Il y a des rencontres nécessaires, évidentes, comme des croisements de vie inéluctables. C’est ainsi que je ressens, à chaque fois, le petit choc, le mini séisme, le réveil en quelque sorte, à la sortie d’un livre qui me (re)construit. Il n’en faut pas beaucoup, quelques mots justes, quelques images magnétiques et le voyage est là…
En plongée dans l’un des bacs de mon Libraire Le Divan Jeunesse, j’avoue m’être arrêtée sur une couverture rouge et fleurie qui m’a tapée dans l’oeil… Et puis, ce titre court comme une poignée de lettres, presque malingre. Sans majuscule, sans ponctuation, en toute simplicité, comme en suspension, sans début, sans fin… Juste une injonction qui vous interpelle et vous invite à aller plus loin, à tourner la page et entrer dans l’histoire.
L’enfant était assis là sur son île.
Il regardait le monde et réfléchissait.
J’avoue avoir souri en lisant le nom de l’auteur et celui de l’illustrateur, mise en appétit par leur talent respectif et par la curiosité de les découvrir dans un exercice inédit pour moi. Et j’ai plongé. En apnée. Pendant quelques secondes, quelques minutes, je ne sais plus, le temps s’est arrêté pour que j’écoute ce que cet enfant, depuis son île, le ventre rond de sa mère, avait à dire, à me dire. Un constat sur les maux de la planète, comme un manifeste, brutal mais terriblement juste, et toujours cruellement d’actualité.
L’enfant vit la misère.
Il se dit il faudra apprendre à additionner, soustraire et multiplier, et puis à diviser.
Il faudra apprendre à partager l’argent, le pain, l’air et la terre.
Après avoir repris mon souffle, j’ai découvert que la première édition datait de 2004… Pas une ride finalement… Cet enfant de 13 ans aujourd’hui dirait-il la même chose ? Regretterait-il d’avoir décider de naître, en toute connaissance de cause ? Sa volonté à vouloir, à devoir changer le monde se serait-elle érodée à la lumière des terribles événements qui secouent le monde au quotidien ?
L’enfant vit les forêts.
Il se dit il fera bon s’y promener, s’y aventurer, y écrire des histoires pour s’y perdre, puis se coucher sur la mousse pour les écouter.
Et puis un espoir… La beauté de la nature, la force de l’amour… Des armes pour survivre, combattre les guerres et l’injustice ? Il faudra y croire, il faudra essayer, tous ensemble.
Un très grand coup de coeur pour cette belle surprise de Thierry Lenain (j’ai débuté avec Mademoiselle Zazie), un condensé d’hymne à la vie et à l’espoir d’un monde meilleur, poétique et puissant. Si j’étais déjà sous le charme de l’univers d’Olivier Tallec et de ses personnages désopilants (Rita et Machin, les Qui Quoi), la force des tableaux mêlant des couleurs brutes, quasiment primaires, à la finesse du trait de cet enfant à peine esquissé est une prouesse.
L’enfant vit les larmes.
Il se dit il faudra apprendre à s’enlacer, à ne pas avoir peur des baisers. Il faudra apprendre à dire je t’aime même sans l’avoir jamais entendu.
Auteur : Thierry LENAIN
Illustrateur : Olivier TALLEC
Edition : Gallimard Jeunesse – Collection L’heure des histoires – 32 pages – 4,90 euros
Année : 2004 (1ere édition Sarbacane), réédition 2016
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Voir l’album en vidéo (adaptation sonore de Grégoire Boutry) publié le 15 novembre 2015 à la mémoire des disparus du 13 novembre…
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Du même auteur :
- Au secours les anges ! (Les 400 coups)
- C’est ta vie ! L’encyclopédie qui parle d’amitié, d’amour et de sexe aux enfants, Oskar éditeur, 2013 (ISBN 9791021400412) – Prix Sorcières 2014 Catégorie Documentaire
- Demain les fleurs (Nathan)
- Énervé, poil au nez ! (Casterman )
- Et si tout ça n’était qu’un rêve ? (MeMo)
- Il n’y a pas si longtemps (Sarbacane )
- je me marierai avec Anna (Nathan )
- Je ne suis plus un bébé, maman ! (Nathan)
- Jim le cow-boy et Cochise l’Indien (Nathan )
- La dernière année, ou pourquoi et comment le père Noël décida d’arrêter et pourquoi il ne recommença jamais (Oskar, collection Trimestre)
- La Fille du canal (Syros)
- La France est devenue la France, illustrations de Thanh Portal, Nathan, 2017
- Le Livre Qui Fait Peur (Nathan)
- Le mariage c’est pour les nuls (Nathan )
- Le Roix boiteux, suivi de Crocodébile (Sedrap )
- Le soleil dans la poche (Casterman – épuisé)
- La collection de Mademoiselle Zazie (Nathan)
- L’Amour Hérisson (Nathan)
- Ma maman à moi (Nathan)
- Menu fille ou Menu garçon (Nathan)
- Merci Moustique (Nathan)
- Moi, Dieu Merci, qui vis ici (Albin Michel jeunesse)
- Pas de pitié pour les poupées B. (Syros)
- Petit zizi (400 coups)
- Quand les chiens s’en vont (Syros)
- Square des Batignolles, hommage à Barbara (Thierry Magnier)
- Silence les monstres ! (Nathan)
- Tête de grenouille (Nathan)
- Thomas-la-honte, Nathan, 2006
- Touche pas à mon corps, Tatie Jacotte ! (400 coups)
- Touche pas à mon papa (Nathan)
- Trouillard (Nathan)
- Un chien dans un jeu de quilles (Nathan)
- Un jour j’arrêterai la guerre / suivi de La révolte de Kourou (Nathan)
- Un marronnier sous les étoiles (Syros)
- Un pacte avec le diable (nouvelle version, Syros)
- Une île mon ange (La joie de lire)
- Vive la France ! (Nathan)
- Wahid (Albin Michel jeunesse)
- Zoé et la sorcière du quatrième (Milan)
Du même illustrateur :
– Les QuiQuoi et la maison qui n’en finit pas de grandir
– Les QuiQuoi et l’étrange sorcière tombée du ciel
– Les grands soldats chez Gallimard BD
– Le Poisson-Chien
– La série Rita et Machin avec Jean-Philippe Arrou-Vignod (lire notre interview ici)
– Grand Loup et Petit Loup
– Louis 1er, roi des moutons
– Moi devant
– Le plus féroce des loups avec Sylvie Poilleve
– Le slip de bains ou les pires vacances de ma vie avec Charlotte Moundlic
– La boum ou la plus mauvaise idée de ma vie avec Charlotte Moundlic
– Qu’est-ce qu’elle a donc cette Joconde ? avec Vincent Delieuvin
– Les petits bonheurs (CD)
– Negrinha chez Gallimard BD
Et pour les adultes (EXCELLENTISSIME !) chez Rue de Sèvres :
– Bonne journée
– Bonne continuation