Une jolie rencontre encore une fois… Au détour d’une table présentant quelques nouveautés à la Médiathèque Marguerite Yourcenar (Paris 15e, ehhh oui je suis une grande voyageuse… 😉 ), mon regard tombe sur ce personnage intrigant.
Un profil cyranesque (si, si, j’ai le droit, si je veux), ce rouge-gorge attentif posé sur cette épaule fatiguée, compagnon de route et d’infortune semble-t-il. Et ce doigt pressant une sonnette… L’action semble comme figée et pourtant j’entends presque le ding dong…
Un titre flamboyant présentant en un mot l’homme et son art… « L’art de faire des vers à pied »… Forcément, j’ai eu envie de pousser la porte de cette histoire… Et j’ai bien fait.
Alexandrin de Vanneville, poète des campagnes et des villes, arpentant les chemins et les villes, de terre ou de bitume, par vent et par la pluie, sans me taire et sans amertume, je survis en proposant ma poésie.
Poète ambulant, Alexandrin survit en faisant commerce des vers qu’il compose. Grand échalat au style aristo et sans le sou, il sonne aux portes, parfois chanceux d’une piécette, parfois chassé d’un coup de pied. Une vie qui ne rime à rien bien qu’il ne puisse pas faire autrement que parler en vers, même pour lui-même.
La chronique d’un vagabond au destin ordinaire ?
Sur sa route chaotique pour survivre, il croise Kévin, un jeune garçon qui vient de fuir sa famille. La faim rapproche les deux vagabonds, puis le dialogue commence, les mots de l’un tentent de soigner les maux de l’autre, ils s’apprivoisent. Une amitié nait doucement : Alexandrin décide d’initier ce jeune fugueur aux arts de la poésie et de la débrouille.
Liberté, liberté… c’est un mot bien trop grand pour un si jeune enfant.
Le poète est libre, l’enfant est rêveur, la route est un cheminement intérieur… Rimes et slam s’entremêlent pour le plaisir des deux amis.
Plus qu’un exercice, c’est une discipline, pour que les mots glissent il faut que l’esprit chemine.
Le rythme du récit est doux, le lecteur chemine avec le duo Grand-père/Petit-fils réinventé, dans une ambiance automnale chaleureuse. Le choix des couleurs est particulièrement judicieux, un peu feutré, suggéré parfois, avec beaucoup de subtilité. Le rouge du t-shirt de Kévin complémentaire du vert du manteau d’Alexandrin…
C’est mon phrasé normal, comme ma vie ne rime à rien, je fais sonner les mots, c’est devenu primordial.
Malgré des dialogues principalement en vers, nombreux sont les moments où le silence s’installe entre Alexandrin et Kévin, instants précieux et tendres de ces non-dits pudiques fortement chargés d’une affection toute nouvelle pour ces cabossés de la vie.
Et puis le désir de liberté de l’un devient plus fort que l’amour paternel naissant de l’autre.
Comme ces manques sont lourds, moi qui ne possède rien.
Comment compter quand dans ma vie il n’y a plus que soustraction.
Mais si leur route se sépare, leurs destins semblent liés à jamais…
Une rencontre poétique qui laisse une empreinte certaine… Une très belle découverte.
« Ce que j’essaie avec mes personnages c’est que l’on puisse imaginer leur vie avant, après, j’aimerais que l’on croit qu’ils existent vraiment, qu’ils soient incarnés« . Pascal Rabaté
Auteur : Pascal RABATÉ
Illustrateur : Alain KOKOR
Edition : Futuropolis – BD – 96 pages – 22 euros
Année : Août 2017