Son héroïne

Quel talent pour dire en quelques mots subtils la force destructrice de l’emprise ! Un tour de force déjà brillamment réussi avec le précédent « Des Astres ».

Toute la puissance de ce court récit happant tient à la construction du caractère des personnages et de l’intrigue. On ne se méfie pas, on se laisse entrainer, par innocence, comme Jessica qui ne voit comment Rosalie s’insinue progressivement dans sa vie. C’est froid de machiavélisme inconscient car certes la prédatrice a choisi sa proie, mais c’est pour son bien, pour la sauver : la mission d’une vie. Et la mécanique pour atteindre son but est bien huilée.

Tour à tour dans l’esprit des deux protagonistes qui se découvrent et s’entrechoquent, le lecteur / la lectrice suit le cheminement par ressentis interposés, lui donnant à voir les deux côtés du miroir, impuissant.e face à la toxicité de la relation qui est en train de se mettre en place. L’obsession de Rosalie, sa Jessica, son « héroïne », dans tous les sens du terme.

C’est troublant de justesse, glaçant de réalité. Un cauchemar éveillé dont on voudrait extraire Jessica. Une lecture en apnée, écoutée en mode audio pour plus d’immersion dans le texte, et qui vous prend telle une vrille, creusant profondément pour s’enfoncer insidieusement dans les limbes de la folie. Coup de cœur !

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Orageuse

Avouez que le goût d’Arpège vous manquait. Son sillage aux effluves de chèvrefeuille, son regard obscur à l’éclat magnétique, cette inéluctable attraction qui vrille les sens et étourdit l’esprit. Violette sait de quoi je parle, au plus profond d’elle.

🌿« Son prénom. Son prénom au bout de la langue. Arpège. Deux syllabes balles de fusils. »

Car la douleur la hante maintenant : une plaie immense qui palpite sans cesse et étouffe sa raison, un supplice qui renait au moindre ressenti de cette fragrance envoûtante, au moindre souvenir de ce pays des Muses où il vit, lui, sans elle.

Déracinée, bancale, incomplète, Violette est désaccordée. Le chagrin d’amour, issu d’une rupture violente et inéluctable, est comme un poison qui la gangraine. Une passion brisée en plein vol, séparant deux mondes, deux êtres, deux corps, deux cœurs. « Cousus l’un à l’autre ».

Il suffit d’un bref regard sur cette couverture dont la sensualité inquiétante électrise un peu pour qu’on replonge, éperdument dans la poésie des mots de Joanne Richoux.

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Bordeterre

Voilà quelques semaines que j’ai plongé dans Bordeterre, j’attendais ce voyage inédit, j’attendais de découvrir l’imaginaire de Julia Thévenot via sa plume, j’attendais d’être séduite par un univers que je connais peu, ces mondes fantasy où les références font souvent échos pour les initiés. Les temps sombres ont passé depuis ces jours de mars et la trace du passage d’Inès, de Tristan, d’Alma, de Philadèlphe est toujours présente en moi. Mais un peu de pression à vouloir retranscrire cette expérience littéraire. Et chaque semaine en voyant fleurir les chroniques, je me disais « mais si, toi aussi, dis le ! » Qu’importe d’être initiée ou non, la magie opère avec ce premier roman car elle est ici source de nouveauté, et ça vous embarque abyssallement. Voilà, je le dis.

Oui, les ingrédients du fantastique sont au rendez-vous : un univers étrange, décalé et parfois dérageant, où des mystérieux êtres inquiétants rôdent. Et tout ça dès les premières pages, accroche toi ! Dès la bascule d’Inès et Tristan, l’électrochoc de leur arrivée dans ce monde parallèle produit sur le lecteur un effet d’immersion totale. Tout comme les personnages, on est plongé brutalement et sans explication dans l’univers de Bordeterre, cette ville perchée sur une faille entre deux plans de réalité. Premier mystère : arrivés dans ces contrées totalement inconnues, nos deux héros deviennent… transparents et leurs souvenirs s’effacent doucement, inexorablement. (T’es encore là ou tu es déjà parti lire la suite ? Je ne t’en voudrai pas)

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PLS

Ah, il était attendu ce nouveau roman de Joanne Richoux…

Heureuse de retrouver la musique envoûtante des mots de cette autrice sensible qui sait si bien retranscrire les émotions, les sensations, les tiraillements de l’âme de ces ados qui se frottent au crépis de la vie. « T’es beau, mon rein. » Rien que ça, la force de cet incipit qui vous propulse dans un monde à part et pourtant terriblement réaliste. C’est le monde de Sacha, lors de cette soirée d’Halloween chez lui où il navigue entre soeur jumelle Angie, la fille qu’il aime et ses amis du lycée. De pièce en pièce, il traîne sa mélancolie et noie ses démons dans l’alcool… Entre les ombres qui rôdent et la luminescence de certains êtres magnétiques, le lecteur suit Sacha dans sa descente en mode Spleen, parmi les silhouettes fuyantes, ces invités plus ou moins connus et appréciés, tiraillé entre l’image de soi à donner et la vérité qui cogne contre sa boite crânienne.


C’est le monde du bouillonnement des corps, des jeux de regards, des attirances bouleversantes et des plaisirs furtifs, au plus cru des mots, au plus près de ces grands ado presque adultes, en proie à une solitude collective, toujours en quête de sensations fortes et souvent prêts à tout. Un bad trip ? Pas pour le lecteur qui est totalement happé par l’univers de ces personnages diablement attachants, effrayants parfois, qu’on veut tour à tour protéger et secouer pour les raisonner. « C’est au degré de conneries de certaines phrases qu’on mesure combien quelqu’un nous plait ». Et l’amour ? Il est là, présent à chaque page, comme une urgence, il transpire sous toutes ces formes, sous tous ces questionnements, sous tous ces tâtonnements. Un roman noir aux reflets vibrants d’éclats, une plume vive, inventive qui trouve les accords parfaits pour faire sonner les mots de façon organique, pour déclencher chez le lecteur des sensations tactiles, olfactives, sonores. Chaque chapitre se clôt sur un morceau de musique et cette playlist rythme la narration pour immerger toujours plus le lecteur dans l’univers

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Falalalala

Hep, psttt, toi là-bas ! As-tu fait ta lettre au Père Noël ? Pas encore ? Trop tôt ? Je ne crois pas, mon ami.e. Il n’est jamais trop tôt pour faire une lettre au Père Noël de la Vie ! Car c’est exactement ce que le dernier roman Falalalala de Emilie Chazerand me donne envie de faire, une fois la dernière page tournée. (Non mais ce titre !! Non mais cette couverture !! Non mais cette écriture de ouf !! Non mais merci de tout ça !! Non mais cours acheter ce livre !!) 

Car ce livre est une ode à la vie, à profiter de chaque seconde, de ceux qu’on aime, nos proches et nos moins proches, ceux qui arrivent et ceux qui partent. Et tout ça dans une explosion de rebondissements désopilant-émotionnants totalement jouissifs (si, si). En un mot : « Fantastibuleux » !

Alors voilà, oui, ce roman est de toute beauté et de grande nécessité ! Nom d’un Bredele, j’ai savouré chaque friandise mises en mots par la fabuleuse Dame Emilie. Et ce fut un régulier lâché de commentaires vocaux pour mon entourage (famille et/ou baignoire) pendant ma lecture : des « nooon, mais elle ose, c’est trop bon » fourrés d’éclats de rire, des « oh mais oui » fulgurants au rythme de chaque punchline feudartifiesque et des « eh beh c’est malin tiens » aux lèvres serrées et menton tremblotant, touchée par une émotion brute qui m’a serré le coeur.

On ne peut pas résumer l’histoire en quelques lignes (parce qu’il faut courir acheter ce roman pour le dévorer, on te dit !) mais on peut t’allécher, lectrice, lecteur… Car tu vas vivre des émotions fortes aux-côtés de la famille Tannenbaum, et tout particulièrement de Richard, 19 ans, seul « grand » d’une famille composée de « petites » personnes aux tempéraments « XXL » avec en tête de liste, Bettina, Fritzi, Katinka, Zella, Leni, Herta et… Ludovika ! Accroche-toi, car c’est parti pour plus de 400 pages de folies montagnerussiennes auprès de gens normalement bizarres et bizarrement normaux. Alors préviens ton coeur (et tes zygomatiques), ça va secouer chéri.e.s !

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