Ton absence

« On s’en fiche. Dans la quiétude de l’instant, tout fait plus fort que vrai. Et c’est ce qui compte. »

Et quand on aime ?

Lors d’un stage BAFA, Léopold retrouve la bande de potes, la Côterie comme ils disent. 17 ans et la fougue en étendard. Une chance d’être ensemble pour ce stage dans le Cantal, même si la consigne est de se mélanger.

Mais tout commence par une image, captée par Léopold, narrateur troublé. La première image incrustée dans sa mémoire de celui qui a rejoint le groupe au départ du bus : Matthieu. Un visage estompé par les reflets du pare-brise, un vieux t-shirt rose élimé, des Converse bleu clair. Un souvenir douceur, le premier, celui d’un départ pour Léopold, là où tout démarre. Matthieu, son « kilomètre zéro ». Une allure féline, un « imperceptible décalé » dans la silhouette.

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Madou en 5 actes

« J’en ferais pas de tes études de merde, t’es content ! »

Encore un excellent livre recommandé par Marine Carteron. Mais quel kif ! Quel style ! Quel rythme ! Quelle énergie ! Quelle justesse !

Comment grandir, comment se projeter dans sa vie d’adulte quand on se sent incomplet ? Tant de questions qui assaillent la jeune Madou en pleine année du Bac alors qu’il faut impérativement finaliser ses choix d’orientation pour Parcoursup ! Mais elle ne veut pas de ce cadre-là ! Elle a d’autres rêves, sûrement bien plus grands et intenses que la norme dans laquelle il faudrait soi-disant se couler. Mais elle se sait pas vraiment ce qu’elle veut, sauf qu’elle n’en peut plus !

Décider tout de suite ? Jamais ! Alors Madou claque la porte de chez ses parents à Cherbourg dans le Cotentin (qui sombre sous la neige au passage) pour le lieu qui la fait vibrer : le théâtre.

Et de rencontres inattendues entre Cherbourg, Paris et Avignon, Madou part à la recherche d’elle-même en se frottant aux lumière de la scène et au crépis de la vie réelle.

Car Madou est perdue même si elle ne le montre pas, elle se cherche, elle titille la résistance de ses amis à distance, elle découvre le pouvoir grisant de l’écriture qui prend vie, elle taquine les sentiments auxquels elle est confrontée, entre passion dévorante et honte illégitime.

Plongée dans l’univers de la création théâtrale avec l’aide d’un scénariste aussi génial qu’imprévisible, Madou sent qu’elle a des choses à exprimer, cette fameuse Théorie des chiffres impairs, où comment trouver sa part manquante quand on ne sait pas ce qui nous manque. Mais pas que.

La vie d’adulte dans laquelle elle est projetée est trépidante et lui fait vite tourner la tête. Surtout quand elle a le visage de Baptiste. Un avenir est-il possible dans l’écriture théâtrale ? L’intime peut-il être source d’inspiration au risque de s’y brûler le coeur ? En cinq actes endiablés dans une langue d’une virevoltante modernité, Guillaume Nail nous offre un spectacle vivant façon montagnes russes. C’est juste, désopilant, émouvant et rocambolesque. Au texte de l’auteur se mêle l’écriture lyrique de Madou et ses échanges de sms avec ses amis, ce qui donne à la forme du récit encore plus de dynamisme.

Gabor, Koffi, Raf, Babette, Kohsoom, la brochette de personnages secondaires est absolument délicieuse, les répliques comme des punchlines fusent en permanence. On voyage avec Madou et cette troupe tout au long des 5 actes entre faux-semblants de la comédie et tragique réalité qui se rappelle cruellement à vous très rapidement. Entre les espoirs décalés de ses parents et ses fantasmes d’une vie rêvée aux contours indéfinis, Madou s’égare pour mieux se retrouver. En tous cas, c’est ce qu’on lui souhaite !

Un grand coup de cœur.

(et joli clin d’oeil du tic de langage « Comment ça ? » issu du roman « Ton absence ».)


Auteur : Guillaume NAIL
Edition : Milan – roman – 312 pages – 17,90 euros
EAN : 9782408038250
Année : Janvier 2024

Du même auteur :
– Ton absence – Rouergue Jeunesse (chroniqué ici)

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Seuls resteront le vent et la poussière

« Dans l’Ouest sauvage, il n’existait que deux possibilités lorsque deux personnes se rencontraient : une poignée de main ou une poignée de plomb. »

1870. L’Amérique dans tous ses contrastes.

Tu l’entends l’harmonica déchirant et le bruit des sabots au loin qui se rapproche ? Tu le vois le nuage de poussière qui se forme à l’horizon ? Tu la sens la morsure du soleil qui dessèche tes lèvres déjà craquelées ? Tu perçois l’immensité du désert et ses dangers qui peuvent surgir à tout instant ? Tu la renifles l’odeur acre et persistante de cette vengeance assoiffée de sang ? Elle rôde, non loin ; elle avance, tapie dans l’ombre.

Alors c’est que toi aussi, tu as bien plongé entre les pages du deuxième volet de la Trilogie de la Poudre dégainé avec brio par Taï-Marc Le-Thanh. La chevauchée va être intense et chaotique, gringo, accroche-toi à ton Stenson !

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Ilos – T.1

Destination Marseille, en 2052.

Le paradis ? Pas si sûr. Les eaux ont englouti une partie de la ville à la suite de huit tsunamis causés par les dérèglements climatiques. Ambiance post apocalyptique ou simplement très réaliste ? 2052, c’est à portée d’une génération. Si proche, si inquiétant. Dans cette ville à demi-immergée règnent les inégalités sociales les plus exacerbées, une atmosphère étouffante où la canicule est le lot quotidien des habitants, et où le danger est omniprésent. Mer infestée de méduses mortelles, ruelles où les rats pullulent, fièvres infectieuses causées par la prolifération des insectes, trafic pour survivre. Dans la crainte d’un prochain raz de marée, la ville est pourtant en effervescence pour l’organisation des jeux d’hiver. Un contraste révélateur édifiant.

C’est dans cette chaleur écrasante qu’on fait la connaissance de Gal et de sa sœur Nolanne, adolescents plongeant en apnée pour dénicher des objets rares dans les maisons immergées et ensuite les revendre afin de gagner de quoi survivre. Même pas 18 ans, si jeunes et si talentueux dans leur discipline que le Commodore, figure puissante et sombre de la cité phocéenne, ordonne à Gal de récupérer un mystérieux objet dans les profondeurs de la ville. Et tout s’accélère car Gal ne remonte pas à la surface. À partir de là, on prend une grande inspiration et on plonge dans un thriller haletant et inquiétant aux côtés de Nolanne, bouleversée mais déterminée à venger son frère.

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De délicieux enfants

Forcément, quand un nouveau texte de Flore Vesco parait, la lectrice groupie que je suis est dans tous ses états. Et quand il s’agit de revisiter un nouveau conte, alors la curiosité est à son comble. Dès le prologue, le ton est donné « une histoire d’ogre et de caillasse… la bonne blague ! » (…) « Dans ma chanson, il y aura des larmes, de la bile, des méchancetés et des enfants crus ». Les ingrédients pour bien trouiller. On en a l’eau à la bouche et les poils qui se hérissent, car on voit surgir l’ombre originelle du Petit Poucet et de l’Ogre, ainsi que son cortège de souvenirs d’enfance effrayants liées aux illustrations de Gustave Doré.

« Cela fait des jours que les écuelles sont vides, tout comme les estomacs. Dans leur maison au fond des bois, le père et la mère désespèrent de nourrir leur chère progéniture. Sept bouches voraces. Sept enfants espiègles qui ont déjà bien grandi. Sauf Tipou. Difficile de trouver sa place, quand on en prend si peu… Du haut de ses treize ans, Tipou rêve d’aventure. Cela tombe bien : la forêt noire et profonde cache d’inquiétants mystères. Qui sème ces feuilles et baies sanglantes ? Pour le découvrir il vous suffit, à vos risques et périls, de suivre les traces… »

Or, ce n’est pas juste un détournement que nous propose Flore Vesco, ce n’est pas une cabriole cabotine d’adaptation du conte, c’est un récit vibrant, actuel et viscéralement engagé, écrit dans un style d’une très grande force, sans artifice, où l’humour grinçant titille la noirceur du genre humain. Comme elle l’explique, le conte, cette culture partagée, est une matière malléable qui en passant au roman ouvre la voie à l’interprétation, au symbolique.

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