À l’occasion de la sortie de son nouveau roman, « Il faut sauver la lune« , Fred Paronuzzi a gentiment accepté de répondre à nos petites questions indiscrètes.
Bel échange avec un auteur de talent qui aime les mots et sait bien les servir.
Et si ma petite histoire pouvait amener certains jeunes lecteurs à s’interroger, à remettre en question le modèle qu’on nous impose, ce serait merveilleux !
La Licorne à Lunettes : Votre nouveau roman « Il faut sauver la lune ! » met en scène un duo de choc, deux enfants un peu différents, livrés à eux-mêmes, se révélant l’un à l’autre grâce à la force de leur amitié naissante. Tels pris dans un roadmovie haletant, Valentin et Aurore se retrouvent au cœur d’une intrigue pleine de suspens dont l’enjeu n’est rien moins que l’avenir de la Lune. Comment vous est venue l’idée de cette histoire ? Et le personnage de Valentin ?
Fred Paronuzzi : Grand rêveur moi-même, j’ai une profonde tendresse pour la Lune et il m’a semblé qu’il était intéressant d’aborder les maux infligés à la Terre à travers son merveilleux satellite. Quant à Valentin… la différence, le handicap, le rejet, sont des thèmes qui me sont chers. Rien ne me révolte davantage que la cruauté gratuite, le racisme, le sexisme, l’homophobie, le jugement hâtif, les a-priori bêtes et méchants. Rien ne me dégoûte davantage que la jouissance du pouvoir pour lui-même, que la main-mise du puissant sur le faible (j’anticipe un peu sur la question suivante).
La Licorne à Lunettes : Critique du monde capitaliste stérile, du culte de l’argent pour l’argent, de cette société de consommation à outrance qui perd de vue l’essentiel ? Ces messages semblent importants à faire passer à vos jeunes lecteurs. Pourquoi ? Y a-t-il d’autres sujets que vous tiennent particulièrement à coeur en tant qu’auteur ?
Fred Paronuzzi : Je suis un écologiste convaincu, persuadé qu’un changement radical de société est nécessaire. L’humanité ne survivra pas à cette course folle à la consommation. Comme vous le dites, on perd de vue l’essentiel au risque de sombrer. C’est dramatique et en même temps, il y a un vrai mouvement, chez les jeunes et les moins jeunes, pour refuser ce que l’on nous présente comme la seule voie possible. Je crois en ce réveil des consciences. J’ai en tout cas envie d’y croire… Et si ma petite histoire pouvait amener certains jeunes lecteurs à s’interroger, à remettre en question le modèle qu’on nous impose, ce serait merveilleux !
La Licorne à Lunettes : Comme pour le diptyque « Capitaine Triplefesse », la construction narrative de ce nouveau roman est très rythmée, riche de rebondissements et toujours ponctuée d’humour. Quel est votre rapport à l’écriture ? Avez-vous un petit rituel ?
Fred Paronuzzi : Capitaine Triplefesse était un vrai défi pour moi : mon premier roman d’aventure. C’est très compliqué à écrire, une scène d’action, et j’avoue avoir trouvé une vraie exaltation à mettre en scène des combats, des courses-poursuites, etc. Le diptyque autour des pirates marche très bien, il fallait que je confirme dans un genre différent. L’acte d’écrire (l’acte créatif) me fait du bien, mentalement, mais aussi physiquement. Je n’ai pas de rituel particulier. J’écoute parfois de la musique, j’aime voir un bout de ciel depuis mon bureau.
La Licorne à Lunettes : Vous réussissez avec merveille à vous placer à la hauteur de votre lecteur, tout en ne sacrifiant pas la richesse du vocabulaire dans les descriptions des lieux comme des émotions de vos personnages. Vos héros, ici Valentin et Aurore, ou Hugo et Lila dans Capitaine Triplefesse, sont dépeints avec beaucoup de soins et de tendresse. Et vous, quels ont été vos héros d’enfance ? Quel lecteur étiez-vous enfant ? Quels sont les livres et/ou auteurs qui vous ont marqué et construit dans votre jeunesse ? Avez-vous eu la chance de rencontrer l’un de vos auteurs favoris ?
Fred Paronuzzi : Ah non, malheureusement, je n’ai jamais rencontré mes « héros-auteurs » d’enfant… je n’aurais d’ailleurs jamais pu l’imaginer ! La lecture, dans mon enfance, était un refuge, l’imaginaire ma planche de salut (tout comme l’écriture aujourd’hui). J’ai une admiration totale pour Goscinny, un génie de l’humour, inégalé, un conteur exceptionnel. Boris Vian a été également important, il m’a appris la liberté et reste un de mes auteurs favoris.
La Licorne à Lunettes : Que signifie être un auteur qui écrit pour la jeunesse aujourd’hui ? En quoi est-ce spécifique selon vous ?
Fred Paronuzzi : J’ai commencé par écrire pour les adultes, j’ai enchaîné par la jeunesse (romans et albums), j’ai commis un scénario de bd, je reviens à l’adulte… cela ne fait aucune différence, pour moi. L’écriture me passionne, sous toutes ses formes. Il n’y a pas de sous-genres, juste de bons et de mauvais livres. Ah si, quand même (je ne vais pas me faire que des amis, mais peu importe) : le milieu de la littérature jeunesse, comme celui de la bd, est bien plus sympa que celui de la littérature dite « générale », on rigole bien, on ne se prend pas trop au sérieux, on se regarde moins le nombril, il y a peu de génies incompris (cela dit, j’ai d’excellents ami(e)s qui écrivent exclusivement pour les adultes, il ne faut pas caricaturer).
La Licorne à Lunettes : Quel est le dernier livre qui vous a marqué et pourquoi ?
Fred Paronuzzi : Je suis en train de lire « Faillir être flingué » de Céline Minard, un livre sur le far-west, à l’écriture envoutante. Sinon la dernière bd de Larcenet, « Le rapport de Brodeck », m’a scotché.
La Licorne à Lunettes : Les rencontres avec vos lecteurs lors de signatures sont autant de moment uniques. Avez-vous une anecdote particulière à nous raconter ?
Fred Paronuzzi : Lors des signatures, certes, mais surtout lors des rencontres scolaires, des petites classes (CM1) au lycée, ce sont des moments importants, parfois carrément magiques. J’adore ces échanges dont on retire beaucoup.
Deux petites anecdotes. La première : lors d’une dédicace dans une librairie, un type s’est planté devant moi, a pointé un doigt vers mon visage et, la voix pleine de rage, a déclaré : « Un jour c’est moi qui serai là, à votre place ! ». Avant de tourner les talons et de renverser (exprès) une table. J’ai hésité entre avoir la trouille et rigoler. La seconde, moins anecdotique : une jeune lectrice, après une rencontre, est venue me voir pour me demander si d’après moi un enfant/ado pouvait surmonter la mort de son père (j’avais fait le parallèle entre un de mes romans et mon histoire personnelle). Elle avait perdu son papa. On a parlé longuement. C’était très émouvant.
La Licorne à Lunettes : Un petit scoop ? Pouvez-vous nous parler de vos prochains projets ?
Fred Paronuzzi : J’ai terminé un roman « adulte » (dans la veine intimiste) et suis à la recherche d’un éditeur. J’ai également fini un texte d’album (il est en cours de lecture). Sinon, j’ai commencé un autre roman adulte (un gros délire, cette fois-ci) et je réfléchis à un livre jeunesse dans l’esprit d' »Il faut sauver la lune »… j’ai du pain sur la planche,comme vous pouvez le constater !
Un grand merci à Fred Paronuzzi pour cet entretien et rendez-vous très bientôt pour une nouvelle belle recontre…
À suivre…
– 10 ans 3/4, éditions Le Dilettante, 2003
– Comme s’ils étaient beaux, éditions Le Dilettante, 2005
– La Lettre de Flora, Robert Laffont, 2007
– Un Cargo pour Berlin, Thierry Magnier, 2011
– Mon père est américain, Thierry Magnier, 2012
– Là où je vais, Thierry Magnier, 2013
– Zia Flora illustré par Vincent Djinda, Sarbacane, 2014 (BD)
– Gérard le bousier illustré par Andrée Prigent, Kaléidoscope, 2014
– Capitaine Triplefesse, à l’abordage ! (T1), Thierry Magnier, 2015
– Capitaine Triplefesse, à la rescousse ! (T2), Thierry Magnier, 2015
– Gérard et la machin collant illustré par Andrée Prigent, Kaléidoscope, 2016
– Football Cosmique illustré par Robin, Gallimard Jeunesse, 2016
– Il faut sauver la lune, Thierry Magnier, 2017.