construction graphique de ces deux personnages blottis l’un contre l’autre vous impose le silence et l’admiration. Un clin d’oeil à Klimt ? Quant à la couverture du Tome 2, elle reproduit, comme en miroir, la masse des deux corps pour en faire une fenêtre ouverte, plaçant le lecteur plus en retrait, en voyeur tapi dans la forêt retenant sa respiration pour ne pas alerter les deux complices.

Tout au long des deux albums, le lecteur va être bercé par ces couleurs complémentaires, ce bleu turquoise quasi mystique et cet orangé si réconfortant. Une couleur froide et une couleur chaude, le parfait équilibre, cet équilibre fragile qui semble unir ces personnages terriblement attachants…

Il y a certes deux tomes, mais il s’agit d’une seule histoire, impossible de ne pas les enchainer donc. L’histoire s’ouvre sur une forêt lumineuse, on entend au loin un dialogue entre un enfant et un adulte, le premier veut grimper aux arbres, le second l’encourage tout en le mettant en garde : l’éducation bienveillante en somme. Et dès la 3e page, le ton est donné « que ferais-je, moi, sans toi ?  » Une histoire d’amour donc, entre un père et sa fille : Elma, joyeuse, un peu sauvage et plutôt insouciante, et un Papa Ours qui l’a recueilli et élevé comme son enfant.

Or, ce père affectueux et dévoué cache un lourd secret qu’il ne peut révéler encore. Mais l’heure tourne, 7 années se sont écoulées depuis la naissance de la petite et il est désormais temps d’entamer un long voyage pour rejoindre l’autre côté de la montage. Une menace semble sourdre au coeur de la forêt, non perceptible par la gamine espiègle sous haut protectorat ursin. L’enfant au caractère bien trempé s’interroge, se révolte de devoir avancer sans comprendre, teste l’autorité parentale, boude, ronchonne mais suit toujours ce père guidé par une urgence inquiétante. 

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L’Estrange Malaventure de Mirella

Connaissez-vous la véritable histoire du joueur de flûte de Hamelin ? Sans nul doute que non, on vous a fait croire à une fable bien fade… Or donc, méfiez-vous des contes, la vérité est bien pire…

Retour dans ce Moyen-Âge obscur et à sa langue si chantante. La fabuleuse conteuse Flore Vesco vous ouvre les portes d’Hamelin, cette fameuse et maudite petite bourgade envahie par les rats. La peste rôde…

La scène découvre une jeune porteuse d’eau de 15 ans, Mirella, une enfant perdue (mais pas au pays imaginaire), une miséreuse (plus près d’Esmeralda que de Cosette) qui a le don de voir ce que les autres ne voient pas.

Happé par le rythme effréné de ce récit haletant, entre mystère et fantasmagorie, le lecteur est envoûté par la musique des mots de Flore Vesco, une écriture qui fleure les parfums bruts de cette époque tourmentée. Entre roman initiatique et conte moderne, ce texte vous transporte littéralement au 13e siècle, en immersion totale dans une langue enchanteresse au coeur des plus sombres intrigues.

La force de cet ouvrage tient au rythme de l’intrigue, à la profusion de détails très précis sur les odeurs, les matières, les sensations, l’ambiguité des sentiments. Le choix d’un vocabulaire « version originale » participe à cette plongée fantastique dans le monde médiéval du conte, apportant toujours plus de réalisme dans la fiction. Comme dans chacun de ses romans, Flore Vesco travaille la langue au corps à corps pour en extraire la justesse de la description, jouant entre érudition et jeux de mots (ahh cette eau « courante » 🙂 ), en accordant un soin particulier, une vraie exigence à la narration : un travail d’enluminure ciselé qui fait que ce récit va vous hanter pendant un temps certain. 

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Les loyautés

Je suis une grande fan de lecture à voix haute et donc de livre audio.

Dans mon parcours découverte de Delphine de Vigan (never too late), un grand coup de coeur pour ce roman/nouvelle polyphonique qui place au centre de l’intrigue le secret d’un jeune garçon en 5e, face à la solitude, la quête d’identité et le vertige de l’abandon.

Deux narratrices internes, une enseignante et une mère, deux points de vues extérieurs sur ce garçon et son copain, une descente aux enfers vertigineuse qui glace le dos.

Un ouvrage qui parle des douleurs de l’adolescence, cette période charnière où l’on peut marcher en équilibre sur le fil-frontière entre l’enfance et le monde des adultes.

Un rythme haletant et une intrigue sensiblement déroutante.

Un ouvrage qui pourrait se trouver en littérature jeunesse, si tant est qu’il y ait une différence avec la littérature vieillesse.

« Chacun de nous abrite-t-il quelque chose d’innommable susceptible de se révéler un jour, comme une encre sale, antipathique, se révélerait sous la chaleur de la flamme ? Chacun de nous dissimule-t-il en lui-même ce démon silencieux capable de mener, pendant des années, une existence de dupe ? « 

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Autrice : Delphine de VIGAN
Edition : JC Lattès – 208 pages – 17 euros
Année : Janvier 2018

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Rattrapage

Je tourne à l’instant la dernière page de ce monologue déchirant de dureté et de justesse… Une lecture en apnée dans la conscience de cette jeune ado face à son innocence perdue, par sa faute…

Quel goût a le remord selon vous ? Un goût de métal, de nausée acide, de poussière moisie ? Un goût amer sans aucun doute quand votre inconséquence vous a poussé à l’extrême aux dépens d’autrui et que le masque du déni se fissure.

Et c’est justement cette bouffée d’amertume suffocante qui enserre la conscience d’une ado de 17 ans, cette fille jolie, la reine populaire de son lycée, la belle qu’on convoitait et qu’on enviait… Mais « la réalité est toujours décevante » quand elle vous rattrape et vous confronte à votre pire noirceur.

Car voilà, la reine ne brille plus autant, elle a sombré depuis quelques mois, depuis la tentative de suicide d’un élève qu’elle et sa bande de dominants harcelaient pour s’amuser…

Comme elle, il est là, sur ce banc à attendre son tour pour le rattrapage du Bac.

Et en l’apercevant, tout lui remonte. Elle faisait partie de la meute des puissants au Lycée, ceux qui raillaient les moches, les nuls, les méprisables, les inutiles selon eux. À force de brimades sur les réseaux sociaux, ils jouaient de la vanne à grand renfort de photos et vidéos dégradantes, pour le fun, en toute inconséquence, par pure méchanceté gratuite. Diablement réaliste, non ? Mais leur cible favorite, ce garçon silencieux et mal dans sa peau, a fini par craquer en se coupant les veines en cours…

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